Schopenhauer | Le Monde comme Volonté et comme Représentation

Arthur Schopenhauer

1788 (Dantzig) – Francfort (1860)

Fils d’un négociant.

Voltairien.

Commence tard ses études universitaires.

Élève de Fichte.

1813 : Devient docteur de l’université d’Iéna dans une lignée kantienne.

1814 : découvre le bouddhisme.

1819 : publie Le Monde comme volonté et comme représentation

n’obtient pas le succès escompté.

Renonce à une carrière universitaire.

Obtient la notoriété quelques années avant sa mort.

1813 – De la quadruple racine du principe de raison suffisante

1819 – Le Monde comme volonté et comme représentation

1841Les Dieux problèmes fondamentaux de l’éthique

édition conjointe de deux mémoire :

– Sur la liberté de la volonté

– Sur le fondement de la morale

1853Parerga et Paralipomena

*

Le Monde comme volonté et comme représentation

(1819)

= pose la question de la vraie nature de la réalité.

Ce que nous appelons « le monde » (ce que nous prenons pour la réalité) n’est qu’une représentation subjective, et finalement une illusion.

La perception et la connaissance ne permettent pas de pénétrer la subjectivité qui recouvre la réalité d’un voile d’illusions, le voile de Maya (figure qu’il emprunte à la philosophie hindoue).

La véritable réalité est celle de la Volonté, aveugle et sans but, une pulsion insatiable qui pousse l’homme à survivre, à objectiver et à réaliser quelque chose.

Kant et Platon sont des références centrales.

Mais S est novateur en ce qu’il a cru trouver une confirmation de sa pensée dans les doctrines religieuses indiennes, ainsi que dans le bouddhisme.

Remèdes :

Les Upanishad (accessibles en latin, traduction d’Antuetil Duperron) (p.234) ; les Veda ; l’ascétisme chrétien.

L’art et la morale de la compassion sont aussi des moyens de s’affranchir du monde fallacieux de la représentation et des domaines où l’homme se distancie de lui-même et de sa volonté.

= pessimisme métaphysique et moral.

Mais ne préconise pas l’impersonnalité : mais pose le problème de la nature propre de l’individu spirituel et reconduit le souci du salut.

« On pourrait qualifier ma doctrine de véritable philosophie chrétienne… Elle est au spinozisme ce que le Nouveau Testament est à l’Ancien. »

A influence Nietzsche et Wittgenstein.

*

Introduction de Richard Roos

VIII – On ne saurait parler de système, car il ne s’agit pas d’un édifice logique, patiemment construit par déductions successives, mais bien d’une vision unique, d’un éclair génial, d’une intuition d’artiste qui satisfait l’esprit d’un coup ou le repousse définitivement.

= on ne réfute pas S, on l’accepte ou on le rejette. Ressemble à l’enseignement d’Epicure.

IX – S continue le criticisme kantien et s’approprie la théorie platonicienne des Idées qui ne sont en définitive que des approximations.

« Le monde que nous percevons, y compris notre corps, n’est que notre représentation et, à ce titre, il est soumis aux formes de l’espace, du temps et de la causalité qui n’existent que dans notre esprit.

Mais en soi le monde est volonté, comme nous le révèle l’expérience immédiate de notre corps, et l’objectivation de cette volonté dans le monde de la représentation n’entraîne que souffrance.

Quand l’homme parvient à percer le voile de Maya, comme dans la contemplation esthétique et surtout la véritable philosophie, il comprend la vanité de son existence et finit par renoncer au vouloir-vivre. Mais comment l’intellect, qui n’est qu’un instrument au service de notre volonté aveugle, peut-il s’affranchir de cette tutelle ? C’est, nous dit S., dans les moments privilégiés où la volonté semble dormir et où l’intuition purement objective et le monde objectif lui-même se traduisent immédiatement en concepts.

(…)

X – Il a été le premier sans doute à analyser avec autant de pénétration le refoulement inconscient des souvenirs désagréables, l’influence déterminante des impressions reçues dans la première enfance et oubliées par la conscience, enfin la puissance prépondérante de l’instinct sexuel.

(…)

Il se donne aussi beaucoup de mal pour démontrer l’identité d’esprit entre son interprétation de l’existence et la doctrine du christianisme primitif. Si les chrétiens consentaient à admettre que leur mythologie n’est qu’une simple allégorie à l’usage du peuple, ils pourraient donner leur adhésion à l’enseignement schopenhaurien et rejoindraient ainsi, en même temps que le véritable pessimisme du Christ, les centaines de millions d’Hindous dont les mythes annoncent eux aussi la métaphysique schopenhaurienne et aboutissent au reniement de la volonté.

(…)

Le pessimisme de S ne concerne pas seulement l’état présent du monde. Il nie toute évolution et tout espoir d’amélioration, car, si le monde visible est variable et soumis au devenir, il n’est que l’objectivité de la chose en soi, éternelle et immuable.

(…)

La seule liberté laissée à l’individu consistait dans sa capacité de vaincre le vouloir-vivre et d’aboutir ainsi au non-être, et pourtant cette doctrine désespérante a toujours fait l’effet d’une consolation sur les lecteurs.

(…)

Il reste pourtant un calmant provisoire (Quietiv) de la souffrance : c’est la contemplation esthétique qui conduit, elle aussi, à percer le voile de Maya, et les belles pages que S a consacrées à l’esthétique n’ont pas été les moins aptes à lui attirer l’adhésion de tant d’écrivains et de musiciens qui trouvaient ici la justification et les lettres de noblesse de leur art.

*

(…) la véritable philosophie, pour Schopenhauer, n’est pas une partie de la totalité humaine, mais concerne l’homme dans son entier.

(…) Selon le mot de Thomas Mann, Schopenhauer est un « humaniste pessimiste ».

(…) En lui s’exprime déjà le nihilisme du siècle, le vide d’un monde sans dieux, ce vide que l’on cherche alors à remplir en substituant aux anciennes certitudes de la foi dans le progrès et les sciences, le culte de l’histoire et du succès, ou, plus banalement, la sécurité matérielle et le confort moral auquel doit contribuer un christianisme modernisé et affadi.

*

Philosophie qui prêche la résignation et l’anéantissement de la volonté.

(…) La philosophie de S s’offrit comme un refuge, une consolation, satisfaisant « le besoin métaphysique » qu’il avait si lumineusement décrit, enseignant le pessimisme héroïque qui permettait d’affronter le bide enfin reconny.

(…)

Il avait d’une certaine mesure provoqué ces malentendus par l’emploi du terme « volonté » qui, pour lui, désignait le seul étant, la chose en soi dont notre volonté n’est qu’une objectivation.

(…) Finalement on tirera du pessimisme volontariste la conclusion opposée, et Nietzsche aboutira à la volonté de puissance (la 3ème Considération intempestive).

*

Après le rejet de tous les grands systèmes qui prétendaient expliquer le monde en lui donnant une signification, cette doctrine offrait une possibilité de vivre dans un monde dépourvu de sens, comme avait pu le faire jadis l’épicurisme.

*

Préface de la 1ère édition

p.7 « dans cette existence dont on ne sait si l’on doit rire ou pleurer, il faut bien faire à la plaisanterie sa part. »

Livre Premier :

Le monde comme représentation

(§1-16)

Premier point de vue : la représentation soumise au principe de raison suffisance. L’objet de l’expérience et de la science.

