Descartes – Discours de la méthode

Discours de la méthode pou bien considérer sa raison et trouver la vérité de la science (1637)

(édition de Laurence Renault)

= publié à Leyde. Premier texte publié de D.

= c’est une préface aux traités scientifiques Dioptriques, Météores, Géométrie.

= Se présente comme une autobiographie intellectuelle aussi bien qu’existentielle qui vaut comme un exemple à méditer.

= résume les Règles pour la direction de l’esprit en la recherche de la vérité, texte latin non publié

= très diversifié : méthode, métaphysique, physique, médecine, morale.

= pose l’unité du corps des sciences.

= D. veut trouver un principe ferme et assuré qui puisse permettre de parvenir à un savoir enfin solide tant dans le domaine de la morale que dans celui des sciences.

L’optimisme intellectuel renoue avec la suprématie de la raison (comme dans philo antique).

Tous les hommes peuvent penser à condition de le faire avec méthode,

tous peuvent atteindre en cette vie le contentement que permet la morale provisoire.

= le but de la recherche de la connaissance est l’exercice du bon sens (de la raison) ;

le bon usage de la raison suppose (de) la méthode.

La raison est de discerner le vrai du faux.

=> la méthode veut donc faire de la philosophie un savoir certain, c’est-à-dire une science.

Introduction

annonce le plan.

1. sur les sciences

2. les règles de la méthode

3. la morale

4. preuves de Dieu et l’âme comme fondements de la métaphysique

5. le corps, la médecine, la différence entre « notre âme et celle des bêtes »

6. « quelles choses il (l’auteur) croit être requises pour aller plus avant en la recherche de la nature qu’il n’a été, et quelles raisons l’ont fait écrire. »

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Première partieSur les sciences

Recherche d’un principe ferme et assuré

Disposition naturelle : tous les hommes possèdent le « bon sens », pour « distinguer le vrai avec le faux ». Mais ce n’est pas suffisant : il faut une méthode rigoureuse fondée sur un principe « ferme et assuré ».

« Présenter ma vie comme un tableau ». Mon esprit « n’est pas plus parfait que ceux du commun ».

« J’ai été nourri aux lettres dès mon enfance » : bons souvenirs mais insuffisance du contenu.

Pas de « connaissance claire et assurée ». Il y découvre surtout l’étendue de son ignorance.

Mais les exercices scolaires sont une propédeutique indispensable. [=ensemble de savoirs servant de base à de futurs enseignements.]

« Je me plaisais surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons. » Elles peuvent « faciliter tous les arts et diminuer le travail des hommes. »

Mais trop de géométrie (Anciens), et « l’algèbre des modernes » est confus.

« Il est bon de savoir quelque chose des mœurs de divers peuples. » La pratique vérifie les savoirs.

Mais voyager présente le danger de se rendre étranger en son propre pays.

Notes :

voie = chemin (« méthode » en grec)

p.30 « ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. »

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Seconde partie – Les règles de la méthode

Ce qui est fait par un seul vaut plus que ce qui est fait par plusieurs. D. reprend tout l’héritage intellectuel à son propre compte.

Mais il faut tout remettre en question.

Les 4 règles de la méthode (« préceptes »)

1. règle d’évidence : énonce l’exigence cartésienne de certitude, et la disqualification de tout savoir simplement vraisemblable ou probable.

découvrir des idées claires et distinctes dans les questions qu’on examine, en évitant les 2 causes de l’erreur : les préjugés et la précipitation.

2. Diviser les problèmes en autant d’éléments simples qu’on pourra y découvrir.

3. Reconstruire le problème en passant du simple au complexe de façon ordonnée.

4. Procéder à une énumération récapitulatrice.

=> les « longues chaînes de raisons » devrait servir de modèle pour la construction méthodique de toutes les connaissances et permet d’user de sa raison le mieux possible.

Précepte 1 : la règle dite d’évidence

« Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute. »

La précipitation = consiste à porter un jugement sur une chose avant que l’entendement n’ait atteint la connaissance évidente de cette chose.

