Atelier de traductions du recueil d’Elizabeth Bronwing, Sonnets from portuguese (1850)
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I
I thought once how Theocritus had sung Of the sweet years, the dear and wished-for years, Who each one in a gracious hand appears To bear a gift for mortals, old or young: And, as I mused it in his antique tongue, I saw, in gradual vision through my tears, The sweet, sad years, the melancholy years, Those of my own life, who by turns had flung A shadow across me. Straightway I was ’ware, So weeping, how a mystic Shape did move Behind me, and drew me backward by the hair; And a voice said in mastery, while I strove,— “Guess now who holds thee!”—“Death,” I said, But, there, The silver answer rang, “Not Death, but Love.” | Je pensais une fois à Théocrite qui avait chanté Les douces années, les chères et regrettées années, Dont chacune avec une main bienveillante apparaît Pour apporter un cadeau aux mortels, vieux ou jeune : Et, comme je songeais à cela dans une langue antique, Je revis, dans une vision lente à travers mes larmes, Les douces, les tristes années, les mélancoliques années, Celles de ma propre vie, qui, à tour de rôle, ont jeté Une ombre sur moi. Soudain je fus consciente, Toute en pleurs, qu’une Ombre mystique se déplaçait Derrière moi, qui me tira en arrière par les cheveux ; Et une voix dit impérieuse – alors que je me débattais, – « Devine un peu qui te tient ! » – « La Mort », dis-je, mais là La voix d’argent rétorqua : « Non pas la Mort, mais l’Amour. » |
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But only three in all God’s universe Have heard this word thou hast said,—Himself, beside Thee speaking, and me listening! and replied One of us . . . that was God, . . . and laid the curse So darkly on my eyelids, as to amerce My sight from seeing thee,—that if I had died, The death-weights, placed there, would have signified Less absolute exclusion. “Nay” is worse From God than from all others, O my friend! Men could not part us with their worldly jars, Nor the seas change us, nor the tempests bend; Our hands would touch for all the mountain-bars: And, heaven being rolled between us at the end, We should but vow the faster for the stars. | Mais seulement nous trois dans tout l’univers de Dieu Avons entendu ces mots que tu as dits, – Lui, à côté Toi qui parlais, et moi qui écoutais ! et a répondu L’un d’entre nous… c’était Dieu… et la malédiction pesait Si ténébreuse sur mes paupières, qu’elle punissait Mes yeux de t’avoir vu, – et si j’étais morte, Le poids de la mort, placé là, aurait marqué Une exclusion moins absolue. « Non » est bien pire Venant de Dieu que de tous les autres, ô mon ami ! Les hommes ne pouvaient pas nous séparer par leurs persiflages, Ni les mers nous changer, ni les tempêtes nous faire plier ; Nos mains pourraient toucher les cimes de toutes les montagnes : Et, le paradis se déploierait entre nous à la fin, Nous ne devrions que prêter serment plus vite pour atteindre les étoiles. |
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Unlike are we, unlike, O princely Heart! Unlike our uses and our destinies. Our ministering two angels look surprise On one another, as they strike athwart Their wings in passing. Thou, bethink thee, art A guest for queens to social pageantries, With gages from a hundred brighter eyes Than tears even can make mine, to play thy part Of chief musician. What hast thou to do With looking from the lattice-lights at me, A poor, tired, wandering singer, singing through The dark, and leaning up a cypress tree? The chrism is on thine head,—on mine, the dew,— And Death must dig the level where these agree. | Différents, nous sommes si différents, Ô Cœur princier ! Différentes nos coutumes et nos destinées. Nos deux anges divins semblent surpris De nous voir ensemble, alors qu’ils battent de travers Leurs ailes en passant. Songeant à cela, tu sembles Un invité des reines aux soirées cérémoniales, Avec comme gages des centaines d’yeux plus clairs Que les larmes ne pourront jamais rendre les miens, pour jouer La partition du premier violon. Alors qu’as-tu A’ me regarder à travers le treillage des lumières, moi Une pauvre chanteuse, fatiguée, errante, chantant Dans le noir, étendue sous un cyprès ? Le chrême est dans ta tête, – dans la mienne, la rosée, – Et la Mort doit creuser le sol où tout sera d’accord. |
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