Citation de Rousseau : « Sors de l’enfance, ami, réveille-toi ! »

= un idéalisme transcendantal

La seule donnée immédiate est celle de ma conscience, le monde n’est rien sans elle.

Le monde n’est donc rien d’autre que ma représentation : il n’a de sens qu’en tant que je le perçois.

« Pour chacun de nous, notre mort est la fin du monde. »

Toutefois, la chose en soi kantienne doit être exclue de la métaphysique car l’intuition peut nous donner la connaissance du fond des choses.

Le phénomène n’est qu’apparence. Je suis et, hors de moi, il n’y a rien.

L’objet ne se distingue pas du sujet.

Il faut donc parler de l’ensemble qu’ils composent.

Seule la connaissance intuitive nous permet d’aller au-delà de l’apparence, et de connaître l’essence intime du monde.

La représentation et la connaissance discursive sont soumises à la causalité.

Mes représentations me semblent en effet liées les unes aux autres avec une certaine rigueur.

Les modes de ma représentation sont 4 :

1. les impressions sensibles

2. les concepts

3. les intuitions pures de l’espace et du temps

4. les actes volontaires

Le principe de raison suffisante correspond aux 4 principes gouvernant ces 4 modes de la représentation :

1. aux impressions sensibles correspondle principe du devenir (à savoir la causalité)

2. aux concepts, les lois de l’entendement (la logique)

3. les intuitions pures de l’espace et du temps = principes de l’être (détermination réciproque des parties de l’espace et du temps)

4. les actes volontaires sont sous la dépendance de la loi de motivation : la « causalité vue de l’intérieur ».

=> ainsi le monde est l’ensemble de mes représentations liées par le principe de raison suffisante à quadruple racine :

1 – la nécessité physique ;

2 – la nécessité logique ;

3 – la nécessité mathématique ;

4 – la nécessité morale.

La mise en perspective du monde de mon point de vue, organisée par la pensée conceptuelle qui objective le monde, nous empêche de le saisir en lui-même, dans sa dimension d’absolu.

La connaissance scientifique issue de l’entendement, purement phénoménale, ne peut être qu’au service des besoins tyranniques de la volonté. = C’est une connaissance impure.

*

Livre Deuxième :

Le monde considéré comme volonté

Premier point de vue : L’objectivation de la volonté

(§17-29)

I. La Volonté

= une cosmologie de la volonté

L’expérience interne (intime) du corps nous révèle la réalité même du monde.

L’expérience du désir nous permet de saisir l’être même de l’intérieur, par une réflexivité dont le caractère existentiel rompt avec tout intellectualisme.

Le désir qui est en nous est la manifestation du dynamisme cosmique. Le monde est donc, au-delà de la réprésentation que nous avons, une volonté entièrement libre, irrationnelle.

La Volonté est la réalité absolue, source de toutes les autres réalités et transcendant la causalité.

La Volonté est toujours tendue vers l’acquisition d’une forme qu’elle conquiert (végétal, animal, etc) au détriment de celles qu’elle a déjà posées. Elle est donc en lutte permanent contre elle-même. (les hommes s’entre-tuent…)

II. Le Vouloir-vivre

Le vouloir-vivre est la forme que la Volonté prend chez l’homme.

L’homme est l’animal le plus démuni pour se défendre, tout en ayant les désirs et les besoins les plus nombreux.

Le cerveau humain pallie les insuffisances : c’est une arme « plus redoutable que la griffe du lion. »

Mais le vouloir-vivre est aveugle, tragique, douloureux.

Il est un mouvement permanent, éternel. Sans fin, ni cause, ni raison, ni terme.

Il tend à la reproduction sans fin des individus et des espèces.

Il est absolu dans le sens qu’il ne se rapporte à rien sinon à lui-même,

il est absurde car sans origine et sans signification.

Il est totalité de la nature et l’intériorité de la nature, réalisant l’unité de tous les êtres individuels.

Cette unité profonde est occultée par le principe d’individuation. = vérité tragique

Consolation possible dans l’art, la morale, la mystique : pour contempler la vérité tragique avec sérénité.

*

Remarque : avec le troisième livre, on attaque le « second point de vue »

dans le même ordre que le « premier point de vue » : d’abord représentation, puis volonté

Livre Troisième :

Le monde comme représentation

Second point de vue :

la représentation considérée indépendamment du principe de raison.

L’idée platonicienne.

L’objet de l’art.

(§30-52)

= la libération par l’art

L’esprit se trouve en présence de l’Idée à l’état pur dès lors que la volonté, chez un individu, s’efface pour ne laisser que l’intuition, la connaissance désintéressée, non ordonnée aux fins de la volonté.

Cet individu est doué d’une force spirituelle vive, le « génie ».

L’objet de l’art est ce niveau d’objectivation de la volonté que Platon appelait l’Idée, et non pas le phénomène.

« L’objet que l’artiste s’efforce de représenter, dont la connaissance doit précéder et engendrer l’oeuvre… est une idée, au sens platonicien du terme. »

C’est la chose en soi, étrangère à la pluralité, mais qui se laisse représenter par elle : « Ces degrés apparaissent dans les objets particuliers comme leurs formes éternelles, comme leurs prototypes. »

= l’art atteint la connaissance de l’éternité, par l’intermédiaire des Formes éternelles qu’il contemple.

Comme l’esprit, l’art est le Consolateur : il restitue aux hommes, l’espace d’un instant, l’éternité de la Forme pure qui lui est inaccessible.

Le regard de l’artiste est l’oeil du monde : il est affranchi des contingences et il est capable de ne faire qu’un avec l’univers.

= rappelle le niveau de la deuxième hypostase plotinienne : « contemplation pure, ravissement de l’intuition, confusion du sujet et de l’objet, oubli de toute individualité. »

La musique est l’art suprême.

Elle exprime vraiment l’être et l’essence du monde grâce à l’universalité de sa langue.

« La musique est un exercice de métaphysique inconscient dans lequel l’esprit ne sait pas qu’il fait de la philosophie. »

La musique est le seul art qui soit en prise sur le noumène, non représentatif, non figuratif.

L’art constitue le premier degré de la libération : celui qui débouche sur la contemplation.

Mais ne constitue pas encore une éthique et ne remet en cause la Volonté.

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Livre quatrième :

Le monde comme volonté

Second point de vue :

Arrivant à se connaître elle-même, la volonté de vivre s’affirme, puis se nie

(§53-71)

La souffrance est le fond de toute vie. La vie humaine est la plus douloureuse forme de vie.

Du désir qui est manque à l’ennui de la satiété (cf Folantin dans A Vau-l’eau qui cite cette phrase).

Le bonheur est la suspension de la douleur (et non pas plénitude).

Le renoncement permet de dépasser la souffrance constitutive de notre condition. = il faut nier le vouloir-vivre. Il nous faut mourir au désir, extinction qui correspond au nirvana.

Le nirvana n’est pas le néant, mais la négation de la représentation et l’extinction de la volonté.