La prévention : c’est l’influence, fondée sur l’habitude, de nos croyances erronées, issues de l’enfance, sur notre jugement, autrement dit, le poids des préjugés.

Précepte 2 : « réduire la difficulté à une très simple ».

Diviser les problèmes en autant d’éléments simples qu’on pourra y découvrir.

REMARQUE : cette règle peut-elle rapprochée de l’intersectionnalité ?

Précepte 3 : aller du plus simple au plus compliqué

Précepte 4 : vérification intellectuelle de la chaîne déductive.

=> Idée de l’unité du savoir humain, fondée sur l’unité du bon sens.

p.51 Retour, encore, sur les mathématiques : elles sont vaines en soi, mais il faut s’habituer à la méthode qu’elles requièrent, puis utiliser cette méthode (chaîne démonstrative qui chemine du simple au compliqué) aux autres domaines de la connaissance, notamment la philosophie.

p.52 D. réforme les mathématiques (abandon des signes cossiques au profit des nombres en exposant).

p.53-4 réformer la philosophie est ce qu’il y a de plus difficile, car rien, jusqu’alors, n’y est certain.

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Partie 3 – La morale

La pratique n’attend pas : comment faire avant de découvrir la vérité ? = une « morale par provision » (c’est-à-dire « en attendant » selon le dico de Furetière)

= les incertitudes de la métaphysique n’empêchent pas d’établir qq principes simples qu’il suffira de suivre pour parvenir au contentement.

3 règles :

1. obéir aux lois et coutumes de son pays, respecter la religion de sa naissance. Être modéré. Suivre les opinions des « mieux sensés » en actes (plutôt qu’en discours).

2. être ferme et résolu dans ses actions quand on a pris une décision (exemple du chemin arbitraire quand on est perdu dans la forêt).

3. (régulation du désir) il faut se vaincre plutôt que de vouloir l’emporter sur la fortune : il vaut mieux changer ses désirs que l’ordre du monde.

= référence aux stoïciens.

D. ressent un tel contentement à « cultiver la raison » en suivant cette méthode, qu’il n’y en a pas de plus grand pour lui (« plus doux et plus innocent », p.60).

p.62 référence critique à Francis Bacon.

Explique son choix de partir en Hollande, pays dont il fait l’éloge.

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Partie 4 – Premières certitudes métaphysiques

« métaphysique », c’est-à-dire de « Dieu » et de « l’âme », objets traditionnels de la métaphysique entendue comme philosophie première et qui nécessite qu’on se détache de la sensibilité (abducere mentem a sensibus).

« Des méditations qui ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. » Prend des précautions.

Version simplifiée des Méditations métaphysiques.

– je me suis souvent trompé ;

– je décide de douter de toutes mes anciennes idées (remise en cause de la faculté de sentir (percevoir) mais aussi de la faculté de raisonner) ;

– pour douter, il faut penser ;

– je pense, donc je suis.

= la question du doute y est très brève, défaut que D. reconnaît (mais dans les Méditations, le doute n’aura plus la même importance).

Le doute fait ressortir l’exception du cogito, première certitude indubitable

et établit la nature de notre âme comme existence pensante, n’ayant besoin d’aucune chose matérielle pour exister (ce que les Méditations et les Réponses dénieront).

= le doute instaure une différence entre les choses matérielles (dont je peux douter) et notre propre être dont nous ne pouvons pas douter, et qui est donc immatériel.

Mais il y a la certitude de l’existence de Dieu : l’idée d’un être tout parfait s’accompagne nécessairement de son existence (sinon il ne serait pas parfait). Puisque cet être parfait existe, la connaissance de la vérité redevient possible : l’existence de Dieu garantit la possibilité de la connaissance.

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Partie 5 – Les recherches scientifiques

D. passe à l’application des principes de la méthode à la connaissance scientifique (promesse du ss-titre).

Résume les découvertes exposées dans le Monde ou Traité de la Lumière (1629) qu’il n’a pas publié à causes des controverses graves, notamment autour de Galilée.

