Pauvre Carpaccio / Pauvre gamin

Pauvre Carpaccio

Scuola di San Giorgio. Je rentre. Le cycle du Carpaccio en frise sur tous les murs. Une femme derrière sa vitre me rappelle que je dois enfiler mon masque. Je remarque alors que c’est payant. Quoi ? Regarder ces fresques qui sont là déjà exposées, c’est payant ? La guichetière me débite un laïus de soumise : elle ne gagne que des miettes, mais elle proclame tout le bien fondé des 6 euros qu’on extorque aux rares curieux. Je tergiverse tout en regardant les fresques. Elle s’impatiente. Je sors un billet de vingt euros, je le plaque sur la vitre. Je luis dis : « Vous le voyez ? » Elle me répond mi-agacée, mi-étonnée : « Ben oui ! » Je regarde à nouveau les fresques puis range le billet : « Et moi j’ai vu les fresques, nous sommes quittes. »

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Pauvre gamin

Le pauvre gamin d’une dizaine d’années à qui sa grand-mère faisait souffrir la torture de la guide privée, totalement démunie en termes de pédagogie, une fois arrivé devant le cycle de Sainte-Ursule avait remarqué : « Carpaccio, c’est le nom d’un jus de tomate, non ? » Stupéfaction et incompréhension des vieilles dames. « Pardon ? Qu’est-ce que tu dis, mon petit ? » Et l’enfant de réitérer : « Carpaccio, c’est pas le nom d’un jus… de tomate ? » Étonnement désormais apeuré devant l’élucubration : « Mais non, voyons, c’est le nom du peintre. » Pauvre petit gars, c’est toi qui as raison : carpaccio, c’est un nom de bouffe. Pas un jus de tomate, mais je suis sûr que tu en buvais un quand ta mère commanda un « carpaccio » de thon ou de saumon. Et ces vieilles sorcières qui te regardèrent comme un demeuré…