Le suicide n’est pas non plus une solution, car il est une forme du vouloir-vivre, et ne débouche que sur l’abolition de l’apparence phénoménale de la vie. « Celui qui se donne la mort voudrait vivre ; il n’est mécontent que des conditions dans lesquelles la vie lui est échue. »

= seuls l’ascétisme, l’abstinence, le refus de la procréation peuvent venir à bout du vouloir-vivre en l’homme.

C’est la résignation, que préfigure la compassion, qui s’approche au plus près de l’essence.

La forme suprême de libération est la morale, la morale de compassion.

La morale préceptive est sans valeur, de même que le formalisme kantien.

= les fondements rationnels de la morale sont victimes des mêmes illusions que les sciences : on en reste au niveau du logique sans atteindre l’ontologique.

L’action morale (se soucier d’autrui) requiert une expérience d’identification (« le phénomène quotidien de la pitié. »

Seule la pitié peut rétablir la solidarité entre les individus par la compassion. La vie étant douleur, la participation à la vie d’autrui est participation à sa douleur (c’est la définition de « pitié »).

Justice : l’individu décide de ne pas vivre aux dépens de la vie d’autrui.

Sainteté : négation de la volonté de vivre totale : l’abolition en soi de toute volonté particulière, fusion avec l’universel.

La grâce et la rédemption, catégories chrétiennes fondamentales, sont donc valables

Le suicide n’est pas libérateur.

Ce n’est pas l’âme qui est immortelle, mais la volonté.

Ce que le christianisme appelle « régénération » correspond à une purification, à une suppression du déterminisme en nous.

= Cette catharsis ouvre les portes d’une libération.

Il ne s’agit pas d’en finir avec la vie, ou d’en espérer une autre, mais, par un renversement du rapport entre l’entendement et la volonté, de faire brèche dans l’absurde pour accéder au sens : accéder à une vie autre.

= la grâce correspond à ce changement brusque du rapport intime en l’homme de la connaissance et de la volonté : « subitement et comme par un choc venu du dehors » (p.507) « désormais il dédaigne ce qu’il désirait si ardemment jusque-là ; c’est vraiment un homme nouveau qui se substitue à l’ancien. »

Seule la foi sauve, c’est-à-dire la connaissance intuitive et non pas ce qui a son origine dans une volonté préméditée (les œuvres).

= aussi Saint Augustin et Luther ont eu raison de lutter contre la croyance pélagienne au salut par la seule volonté.

Ce que les mystiques chrétiens appellent grâce efficace et régénération correspond à la seule expérience possible de liberté.

La vie ainsi renouvelée renonce à la théâtralité sociale et à ses jeux de rôles.

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Citations

1

« Le monde est est ma représentation » : « Le grand tort de Kant a été de méconnaître ce principe fondamental »

2

Notre propre corps lui-même est déjà un objet et, par suite, mérite le nom de représentation (…) c’est un objet immédiat. Comme tous les objets d’intuition, il est soumis aux conditions formelles de la pensée, le temps et l’espace, d’où naît la pluralité.

Le monde considéré comme représentation comprend 2 moitiés essentielles, nécessaires et inséparables :

– objet, qui a pour forme espace et temps = pluralité

– sujet, un et indivisible dans chaque être percevant.

Chacune de ces 2 moitiés n’est réelle et intelligible que pour l’autre et par l’autre ; elles existent et cessent d’exister ensemble. Elles se limitent réciproquement : où commence l’objet, le sujet finit. Cette mutuelle limitation apparaît dans le fait que les formes générales essentielles à tout objet (temps, espace et causalité) peuvent se tirer et se déduire entièrement du sujet lui-même, abstraction faite de l’objet ; ce qu’on peut traduire dans la langue de Kant, en disant qu’elles se trouvent a priori dans notre essence.

Le principe de raison = expression générale de toutes ces conditions formelles de l’objet, connues a priori ; que toute connaissance purement a priori se ramène au contenu de ce principe, avec tout ce qu’il implique ; en un mot, qu’en lui est concentrée toute la certitude de notre science a priori.

3

raison = faculté de l’homme à former des notions abstraites (à la différence des animaux).

Ces notions abstraites sont des « représentations abstraites ».

Elles sont différentes des « représentations intuitives » qui comprennent tout le monde visible, ou l’expérience en général, avec les conditions qui la rendent possible.

« Kant, comme nous l’avons dit, a montré (et c’est là une découverte considérable) que le temps et l’espace (…) peuvent être non seulement pensés in abstracto, mais encore saisies immédiatement en elles-mêmes et en l’absence de tout contenu. (…) Cette intuition est indépendante de l’expérience (répétée) et lui fournit ses conditions, plutôt qu’elle n’en reçoit d’elle. Temps et espace représentent les lois de toute expérience possible. »

expérience = loi de justification des jugements.

4

« Si l’on a compris le mode spécial du principe de raison, qui est la loi de causalité et qui régit le contenu des formes précédentes, temps et espace, on aura pénétré l’essence même de la matière considérée comme telle, celle-ci se réduisant toute entière à la causalité. »

p.32 « C’est parce que la matière est active qu’elle remplit l’espace et le temps, et c’est son action sur l’objet immédiat, matériel lui-même, qui engendre la perception, sans laquelle il n’y a pas de matière. »

« Si le temps et l’espace peuvent être connus par intuition chacun en soi et indépendamment de la matière, celle-ci ne saurait en revanche être aperçue sans eux. »

p.33 « C’est la causalité qui forme le lien entre le temps et l’espace. Or nous avons vu que toute l’essence de la matière consiste dans l’activité, aturement dit dans la causalité ; il en résulte que l’espace et le temps se trouvent ainsi coexister dans la matière. »

p.34 « L’action supprimée, la matière l’est du même coup. »

p.62 « L’antique erreur fondamentale de la métaphysique : la supposition d’un rapport de cause à effet entre l’objet et le sujet, et le principe de raison comme autorité absolue. »

Lucrèce | De rerum natura

Lucrèce | 98 (Pompéi) – 55 (Rome)

Presque aucuns éléments sur sa vie.

Tempérament angoissé (contrairement à Epicure).

« On entend dans son vers les spectres qui s’appellent » (Victor Hugo)

Peut-être suicidé (conjecture).

Apprécié d’Ovide. Évoqué par Cicéron et Tite-Live.

Passé sous silence sous l’Empire (très religieux).

Le manuscrit presque achevé aurait été laissé à Cicéro à sa mort, selon saint Jérôme (IV-V s.), ce qui est peu probable.

Connu par citations jusqu’à la redécouverte du manuscrit.

Manuscrit retrouvé en 1417 par le Pogge. Diffusé à partir de 1430.

Lu par Montaigne, Gassendi. Traduit par Molière.

Influence sur La Fontaine qui se réclame d’Epicure et de Lucrèce.

Apprécié de Diderot.

=> Lucrèce a permis de maintenir un matérialisme radical.

Dans la même lignée, Karl Marx a consacré sa thèse à « La différence entre la philosophie de Démocrite et celle d’Epicure » et Paul Nizan a écrit Les Matérialistes de l’Antiquité (publié posthume en 1965).

Pensée examinée dans sa modernité par Michel Serres.

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De rerum natura

Traduit le grec « Peri Phuseos », titre courant (surtout chez les pré-socratiques), utilisé par Epicure.

