Françoise Vergès | Un féminisme décolonial

Françoise Vergès – 1952 (Paris)

Enfance à La Réunion.

Nièce de Jacques Vergès, chez qui elle habite lors de son lycée à Alger.

Thèse en 1995 sous la direction de Michael Rogin à l’université de Californie à San Diego.

Plusieurs missions officielles et décorations (Légion d’honneur en 2010).

1998 – De l’Esclavage au citoyen (avec Philippe Haudrère) ;

2006 – La Mémoire enchaînée. Questions sur l’esclavage ;

2017 – LeVentre des femmes : capitalisme, racialisation, féminisme, Albin Michel,  « Bibliothèque Idées ». (La Réunion, dans les années 1970 : avortements et stérilisations pratiqués sur des centaines de femmes à leur insu. Responsables non condamnés. Scandale révélé par le Nouvel Obs).

2019 – Un féminisme décolonial ;

2020 – Une théorie féministe de la violence – Pour une politique antiraciste de la protection.

*

Un féminisme décolonial

(février 2019)

Le vrai combat contre le capitalisme (patriarcal, blanc, masculiniste) est mené par les femmes racisées, parce que ce sont elles qui le subissent de plein fouet.

Oppose ce féminisme décolonial au « féminisme civilisationnel » qui est toujours néolibéral (la femme ne peut être libre que si elle correspond aux injonctions libérales capitalistes, si elle se plie aux règles de l’effacement).

Programme : « défendre un féminisme décolonial ayant pour objectif la destruction du racisme, du capitalisme et de l’impérialisme. »

Appelle à écrire l’histoire du féminisme racisé, et à réécrire l’histoire des luttes révolutionnaires en remettant au centre la femme racisée (« dépatriarcaliser les luttes révolutionnaires »).

Appelle enfin à renouer avec la puissance utopique du féminisme, avec un imaginaire capable transformer radicalement la société. → Pour un nouvel imaginaire de l’émerveillement et de la bienveillance, et de la lutte non pas comme suite d’échecs mais comme puissance de vie.

NB : préfère la multidimensionnalité à l’intersectionnalité pour échapper à la « hiérarchisation des luttes ». Lier plutôt que séparer.

Plan :

Invisibles, elles « ouvrent la ville »

I. Définir un camp : le féminisme décolonial (15 sous-parties)

II. L’évolution vers un féminisme civilisationnel du XXIe siècle (15 sous-parties)

*

Invisibles, elles « ouvrent la ville »

Exergues de Fanon et Lorde.

Sur la grève de la faim de femmes racisées à la gare du Nord. Et leur victoire.

Sur le travail « invisibilisé » des femmes, surtout racisées.

Mais ce qui a retenu l’attention médiatique, ce n’est pas cette victoire, mais la tribune Deneuve.

Or ce sont les femmes racisées qui portent un combat révolutionnaire dans la critique du capitalisme racial et de l’hétéropatriarcat.

*

I. Définir un camp : le féminisme décolonial

Retournement : le féminisme, longtemps décrié à droite, devient leur fer de lance.

Glissement d’un féminisme indifférent à la question raciale vers un féminisme blanc et impérialiste.

= fémonationalisme

Programme : « défendre un féminisme décolonial ayant pour objectif la destruction du racisme, du capitalisme et de l’impérialisme. »

Angela Davis : le féminisme dépasse la question de genre.

Contre l’écriture de l’histoire qui « fait du récit des luttes des opprimé.e.s celui de défaites successives et impose une linéarité où tout recul est vécu comme une preuve que le combat a été mal mené ». => l’histoire est une longue route vers la libération, une lutte sans trêve, la révolution est un travail quotidien.

Se réclamer du féminisme

Problème : même l’extrême-droite se revendique ainsi.

Vergès ne s’est pas dit féministe longtemps mais il y a eu l’émergence d’un féminisme de politique décolonial et il faut contrer la captation des luttes de femmes par le « féminisme civilisationnel ».

Une trajectoire anticoloniale

Parcours perso. MLF. Île de la Réunion (colonialisme post-1962). Plus le décolonialisme que le féminisme. Récit des oppressions contre les anti-colonialistes.

La fausse innocence du féminisme blanc

Fanon : « L’Europe est littéralement la création du Tiers-Monde » (parce qu’elle lui a volé ses richesses pour se construire). De même, la France est la création de son empire colonial.

On minimise les survivances de l’empire colonial français : tout doit apparaître comme extérieur à la France.

Il faut aussi minorer les liens entre capitalisme et racisme, sexisme et racisme. => cela innocente la France.