Énumère qq principes, à partir des vérités éternelles que sont les lois établies par Dieu dans la nature comme dans nos âmes.

La circulation du sang. Longue description (erronée) à partir d’une dissection (que D. pratique souvent). Accords et désaccords avec Harvey.

2 différences entre l’homme et une machine qui lui ressemblerait :

le langage ;

– la raison

Les animaux n’ont pas de raison (s’oppose à Montaigne, cf. note 1 p.93).

Sur l’âme, qui ne peut être tirée de la puissance de la matière, mais créée. Elle est indépendante du corps. Chez les animaux, l’âme dépend du corps.

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Partie 6 – L’utilité de la méthode

Abandon de la publication du Monde à cause de la condamnation de Galilée.

« Mon inclination qui m’a toujours fait haïr le métier de faire des livres. »

L’homme peut devenir « maître et possesseur de la nature » par les usages des différents métiers des artisans.

La santé comme premier bien, qui permet les autres. Importance de la médecine (repousser la mort…).

Les expériences sont « d’autant plus nécessaires qu’on est plus avancé en connaissance. »

Résumé de la méthode :

– trouver les principes ou « premières causes » (Dieu) ;

– premiers effets de ces causes (la nature) ;

– les causes particulières ;

– vérification systématique, par rapport aux causes, des objets qui se présentent au sens ; s’inspire de l’expérience cruciale de Bacon ;

Appel aux autres scientifiques et aux mécènes (il a été dit plusieurs fois, en outre, qu’il fallait être plusieurs).

– écrire les vérités trouvées avec soin. Les publier après la mort, pour ne pas perdre de temps dans les controverses.

La bataille de la vérité.

Critique de la disputatio scholastique.

Les pensées sont toujours mal rapportées.

Il reste des choses à découvrir, et D. pense avoir le temps d’y parvenir (il a 41 ans).

Introduit la Dioptrique et les Météores.

Ne promet rien au public, mais se consacrera à la recherche.

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Remarques supplémentaires

D. ne veut pas vulgariser sa philosophie (et pense que la langue vulgaire ne le peut pas),

alors que 7 ans plus tard, il voudra écrire un manuel scolaire de sa philosophie pour qu’elle remplace l’ancienne.

S’il écrit le « discours » (qui n’est, par définition, pas un traité), c’est pour attirer les mécènes (pour poursuivre ses expériences, notamment en médecine, pour le bien de tous). Mais « masque » une partie de sa philosophie (se protège des condamnations et des dénaturations).

= ne veut pas de disciples, ne veut pas qu’on apprenne sa philosophie à partir du Discours

=> bien qu’écrite en français, ce n’est pas une « vulgarisation ».

Il manque le traité précédent de métaphysique, ce qui ne permet pas de savoir ce qui est caché et ce que D. n’a pas encore trouvé (absence du Dieu trompeur, portée du Doute).

La science universelle

D. fait le projet d’une science universelle, dont sa philosophie doit être la réalisation.

La science, c’est tout ce qu’on peut savoir => c’est la modalité épistémique qui est en jeu.

« Toute science est une connaissance certaine et évidente. »

=> le Discours est le manifeste d’une philosophie fondée sur l’exigence de la certitude

(que tout savoir humain soit aussi sûr que l’arithmétique ou la géométrie).

=> cela est possible parce que tout le savoir humain est de même nature.

=> on doit unifier les sciences en les référant à l’unité de la raison qui les constitue.

C’est la même rationalité pour tous les savoirs, on peut donc attendre la même exigence.

=> D. veut que sa philosophie s’adresse à la raison, non pas à la mémoire : donc, ce n’est pas grave si tout n’y est pas exposé, la raison palliera les manques.

De même, en français plutôt qu’en latin, pour que tous, même ceux sans éducation (ou presque…), puissent lire et juger ce qu’il a écrit, selon le « bon sens » et non pas les « livres anciens ».

=> Le Discours est un manifeste à utiliser la raison contre la tradition et l’autorité.