= ces philosophes étaient des physiciens, c’est-à-dire qu’ils réfléchissaient sur la nature de l’univers afin d’en donner une explication hors de toute intervention divine.

Phuein = « donner naissance ». « Natura » vient de « nascor » : « naissance » et « ordre naturel ».

– éloge de la pensée d’Epicure : philosophie atomiste

– lutte contre les superstitions

– célébration de l’univers infini et la puissance de la vie

– réfute Aristote en affirmant l’existence du vide, en refusant l’éternité du monde

=> combat théorique mais aussi moral.

Adressé à Memmius. Sans doute l’homme politique proche de Pompée, protecteur des poetae novi (Catulle était dans la suite de Memmius).

6 livres = 7400 hexamètres

*

Livre I (1117 vers) : la nature

= les atomes et le vide

v.1-53 Invocation à Vénus et dédicace à Memmius (interlocuteur de tout le poème).

v.54-61 Exposition du sujet

v.62-79 Eloge d’Epicure.

v.80-102 Le sacrifice d’Iphigénie (critique de la religion)

v.102-144 Il faut vaincre la peur par la connaissance de la nature (luttre contre les faux prophètes)

v.145-173 Premier principe : Rien ne naît de rien

v.174-214 Autres preuves

v.215-264 Rien ne retourne au néant

= Premier principe : l’être ne peut sortir du néant ni y entrer (en accord avec Démocrite, Epicure et Aristote).

v.265-297 Les corps invisibles : on ne peut mettre en doute l’existence des atomes

établit à partir de là l’existence de corpuscules primitifs invisibles : atomes.

Le vent, les odeurs sont invisibles.

Tous les corps sont formés d’atomes.

La mort est la décomposition d’un organisme constitué en ces particules primitives.

v.298-328 Preuves de l’existence des atomes

v.329-418 Existence du vide : le vide leur permet d’agir, de se mouvoir, d’exister.

v.419-448 Tout se ramène aux corps premiers ou au vide : rien n’existe en dehors de la matière

L’univers est le résultat de la matière et du vide.

Ce qui n’est ni matière ni vide est propriété ou accident.

v.449-482 Statut du temps (tout ce qui a un nom n’existe pas pour autant)

– sans existence propre (v.459) : le sentiment de l’achèvement vient des choses (v.460)

v.483-519 Les corps premiers ou atomes dans la nature : les atomes sont éternels

v.520-564 La théorie de l’immortalité des corps premiers est nécessairement juste

v.565-598 Seule la théorie de Lucrèce rend compte du monde tel qu’il est

v.599-634 Constitution de l’atome : l’atome est composé de parties inséparables

v.635-704 Réfutation d’Héraclite, pour qui le principe premier est le feu

v.705-829 Réfutation des autres cosmologie : réfutation d’Empédocle

v.830-920 Réfutation d’Anaxagore et de son « homéométrie » (assemblage)

v.921-950 Apologie du poème (I) = le second ouvre le livre IV

v.951-1051 L’univers est infini

il est indestructible dans ses principes, et infini dans sa masse

ne comporte pas de centre

v.1052-1117 Création et destruction des mondes : contre la conception stoïcienne de l’univers

*

Livre II (1174 vers) : sur les atomes

=mouvement et propriétés des atomes : la formation des corps

v.1-66 La sagesse = éloge de la philosophie

v.67-141 Le mouvement des atomes

= les changements continuels des corps excluent l’hypothèse d’une matière immobile

Il n’y a pas de centre où les atomes puissent s’arrêter.

v.142-166 Vitesse des atomes

Ce mouvement est rapide, car dans le vide rien ne lui fait obstacle

v.167-183 Négation de la providence

v.184-250 Poids et déviation (clinamen : l’infime déclinaison qui explique la rencontre des atomes)

La direction est de haut en bas. Mais leur chute n’est pas rigoureusement parallèle, sinon ils n’auraient pas pu s’unir en masse ni dévier d’une direction nécessaire pour former des âmes libres.

Il faut donc admettre qu’ils s’écartent légèrement de la direction perpendiculaire.

v.251-293 La liberté

v.294-332 La création continue

Les atomes ont toujours joui et jouiront toujours parce que la quantité de mouvement est toujours la même dans la nature.

Nous le savons par raison car les sens ne peuvent apercevoir l’atome.

v.333-441 Variété des formes atomiques

Si les atomes étaient tous identiques, les corps ne pourraient agir sur nos sens de manière si différente

v.442-476 Conséquences diverses

v.477-521 La variété des atomes n’est pas infinie, leur nombre et leur classe est bornée

v.522-580 Mais le nombre d’atomes dans chaque classe de figure est infini

v.581-588 Combinaisons variées des atomes à partir d’un nombre peu considérable de figures

v.589-599 Exemple de la terre

v.600-660 Cybèle

v.661-729 Autres exemples de combinaisons

v.730-841 Les atomes sont incolores

La solidité, l’indivisibilité, l’éternité, le mouvement et la figure sont les qualités de ces corps simples.

Les qualités saisies par les sens sont le résultat d’associations.

v.842-885 Absence d’autres qualités dans les atomes : ils ne sont pas sensibles

v.886-1022 Polémique sur l’origine de la sensibilité : ce n’est que leur situation et leurs mouvements respectifs qui produisent la sensibilité de certains assemblages.

v.1023-1043 Annonce d’une vérité nouvelle

v.1044-1089 L’univers et les mondes

Ces atomes ont produit notre monde, mais aussi une infinité d’autres.

La puissance de la nature est sans borne.

Notre monde n’est qu’un individu particulier dans une classe nombreuse, et comme individu il est comme tout autre soumis à la naissance, à la croissance, au déclin et à la mort. Le monde, après une phase de croissance, est dans une phase de dépérissement.

v.1090-1104 Les dieux ne gouvernent pas le monde

v.1105-1174 Le destin naturel du monde

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Livre III (1094 vers) : l’âme

L’ignorance de la nature inspire la crainte de la mort.

L’ignorance est l’unique source des maux et des crimes.

L’âme est une partie réelle de nous-même, et non une « harmonie » (une affection générale de notre organisme). L’âme et l’esprit forme une même substance.

Âme et esprit sont corporels, formés des atomes les plus subtils.

Âme et esprit résultent de l’association de 4 principes : souffle, air, chaleur et principe de sensibilité.

Mélangés et combinés, sans jamais agir séparément, ces principes dominent plus ou moins : d’où la différence de caractères.

L’âme et le corps sont unis.

Contrairement à ce que dit Démocrite, on ne peut faire correspondre un élément de l’âme à chaque élément du corps.

=> l’âme naît et meurt en même temps que le corps.