Ainsi le féminisme français est timoré face à l’héritage colonial et esclavagiste.

Le féminisme comme lutte pour le droit d’exister

Se dire féministe décoloniale c’est « affirmer notre fidélité aux luttes des femmes du Sud global qui nous ont précédées. »

Le féminisme décolonial, c’est dépatriarcaliser les luttes révolutionnaires.

Les féminismes de politique décoloniale

= le féminisme décolonial est un des faits marquants du début du XXIe siècle

Ses militantes, d’abord au Sud, puis par l’Espagne, au Nord, en France, aux États-Unis, etc. dénoncent le viol et le féminicide, et lient ce combat aux luttes contre les politiques de dépossession, contre la colonisation, l’extractivisme et la destruction systématique du vivant.

=> « nouvelle étape dans le processus de décolonisation »

Ces mouvements féministes doivent trouver des alternatives à l’absolutisme économique et à la fabrication infinie de marchandises.

Nos luttes « ébranlent également le féminisme civilisationnel qui [ont] fait des droits des femmes une idéologie de l’assimilation et de l’intégration à l’ordre néolibéral ».

Critique des épistémicides

Film de Fernando Solanas, L’Heure des brasiers (1968).

Le monde européen s’est approprié savoirs, esthétiques, techniques et philosophies de peuples asservis dont il niait la civilisation. → le féminisme décolonial s’inscrit dans le mouvement de réappropriation.

Contre l’idéologie qui voit dans les pays soumis des « sous-développés » qui doivent adopter les manières des Européens (technologie, démocratie, etc).

Qu’est-ce que la colonialité ?

Importance du combat contre la violence policière et la militarisation de la société.

– dénoncer la violence contre les femmes et les transgenres, sans opposer les victimes les unes aux autres ;

– analyser la production des corps racisés sans oublier la violence qui vise les transgenres et les travailleur.se.s du sexe ;

– dénationaliser et décoloniser le récit du féminisme blanc bourgeois sans occulter les réseaux féminstes antiracistes internationalistes ;

– être attentif aux politiques d’appropriation culturelle, et se méfier de l’attrait des institutions de pouvoir pour la « diversité ».

« Le capital est colonisateur, la colonie lui est consubstantielle. » → lutter contre la « colonialité ».

Contre l’eurocentrisme

Le féminisme civilisationnel naît avec la colonie.

Réécrire l’histoire du féminisme en partant de la colonie représente un enjeu central pour le féminisme décolonial.

Lilla Watson : « Si vous êtes venus pour m’aider, vous perdez votre temps. Mais si vous êtes venus parce que votre libération est liée à la mienne, alors travaillons ensemble. » (discours à la Conférence des Nations unies pour la « décennie des femmes » à Nairobi, en 1985. Mais Watson préfère dire que c’est le fruit d’une réflexion collective des groupes militants aborigènes du Queensland dans les années 1970.)

Pour une pédagogie décoloniale critique [le mot « didactique » aurait été moins méprisant…]

« Les féminismes de politique décoloniale apportent aux luttes qui partagent l’objectif de réhumaniser le monde leur bibliothèque de savoirs, leur expérience de pratiques, leurs théories antiracistes et antisexistes associées sans relâche aux luttes anticapitalistes et anti-impérialistes. »

Ce féminisme fait une « analyse multidimensionnelle » de l’oppression et refuse de découper race, sexualité et classe en catégories qui s’excluraient mutuellement.

=> la multidimensionnalité, notion proposée par Darren Lenard Hutchinson, répond aux limites de la notion d’intersectionnalité.

Fait écho au « féminisme de la totalité » qui veut compte de la totalité des rapports sociaux.

Non pas lier de manière abstraite des éléments, mais faire l’effort de voir si les liens existent.

Permet d’échapper à une hiérarchisation des luttes.

Tenir plusieurs fils à la fois pour surmonter la segmentation induite par l’idéologie.

Puis parle de ses travaux d’études : à partir d’un élément, mettre au jour un écosystème politique, économique, culturel et social.

Féminisme décolonial comme imaginaire utopique

Le « féminisme de marronnage » offre au féminisme décolonial un ancrage historique dans les luttes de résistance à la traite et à l’esclavage.

Comme politique de la désobéissance, le marronnage (actions, gestes, chants, rituels cachés ou visibles radiaux) affirme qu’il existe la possibilité d’une « futurité » (notion des féministes noires américaines).

L’argument essentialiste d’une nature féminine qui serait plus à même de respecter la vie et de désirer une société juste et égalitaire ne tient pas : les femmes ne constituent ni spontanément ni en elles-mêmes une catégorie politique.