La mort n’est donc pas à craindre, elle fait de l’homme ce qu’il était avant de naître.

v.1-93 L’oeuvre d’Epicure

v.94-177 L’âme et l’esprit

v.178-230 Nature atomique de l’esprit

v.231-287 Composition de l’âme et de l’esprit

v.288-322 Les caractères innés

v.323-349 Unité du corps et de l’âme

v.350-416 Les mouvements sensitifs

v.417-444 L’esprit et l’âme naissent et meurent : ils se dissipent dans l’air après la mort

v.445-525 Ils se développent et souffrent avec le corps

v.526-547 L’âme agonise avec le corps

v.548-633 L’âme ne peut subsister avec le corps

v.634-669 L’âme est divisible et donc mortelle

v.670-712 L’âme inhérente au corps est mortelle

v.713-740 L’âme et les vers du cadavre

v.741-805 La migration des âmes est impossible

v.805-829 L’âme n’a aucun des caractères de l’immortalité

v.830-930 Ce qu’est la mort

v.931-977 Prosopopée de la nature

v.978-1023 L’enfer n’est qu’une allégorie

v.1024-1052 La mort est la loi commune

v.1053-1075 Le remède au mal de vivre

v.1075-1094 Epilogue

*

Livre IV (1287 vers) : sens et sensations, théorie des simulacres

= expliquer l’action des objets extérieurs sur l’âme, par les sens.

= Des simulacres s’introduisent dans les divers conduits de nos corps et affectent nos âmes.

Plusieurs classes :

émanations : envoyés par les corps mêmes de la surface ou de l’intérieur des objets ;

– d’autres se forment dans l’air ;

– d’autres sont un mélange que le hasard réunit dans l’atmosphère.

=> tous sont d’une très grande vitesse, et d’une subtilité inconcevable.

v.1-45 Apologie du poème (II)

v.46-109 Les images des choses

v.110-142 Leur subtilité

v.143-175 Rapidité de leur formation

v.176-217 Leur vitesse

v.218-229 Tous les corps ont des émanations

v.230-268 Phénomènes de la vision = produite par des simulacres qui émanent de la surface des corps.

v.269-323 Les miroirs

v.324-378 Phénomènes divers de la vision

v.379-468 Illusions visuelles = nos erreurs ne viennent pas de la sensation qui est éprouvée, mais de la précipitation de l’esprit.

v.469-521 Polémique sur les sens : les sens, eux, sont des guides infaillibles.

v.522-556 Les autres sens : l’ouïe. L’audition est provoquée par des corpuscules détachés des corps, qui viennent frapper l’organe de l’ouïe. Façonnés par la langue et le palais, ce sont des paroles.

v.557-614 Effet de la distance ; l’écho. Les corpuscules répercutés par des corps solides produisent des échos.

v.615-672 Le goût. La saveur vient des sucs exprimés par les aliments lorsqu’ils sont mâchés. La sensation peut différer selon l’organisation des différentes espèces animales, ainsi que selon les molécules qui produisent des sucs.

v.673-705 L’odorat. Les odeurs sont des groupuscules émanés de l’intérieur des corps, eux aussi ressentis différemment par des organes différents.

v.706-721 Répulsions de la vue

v.722-824 La vision de l’esprit. Les idées proviennent des simulacres dont l’atmosphère est sans cesse remplie. Mais leur texture est déliée : c’est ainsi que ces simulacres s’insinuent par les pores du corps. Leur succession et leur combinaison sont si rapides qu’une foule d’idées assiègent nos esprits à chaque instant : images chimériques de centaures et mille autres illusions qui nous égarent.

v.825-857 Refus des causes finales : l’organe crée la fonction = il faut rejeter les causes finales. Nos organes n’ont pas été faits en vue de nos besoins. C’est parce qu’ils sont donnés que les hommes les utilisent.

v.858-876 La faim et la soif relèvent d’un besoin naturel pour tous les animaux.

v.877-906 La marche et le mouvement : l’âme, substance déliée, peut mouvoir une masse aussi pesante que celle de notre corps.

v.907-962 Le sommeil : engourdit toutes les facultés de l’âme et du corps.

v.963-1029 Les rêves se produisent naturellement.

v.1030-1057 La puberté et l’amour : se méfier de l’amour…

v.1058-1191 Malheurs et illusions de la passion : …à cause du malheur des amants.

v.1192-1208 Réciprocité du plaisir

v.1209-1232 Hérédité

v.1233-1277 Stérilité et fécondité

v.1278-1287 Epilogue

*

Livre V (1457 vers) : la formation de l’univers

= géologie

= anthropologie (langage, feu, musique, artisanat, tissage)

v.1-90 Eloge d’Epicure

v.91-145 Mortalité du monde : le monde a eu un commencement et aura une fin.

v.146-235 Les dieux sont étrangers au monde

v.236-350 Les parties du monde sont mortelles

v.351-379 Le monde ne remplit aucune des conditions de l’immortalité

v.380-395 La lutte du feu et de l’eau : les éléments sont soumis à des vicissitudes et à des altérations perpétuelles. Des causes travaillent constamment à la destruction du monde.

v.396-415 Phaéton

v.416-508 Naissance du monde : l’univers s’est formé par le concours fortuit des atomes. D’abord confondus en une seule masse, les molécules homogènes et hétérogènes se différencièrent peu à peu du choas, selon leur pesanteur. La terre prit forme et place, puis les mers, les montagnes et les fleuves se développèrent.

v.509-533 Mouvement des astres

v.534-563 Equilibre de la terre : la terre est suspendue au milieu des airs.

v.564-591 Grandeur du soleil et de la lune

v.592-613 Chaleur du soleil

v.614-649 Cours relatifs du soleil, de la lune et des astres

v.650-679 La nuit et le jour

v.680-704 Inégalité des jours et des nuits

v.705-750 Les phases de la lune

v.751-770 Les éclipses

v.771-836 Premières productions de la terre

v.837-877 Monstres et espèces disparus

v.878-924 Animaux légendaires

v.925-1027 Les premiers hommes

v.1027-1090 Origine du langage

v.1091-1107 La découverte du feu fait disparaître la barbarie.

v.1108-1135 Origine des cités et de la richesse. Les citadelles ont été fondées pour se protéger. Puis on inventa les richesses (v.1115), et on abandonna la frugalité : la violence arriva.

v.1136-1160 Renversement des rois ; le droit et la justice. Lassés de la violence, les Hommes créèrent les lois.

v.1161-1240 La notion de dieux ; la superstition. Critique de la religion : elle s’explique à partir de simulacres illusoires qui se présentent la nuit, la peur des dangers naturels.

v.1241-1296 Métaux, armes et outils

v.1297-1349 Evolution des techniques de la guerre : art et destruction se développent ensemble.

v.1350-1359 Le tissage

v.1360-1378 Progrès dans la culture du sol

v.1379-1435 Origine de la musique et des arts

v.1436-1457 Progrès des connaissances et des arts

*

Livre VI (1286 vers) : les météores (phénomènes atmosphériques)

Les météores sont les principales sources de superstition parmi les hommes.

Tonnerre, éclairs et foudre ne viennent pas de Jupiter, mais de vapeurs qui s’enflamment naturellement.

v.1-95 Eloge d’Athènes

v.96-159 Le tonnerre

v.160-213 L’éclair

v.214-322 La foudre

v.323-378 Vitesse et force de la foudre

v.379-422 La foudre n’est pas divine

v.423-450 La trombe marine

v.451-494 Les nuages

v.495-534 La pluie et l’arc-en-ciel

v.535-607 Les séismes

v.608-638 Le niveau de la mer

v.639-708 L’Etna

v.709-737 Les crues du Nil

v.738-839 Les Avernes

v.840-847 Température de l’eau des puits

v.848-878 La fontaine d’Hammon

v.879-905 Sources incendiaires

v.906-1090 L’aimant

v.1091-1137 Maladies et épidémies

v.1138-1286 Peste d’Athènes

*

Descartes – Discours de la méthode

Discours de la méthode pou bien considérer sa raison et trouver la vérité de la science (1637)

(édition de Laurence Renault)

= publié à Leyde. Premier texte publié de D.

= c’est une préface aux traités scientifiques Dioptriques, Météores, Géométrie.

= Se présente comme une autobiographie intellectuelle aussi bien qu’existentielle qui vaut comme un exemple à méditer.

= résume les Règles pour la direction de l’esprit en la recherche de la vérité, texte latin non publié

= très diversifié : méthode, métaphysique, physique, médecine, morale.

= pose l’unité du corps des sciences.

= D. veut trouver un principe ferme et assuré qui puisse permettre de parvenir à un savoir enfin solide tant dans le domaine de la morale que dans celui des sciences.

L’optimisme intellectuel renoue avec la suprématie de la raison (comme dans philo antique).

Tous les hommes peuvent penser à condition de le faire avec méthode,

tous peuvent atteindre en cette vie le contentement que permet la morale provisoire.

= le but de la recherche de la connaissance est l’exercice du bon sens (de la raison) ;

le bon usage de la raison suppose (de) la méthode.

La raison est de discerner le vrai du faux.

=> la méthode veut donc faire de la philosophie un savoir certain, c’est-à-dire une science.

Introduction

annonce le plan.

1. sur les sciences

2. les règles de la méthode

3. la morale

4. preuves de Dieu et l’âme comme fondements de la métaphysique

5. le corps, la médecine, la différence entre « notre âme et celle des bêtes »

6. « quelles choses il (l’auteur) croit être requises pour aller plus avant en la recherche de la nature qu’il n’a été, et quelles raisons l’ont fait écrire. »

*

Première partieSur les sciences

Recherche d’un principe ferme et assuré

Disposition naturelle : tous les hommes possèdent le « bon sens », pour « distinguer le vrai avec le faux ». Mais ce n’est pas suffisant : il faut une méthode rigoureuse fondée sur un principe « ferme et assuré ».

« Présenter ma vie comme un tableau ». Mon esprit « n’est pas plus parfait que ceux du commun ».

« J’ai été nourri aux lettres dès mon enfance » : bons souvenirs mais insuffisance du contenu.

Pas de « connaissance claire et assurée ». Il y découvre surtout l’étendue de son ignorance.

Mais les exercices scolaires sont une propédeutique indispensable. [=ensemble de savoirs servant de base à de futurs enseignements.]

« Je me plaisais surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons. » Elles peuvent « faciliter tous les arts et diminuer le travail des hommes. »

Mais trop de géométrie (Anciens), et « l’algèbre des modernes » est confus.

« Il est bon de savoir quelque chose des mœurs de divers peuples. » La pratique vérifie les savoirs.

Mais voyager présente le danger de se rendre étranger en son propre pays.

Notes :

voie = chemin (« méthode » en grec)

p.30 « ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. »

*

Seconde partie – Les règles de la méthode

Ce qui est fait par un seul vaut plus que ce qui est fait par plusieurs. D. reprend tout l’héritage intellectuel à son propre compte.

Mais il faut tout remettre en question.

Les 4 règles de la méthode (« préceptes »)

1. règle d’évidence : énonce l’exigence cartésienne de certitude, et la disqualification de tout savoir simplement vraisemblable ou probable.

découvrir des idées claires et distinctes dans les questions qu’on examine, en évitant les 2 causes de l’erreur : les préjugés et la précipitation.

2. Diviser les problèmes en autant d’éléments simples qu’on pourra y découvrir.

3. Reconstruire le problème en passant du simple au complexe de façon ordonnée.

4. Procéder à une énumération récapitulatrice.

=> les « longues chaînes de raisons » devrait servir de modèle pour la construction méthodique de toutes les connaissances et permet d’user de sa raison le mieux possible.

Précepte 1 : la règle dite d’évidence

« Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute. »

La précipitation = consiste à porter un jugement sur une chose avant que l’entendement n’ait atteint la connaissance évidente de cette chose.

La prévention : c’est l’influence, fondée sur l’habitude, de nos croyances erronées, issues de l’enfance, sur notre jugement, autrement dit, le poids des préjugés.

Précepte 2 : « réduire la difficulté à une très simple ».

Diviser les problèmes en autant d’éléments simples qu’on pourra y découvrir.

REMARQUE : cette règle peut-elle rapprochée de l’intersectionnalité ?

Précepte 3 : aller du plus simple au plus compliqué

Précepte 4 : vérification intellectuelle de la chaîne déductive.

=> Idée de l’unité du savoir humain, fondée sur l’unité du bon sens.

p.51 Retour, encore, sur les mathématiques : elles sont vaines en soi, mais il faut s’habituer à la méthode qu’elles requièrent, puis utiliser cette méthode (chaîne démonstrative qui chemine du simple au compliqué) aux autres domaines de la connaissance, notamment la philosophie.

p.52 D. réforme les mathématiques (abandon des signes cossiques au profit des nombres en exposant).

p.53-4 réformer la philosophie est ce qu’il y a de plus difficile, car rien, jusqu’alors, n’y est certain.

*

Partie 3 – La morale

La pratique n’attend pas : comment faire avant de découvrir la vérité ? = une « morale par provision » (c’est-à-dire « en attendant » selon le dico de Furetière)

= les incertitudes de la métaphysique n’empêchent pas d’établir qq principes simples qu’il suffira de suivre pour parvenir au contentement.

3 règles :

1. obéir aux lois et coutumes de son pays, respecter la religion de sa naissance. Être modéré. Suivre les opinions des « mieux sensés » en actes (plutôt qu’en discours).

2. être ferme et résolu dans ses actions quand on a pris une décision (exemple du chemin arbitraire quand on est perdu dans la forêt).

3. (régulation du désir) il faut se vaincre plutôt que de vouloir l’emporter sur la fortune : il vaut mieux changer ses désirs que l’ordre du monde.

= référence aux stoïciens.

D. ressent un tel contentement à « cultiver la raison » en suivant cette méthode, qu’il n’y en a pas de plus grand pour lui (« plus doux et plus innocent », p.60).

p.62 référence critique à Francis Bacon.

Explique son choix de partir en Hollande, pays dont il fait l’éloge.

*

Partie 4 – Premières certitudes métaphysiques

« métaphysique », c’est-à-dire de « Dieu » et de « l’âme », objets traditionnels de la métaphysique entendue comme philosophie première et qui nécessite qu’on se détache de la sensibilité (abducere mentem a sensibus).

« Des méditations qui ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. » Prend des précautions.

Version simplifiée des Méditations métaphysiques.

– je me suis souvent trompé ;

– je décide de douter de toutes mes anciennes idées (remise en cause de la faculté de sentir (percevoir) mais aussi de la faculté de raisonner) ;

– pour douter, il faut penser ;

– je pense, donc je suis.

= la question du doute y est très brève, défaut que D. reconnaît (mais dans les Méditations, le doute n’aura plus la même importance).