Femmes blanches et femmes du Sud global

« Les femmes blanches n’aiment pas qu’on leur dise qu’elles sont blanches. » « Elles trouvent votre remarque « raciste ». »

Idée d’un « color-blind » : elle refuse de se voir comme blanche.

=> « admettre être blanche, c’est-à-dire admettre que des privilèges ont été historiquement accordés à cette couleur (…) serait déjà faire un grand pas. »

Reni Eddo-Lodge : « Pourquoi je ne veux plus parler de race avec les Blancs. » (2017) Prétendre que le débat sur le racisme peut se dérouler comme si les deux parties étaient à égalité est illusoire, écrit-elle, et ce n’est pas à celles et ceux qui n’ont jamais été victimes de racisme d’imposer le cadre de la discussion.

Le féminisme et le refoulé de l’esclavage

Il ne faut passer assimiler féminisme et esclavage.

L’exceptionnalisme français : la République de l’innocence

Il ne faut pas assimiler féminisme et République.

Un frein à la déracialisation de la société française est le narcissisme entretenu à propos de sa singularité, de son exceptionnalisme.

Travail sur les impensés de la langue (la lettre N en ce qui concerne les insultes).

Hubertine Auclert, secrétaire du journal L’Avenir des femmes, fonde en 1881 La Citoyenne.

Contre l’universalisme.

Les femmes dans le colonialisme français

Argumentaire déjà invoqué plus haut.

Le féminisme développementaliste

Années 70, les femmes entrent dans le monde du travail, d’où la volonté de réduction des naissances, à l’assimilation des femmes aux valeurs nationales et intérêts nationaux.

« Pour la féministe Jules Falquet, « l’empowerment des femmes » est mis en place pour répondre à la féminisation de la pauvreté, autrement dit pour parfaire des politiques de pacification et de mise au pas. » (https://julesfalquet.com/informations-professionnelles/)

Exemple des femmes indiennes qui parlent comme les OGN qui les soumettent.

Volonté des Etats à normaliser le féminisme. D’où l’hostilité aux musulmanes et aux migrantes.

*

II. L’évolution vers un féminisme civilisationnel du XXIe siècle

Laïcité chérie

Tribune du 27 novembre 1989 (association « Choisir » de Gisèle Halimi) : « Pour la défense de la laïcité. Pour la dignité des femmes » qui soutient le « Manifeste lancé aux enseignants » écrit par Elisabeth Badinter, Régis Debray, Alain Finkelkraut, Elisabeth de Fontenay et Catherine Kinztler du 2 novembre, adressé à Jospin contre le port du voile à l’école.

Parmi les signataires du premier, on trouve : Lucie Aubrac, Madeleine Chapsal, Ariane Mnouchkine, Benoîte Groult.

Grand meeting à la Mutualité. Ce qui « a quelque chose d’ironique » (écrit Vergès).

=> déclaration de guerre lancée contre les femmes racisées, plus particulièrement les musulmanes lors du meeting de novembre 1989.

« Le bicentenaire de la Révolution française a ironiquement ouvert la voie à un intégrisme laïque teinté d’orientalisme. » => devient un point de convergence entre des forces politiques a priori hostiles les unes aux autres.

Une offensive mondiale contre les Suds et ses sujets de genre féminin

En 1989, vaste contre-offensive mondiale où intérêts économiques du capitalisme, programmes d’ajustement structurel, de délocalisation et de désindustrialisation.

Cérémonies qui offrent le spectacle d’une globalisation heureuse, dans le contexte d’un révisionnisme idéologique dont l’historien François Furet est le porte-parole.

En parallèle, à la mutualité, réunion des 7 pays les plus pauvres pour demander l’abolition de la dette…

Pour l’un, les célébrations de la Révolution française doivent contribuer à enterrer définitivement ce qu’elle a pu contenir de radical ; pour l’autre, les idéaux révolutionnaires continuent à être d’actualité.

L’enrôlement des femmes dans la mission civilisatrice à l’ère libérale

« La mission féministe civilisatrice est claire : les femmes européennes partent en croisade contre la discrimination sexiste et les symboles de soumission qui persistent dans des sociétés hors de l’Europe de l’Ouest ; elles se présentent comme l’armée qui protège le continent de l’invasion d’idées, de pratiques, des femmes et d’hommes menaçant leurs acquis. Le récit est évidemment mensonger. Il leur a fallu dépolitiser les luttes des femmes des années 1970, en écarter celles des femmes dans le tiers-monde, effacer l’apport du féminisme noir. La liberté individuelle (…) devient le symbole des luttes des années 1970 ; c’est évidemment une insulte aux luttes ouvrières, des femmes immigrées, des femmes réfugiées politiques. Le combat du féminisme civilisationnel devient un combat universel du bien et du mal. »

=> le féminisme civilisationnel rappelle le « fraternalisme » de la gauche communiste française dénoncé par Aimé Césaire dans sa lettre de démission à Maurice Thorez en 1956.