Le doute fait ressortir l’exception du cogito, première certitude indubitable

et établit la nature de notre âme comme existence pensante, n’ayant besoin d’aucune chose matérielle pour exister (ce que les Méditations et les Réponses dénieront).

= le doute instaure une différence entre les choses matérielles (dont je peux douter) et notre propre être dont nous ne pouvons pas douter, et qui est donc immatériel.

Mais il y a la certitude de l’existence de Dieu : l’idée d’un être tout parfait s’accompagne nécessairement de son existence (sinon il ne serait pas parfait). Puisque cet être parfait existe, la connaissance de la vérité redevient possible : l’existence de Dieu garantit la possibilité de la connaissance.

*

Partie 5 – Les recherches scientifiques

D. passe à l’application des principes de la méthode à la connaissance scientifique (promesse du ss-titre).

Résume les découvertes exposées dans le Monde ou Traité de la Lumière (1629) qu’il n’a pas publié à causes des controverses graves, notamment autour de Galilée.

Énumère qq principes, à partir des vérités éternelles que sont les lois établies par Dieu dans la nature comme dans nos âmes.

La circulation du sang. Longue description (erronée) à partir d’une dissection (que D. pratique souvent). Accords et désaccords avec Harvey.

2 différences entre l’homme et une machine qui lui ressemblerait :

le langage ;

– la raison

Les animaux n’ont pas de raison (s’oppose à Montaigne, cf. note 1 p.93).

Sur l’âme, qui ne peut être tirée de la puissance de la matière, mais créée. Elle est indépendante du corps. Chez les animaux, l’âme dépend du corps.

*

Partie 6 – L’utilité de la méthode

Abandon de la publication du Monde à cause de la condamnation de Galilée.

« Mon inclination qui m’a toujours fait haïr le métier de faire des livres. »

L’homme peut devenir « maître et possesseur de la nature » par les usages des différents métiers des artisans.

La santé comme premier bien, qui permet les autres. Importance de la médecine (repousser la mort…).

Les expériences sont « d’autant plus nécessaires qu’on est plus avancé en connaissance. »

Résumé de la méthode :

– trouver les principes ou « premières causes » (Dieu) ;

– premiers effets de ces causes (la nature) ;

– les causes particulières ;

– vérification systématique, par rapport aux causes, des objets qui se présentent au sens ; s’inspire de l’expérience cruciale de Bacon ;

Appel aux autres scientifiques et aux mécènes (il a été dit plusieurs fois, en outre, qu’il fallait être plusieurs).

– écrire les vérités trouvées avec soin. Les publier après la mort, pour ne pas perdre de temps dans les controverses.

La bataille de la vérité.

Critique de la disputatio scholastique.

Les pensées sont toujours mal rapportées.

Il reste des choses à découvrir, et D. pense avoir le temps d’y parvenir (il a 41 ans).

Introduit la Dioptrique et les Météores.

Ne promet rien au public, mais se consacrera à la recherche.

*

Remarques supplémentaires

D. ne veut pas vulgariser sa philosophie (et pense que la langue vulgaire ne le peut pas),

alors que 7 ans plus tard, il voudra écrire un manuel scolaire de sa philosophie pour qu’elle remplace l’ancienne.

S’il écrit le « discours » (qui n’est, par définition, pas un traité), c’est pour attirer les mécènes (pour poursuivre ses expériences, notamment en médecine, pour le bien de tous). Mais « masque » une partie de sa philosophie (se protège des condamnations et des dénaturations).

= ne veut pas de disciples, ne veut pas qu’on apprenne sa philosophie à partir du Discours

=> bien qu’écrite en français, ce n’est pas une « vulgarisation ».

Il manque le traité précédent de métaphysique, ce qui ne permet pas de savoir ce qui est caché et ce que D. n’a pas encore trouvé (absence du Dieu trompeur, portée du Doute).

La science universelle

D. fait le projet d’une science universelle, dont sa philosophie doit être la réalisation.

La science, c’est tout ce qu’on peut savoir => c’est la modalité épistémique qui est en jeu.

« Toute science est une connaissance certaine et évidente. »

=> le Discours est le manifeste d’une philosophie fondée sur l’exigence de la certitude

(que tout savoir humain soit aussi sûr que l’arithmétique ou la géométrie).

=> cela est possible parce que tout le savoir humain est de même nature.

=> on doit unifier les sciences en les référant à l’unité de la raison qui les constitue.

C’est la même rationalité pour tous les savoirs, on peut donc attendre la même exigence.

=> D. veut que sa philosophie s’adresse à la raison, non pas à la mémoire : donc, ce n’est pas grave si tout n’y est pas exposé, la raison palliera les manques.

De même, en français plutôt qu’en latin, pour que tous, même ceux sans éducation (ou presque…), puissent lire et juger ce qu’il a écrit, selon le « bon sens » et non pas les « livres anciens ».

=> Le Discours est un manifeste à utiliser la raison contre la tradition et l’autorité.

George Sand | François le Champi

Bibliographie sélective

Ouvrages généraux

BARRY, Joseph, George Sand ou le scandale de la liberté, Points, 2004 ;

CHAMPETIER dE RIBES, Béatrice, Les paysans dans l’oeuvre de georges Sand, s.n., 1973 ;

HAMON, Bernard, Georges Sand et la politique, ANRT, 1998 ;

PERROT, Michelle, Georges Sand à Nohant : une maison d’artiste, Seuil, 2020 ;

REID, Martine, Georges Sand, Folio biographies, 2013.

*

Articles sur le livre

DE VRIES, Vicki, François le Champi, an new Emile, French Culture studies 2015, vol 26(1) 3-16 ;

GIACHETTI, Claudine, Le Syndrome d’abandon dans cinq romans de George Sand, Orbis Lietterarum 51 : 195-204, 1996 ;

RASER, Timoty, The intertextual Uncouscious in François le Champi, French Forum, 2009 ; 34, 2 ;

WORWILL, Structure in George Sand’ François le Champi, Dalhousie French Studies, 2008, vol.84.

*

Emissions radiophoniques

On trouvera toute une série d’émissions sur George Sand en suivant ce lien vers France Culture :

https://www.franceculture.fr/recherche/articles-et-diffusions?q=george+sand

dont :

« Grande traversée : George Sand, vie singulière d’une auteure majuscule » :

https://www.franceculture.fr/emissions/grande-traversee-george-sand-vie-singuliere-dune-auteure-majuscule

Concordance des temps (Jean-Noël Jeanneney) :

https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/letrange-modernite-de-la-comtesse-de-segur

La compagnie des auteurs (devenu “la compagnie des oeuvres”) :

https://franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/george-sand

Conférence d’André Maurois :

https://franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/les-grandes-conferences-george-sand-ou-le-probleme-de-la-femme-george-sand-et-chopin

La correspondance Sand/Flaubert :

https://franceculture.fr/emissions/fictions-le-feuilleton/gustave-flaubert-george-sand-correspondance

George Sand et Chopin :

https://www.franceculture.fr/emissions/grands-ecrivains-grandes-conferences/george-sand-24-les-grandes-conferences-george-sand-et

Pier Paolo Pasolini | Sonnetto primaverale (1953)

Sonnet printanier

I

Nel falso silenzio che si addensa
per le campagne e le borgate, grava
il busio delle sere primaverili
quando soave l’atmosfera propaga
da finestre aperte, anditi, cortili,
i suoni domestici, e gli allegri
echi di strade popolari. Ma aprile
è lontano: e in questo vuoto, grevi
d’un senso di morte sono i segni
che dovrebbero rallegrare la vita.
È un ritorno, questo; e nei sereni
fari, nei già tiepidi spazi è finita
una forma del nostro esistere, e inizio
non ne ha una nuova, se tremarne è vizio.
Dans le faux silence qui se condense
sur les campagnes et les bourgades, pèse
le bourdonnement des soirs printaniers
quand l’atmosphère suave propage
par les fenêtres ouvertes, les réduits, les cours,
des sons domestiques, et les joyeux
échos des rues populaires. Mais avril
est loin : et dans ce vide, lourds
d’un sentiment de mort sont les signes
qui devraient réjouir la vie.
C’est un retour, que cela ; et dans les foyers
sereins, dans les espaces déjà tièdes s’est achevée
une forme de notre existence, qui n’en a pas
encore une nouvelle, quand s’en effrayer est un vice.

II

Che senso hanno, nel loro vibrare
così intero e puro, questi suoni
tenuemente tramandati da un’aria
senza vita, e carica di vita? Uomini
che parlano tra case così limpide
nella limpida notte, ancora gelida,
ma invasa da non so che tepore, stinti
motori per le grandi strade, lievi
urti di mobili da stanze sonore…
Che sens ha questo sospeso silenzio
carico di pace e senza pace? Il cuore
esso sì, sa tutto, la quiete, la violenza
della nuova stagione: ma io? Quale
è il bene che è in me e quale il male?
Quel sens ont, dans leur vibration
si intense et pure, ces sons
transmis avec légèreté par un air
sans vie, et chargé de vie ? Hommes
qui parlent parmi des maisons si limpides
dans la nuit limpide, encore gelée,
mais envahie de je ne sais quelle tiédeur, moteurs
clairs sur les grandes routes, chocs
légers des meubles dans la chambre sonore…
Quel sens a ce silence suspendu
chargé de paix et sans paix ? Le cœur
lui aussi, sait tout, la tranquillité, la violence
de la saison nouvelle : mais moi ? Quel
est le bien qui est en moi et quel est le mal ?

III

Scolorita sui muri e sull’asfalto
la bianchezza invernale, è primavera
questo volgare, abbacinato calco
che più bianca dell’alba fa la sera…
Sulle arabe case del sobborgo
perché riappare eterno ciò che esiste?
Perché con tanta pienezza m’accorgo
e non più giovane – del triste
e felice spettacolo di ciò
che fu nei secoli ed è mia vita?
Se basta a straziare tutto un soffio
primaverile, e nelle’aria addolcita
sento il sapore che avrà il mondo
umano, quando’io non sarò più uomo?
Décolorée, sur les murs et sur l’asphalte,
la blancheur hivernale, c’est le printemps
ce vulgaire, cet éblouissant calque
qui rend le soir plus blanc que l’aube…
Sur les maisons arabes de la banlieue
pourquoi réapparaît éternellement ce qui existe ?
Pourquoi avec tant de plénitude je me rends compte
– et je ne suis plus tout jeune – du triste
et joyeux spectacle de ce
qui eut lieu dans les siècles et dans ma vie ?
S’il suffit pour tout déchire d’un souffle
printanier, et dans l’air adouci
je sens le goût qu’aura le monde
humain, quand ne serai-je plus un homme ?

IV

Nella sera d’aprile il vecchio odore
di gelsomini e povere minestre
poetico mi perde nel terrore
di ritrovarmi qui, conscio, tra queste
contrade umane, tiepide, soavi,
e le felicità di riconoscermi
ben radicato in questi luoghi gravidi,
quietamente, di suprema angoscia.
È l’incertezza della parte ignorata
di me che oggi è in vita, che nient’altro
sa ricavare da questa non rinata
ma ritrovata primavera, che un aspro
e dolce orgasmo, un attento abbandono.
Di trent’anni div eita questa è il dono!
Dans le soir d’avril l’ancienne odeur
des jasmins et des maigres soupes
poétique me perd dans la terreur
de me retrouver ici, conscient, dans ces
quartiers humains, tièdes, sauves,
– et le bonheur de me reconnaître
bien enraciné dans ces lieux solides,
tranquillement, d’angoisse suprême.
C’est l’incertitude de la partie inconnue
de moi qui aujourd’hui est en vie, qui ne sait rien
d’autre déduire de ce printemps non pas rené
mais retrouvé, qu’un âpre
et doux orgasme, un attentif abandon.
De trente années de vie c’est cela le don !

V

Ramo, od insetto, che l’aurora investe,
fermo in un posto il cui chiarore
par quieto, e trema tutto nella fresca
terra apparsa sotto il fresco sole,
io, nel mio letto, sono ferito da un sereno
di festa… È il cieco, puro affetto
che al ragazzo, come a una bestia, il seno
seminava di spasimi. Ingenuo, retto
e allegro mi ridesto, tra lenzuola
profumate da un mio infantile sudore
antico… che tornava con le viole…
quasi dal cielo piovesse un amore
sconosciuto, e subito tornato
antico: e fosse ardore, non peccato.
Branche, ou insecte, que l’aurore investit,
fixe à un endroit où la clarté
paraît calme, et tout tremble dans la terre fraîche
qui est apparue sous le soleil frais,
moi, dans mon lit, la gaieté de cette fête
me blesse… C’est l’aveugle, le pur amour
qui, le sein du jeune garçon, comme d’une bête,
soulève de spasmes. Ingénu, dressé
et joyeux je me réveille, parmi les draps
parfumés par une antique sueur infantile
qui est à moi… qui retournait avec les violettes…
comme si du ciel il eût plu un amour
inconnu, et soudain revenu
de loin : et qui eût été amour, et non pas péché.

VI

In un dolce silenzio, dietro il caldo
buio della mia camera, si assesta
il tempo; e vi percuote dentro un tardo
freddo, un nuovo bruciore, oscura festa
di ricordi… Case sparse al sole…
o argini più aspri proprio il giorno
in cui una prima dolcezza di viole
quasi macerate ardeva intorno…
L’essere stato al mondo, il suo rimpianto,
non vibra più. È un tempo che si assesta
sempre più estraneo… e ora è immoto incanto,
ora immoto terrore… o quello e questo
insieme… ma come se al ricordo
non io solo, ma il mondo fosse sordo.
Dans un doux silence, derrière l’ombre
chaude de ma chambre, se tient
le temps ; et il s’y cogne dans une tardive
fraîcheur une nouvelle brûlure, fête obscure
des souvenirs… Maisons éparses au soleil…
ou remblais plus rudes le jour même
où une première douceur de violettes
presque pourries brûlait dans l’air…
D’avoir été au monde, le regretter,
ne résonne plus. C’est un temps qui se tient
toujours plus étranger… tantôt un charme immobile,
tantôt une terreur immobile… ou ceci et cela
ensemble… mais comme si au souvenir
pas seulement moi, mais le monde fût sourd.

*