L’intégration des femmes musulmanes dans les sociétés occidentales dites démocratiques est dès lors mesurée par la capacité à leur faire accepter de s’éloigner de leurs familles et de leurs communautés et de participer à leur stigmatisation.

Mohamed Yunus, « père » du microcrédit, reçoit le prix Nobel de la paix en 2006. => campagne mondiale sur le renforcement de la capacité d’agir des femmes par l’emprunt bancaire.

Si la gauche a fini par soutenir l’indépendance de l’Algérie, elle a regretté le sort des femmes qui en a découlé. Les luttes de libération dans le Sud avait échoué à libérer les femmes. Mais l’opération qui consista à en faire strictement une question de patriarcat traditionnel au Sud contre un patriarcat moderne au Nord infléchit cette critique et lui donna un sens civilisationnel. Le féminisme a voulu montrer que la situation était le fruit d’un anticolonialisme naïf. Toute critique contre cette idée fut assimilée à un « relativisme culturel ». Mais l’étude des textes prouve que la critique du féminisme décolonial était plus fondamentale.

2004 : loi contre le voile islamique à l’école.

En parallèle, offensive contre les féminismes de politique décoloniale et en Europe des militantes décoloniales sont insultées, menacées, traînées au tribunal, les accusations de racisme « anti-Blanc » et d’antisémitisme sont lancées pour faciliter la censure des mouvements décoloniaux et des voix des féministes afro ou musulmanes.

Le féminisme contre-révolutionnaire prend alors la forme d’un fémonationalisme ou fémo-impérialisme, d’un fémo-fascisme, ou de marketplace feminism. => leur point commun : la mission civilisatrice qui divise le monde entre cultures ouvertes à l’égalité des femmes et cultures hostiles à l’égalité des femmes.

Critique de la féministe allemande Alice Schwarzer (et, à travers elle, de Simone de Beauvoir).

Khola Maryma Hubsch dénonce son « islamophobie, son chauvinisme culturel et la proximité de ses points de vue avec ceux de l’extrême droite. »

L’inclusion libérale

Le capitalisme n’a aucune hésitation à faire sien le féminisme corporate (celui qui demande l’intégration dans leur monde).

Critique aussi du « féminisme inclusive » de Nous sommes tous des féministes de Chimananda Ngozi Adichiequi postule que la masculinité hétéronormée est contraignante aussi.

Mais 2 critiques :

– occulte toute la critique des féminismes noir et décolonial. Ces derniers se proposent de libérer toute la société et non de se « séparer » des hommes.

– son universalisme est défaillant. Il existe un « antagonisme structurel » (Saidiya Hartman citée par Christiana Sharpe) parce que le féminisme blanc bourgeois n’a pas accompli sa décolonisation.

Fémonationalisme, natalité et BUMIDOM

Le terme vient de Sara Farris. C’est l’exploitation de thèmes féministes par des nationalistes et des néolibéraux islamophobes.

BUMIDOM : institution gouvernementale qui organise l’émigration des jeunes des Antilles, de la Guyane et de La Réunion.

=> contrôle des migrations, contrôle des naissances, organisation d’une main-d’oeuvre mobile, racialisée et féminine.

La récupération du récit militant

La réécriture des luttes est une arme du féminisme civilisationnel.

Le féminisme civilisationnel a transformé l’adversaire (le patriarcat blanc, l’État et le capital) par l’Islam. C’est effacer les mouvements de femmes dans les usines, les mouvements lesbiens et queer, les féministes anit-impérialistes, pour redonner de la force à l’idéologie néo-libérale, notamment socialiste après 1981.

Sur Rosa Park, le Women’s Political Council (WPC) et la marche sur Washington en 1963. Le rôle minimisé et invisibilisé des femmes, alors que fondamental dans cette histoire.

C’est une fois débarrassées de leur féminisme radical et de leur militantisme que des femmes peuvent devenir des figures de l’histoire nationale : Rosa Park était proche des communistes !

Coretta Scott King aussi, qui n’est considérée qu’en tant qu’épouse de Martin Luther King.

Claudia Jones. Winnie Mandela. Djamila Bouhired. Djamila Boupacha.

Temps et récit du féminisme selon l’État

Pacification du passé militant. Stratégie d’effacement des icônes dépossédées de leur propre combat.

Il faut réécrire l’histoire des femmes pour mettre au jour les contributions des femmes indigènes, des femmes noires, des femmes colonisées, des féminismes antiracistes et anticoloniaux.

Solidarité ou loyauté avec les hommes racisés

Les mouvements révolutionnaires célèbrent des figures masculines.

Elaine Brown, dirigeante du Black Panther Party dénonce le sexisme de ses camarades.

Contre l’androcentrisme.

Le féminisme civilisationnel comme opérateur de pacification des luttes des femmes

Argumentaire déjà évoqué.

Le dévoilement des années 10

L’été, la femme doit se dénuder : moment propice aux fantasmes racistes sur le corps des femmes musulmanes.

Sur le burkini. 2016-2017. Fiction de la « révolte du bikini » en Algérie.

Patriarcat conservateur vs patriarcat libéral

2 patriarcats actuellement :

– l’un se dit moderne, et se proclame respectueux des droits des femmes et des LGTBQIT+ tant qu’il s’agit de les intégrer à l’économie néolibérale.

– l’autre patriarcat, néofasciste et masculiniste, attaque les femmes et les LGTBQIT+ (s’ensuit la liste des assassiné.e.s)

= ces 2 formes sont à combattre

Politiser le care [étrangement, le « care » sera abordé en fait dans la partie suivante]

Liste de quelques luttes révolutionnaires sur ces questions féministes décoloniales.

« Les féministes noires ont fait la démonstration du fait que les femmes noires ne peuvent aborder le travail domestique de la même manière que les femmes blanches : la racialisation du travail ménager en change profondément les enjeux. »

L’usure des corps [et l’économie de l’épuisement]

Revient sur « l’économie de l’usure et de la fatigue des corps racisés » abordée en intro.

Cite David Graber : la nécessité de réimaginer la classe ouvrière à partir de ce qu’il appelle le caring class, la classe sociale dont le « travail consiste à prendre soin des autres humains, des plantes et des animaux. »

→ il propose de définir ainsi le travail du care : « le travail dont l’objectif est de maintenir ou augmenter la liberté d’une personne. » Or, « plus votre travail sert à aider les autres, moins vous êtes payés pour le faire ». Il faut « repenser la classe ouvrière en mettant les femmes en premier, contrairement à la représentation historique qu’on se fait des ouvriers ». (citations de l’entretien « Il faut réimaginer la classe ouvrière » avec Joseph Confavreux et Jade Lindgaard, Médiapart, 16 avril 2018).

=> Vergès propose d’aller plus loin « en insistant sur l’économie de l’usure et de la fatigue des corps racisés, le nettoyage comme pratique du soin, l’instrumentalisation de la séparation propre/sale dans la gentrification et la militarisation des villes ».

Le capitalisme est une économie de déchets et ces déchets doivent disparaître aux yeux de celles et ceux qui sont en droit de jouir d’une vie bonne.

Toue une humanité est vouée à effectuer un travail invisible et surexploité pour créer un monde propre à la consommation et à la vie des institutions.

=> entraîne une ségrégation pauvres/riches (racisé.e.s/bourgeois.e.s), Nord/Sud

Qui nettoie le monde

Sur l’historique de l’industrialisation du travail ménager.

Comprendre la relation entre le capitalisme comme producteur de déchets matériels et toxiques et sa fabrication d’êtres humains comme jetables.

=> Pour les féministes décoloniales, l’analyse du travail de nettoyage et de soin dans les configurations actuelles du capitalisme racial et du féminisme civilisationnel est une tâche de premier ordre.

Renouer avec la puissance imaginaire du féminisme

Retrouver le passé et l’histoire des femmes : archéologie du féminisme indispensable et fondamental.

Mais comment écrire cette histoire ?

« Pour les racisées, il ne fallait pas combler une absence mais trouver les mots qui redonneraient vie à ce qui avait été condamné à l’existence, des mondes qui avaient été jetés hors humanité. »

En conclusion, reprend le texte écrit collectivement en juin 2017 par une trentaine d’artistes et d’activistes (dont FV) :

« Nous voulons mettre en œuvre une pensée utopiste, entendue comme énergie et force de soulèvement, comme présence et comme invitation aux rêves émancipateurs et comme geste de rupture : oser penser au-delà de ce qui se présente comme « naturel », « pragmatique », « raisonnable ». Nous ne voulons pas construire une communauté utopique mais redonner toute leur force créatrive aux rêves d’indocilité et de résistance, de justice et de liberté, de bonheur et de bienveillance, d’amitié et d’émerveillement. »

*