Didi-Huberman | La ressemblance informe

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Georges Didi-Huberman, La Ressemblance informe ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille (1995)

Etude de Documents (1929-1930)

= s’y lit la radicalité de Bataille dans sa volonté de dépasser les fondements de l’esthétique classique.

= élaboration de notions devenues célèbres (« l’informe »)

= manipulation pratique d’images en même temps qu’il pense cette manipulation.

Bataille cherche la « ressemblance déchirante », ce qui crée la dissemblance.

=> esthétique paradoxale : déplacement des problèmes :

– du « goût » vers ceux du désir,

– de la « beauté » vers ce de l’intensité

– de la « forme » vers l’informe.

= analyse de DH selon 2 plans :

– le vocabulaire théorique de B

– les procédures visuelles de la « figure humaine »

=> regroupés sous le problème général de la « ressemblance » (anthropologique et esthétique)

Chez Bataille, il y a la conjonction entre :

– une pensée transgressive et une pensée déjà structurale

– les avant-gardes artistiques et les sciences humaines.

=> d’où la notion de gai savoir visuel, généreux.

3 parties (les sous-parties ne sont pas numérotées) :

I. Thèse : ressemblance et conformité. Comment déchire-t-on la ressemblance ? (6 ss-parties)

II. Antithèse : les « formes concrètes de la disproportion », ou la décomposition de l’anthropomorphisme (14 sous-parties)

III. Symptôme : le « développement dialectique de faits aussi concrets que les formes visibles… » (10 sous-parties)

Deux penseurs : Nietzsche et Hegel

La notion de « gai savoir » fait référence à Nietzsche (souvent convoqué par Bataille),

mais autant la composition de l’essai que le contenu (surtout de la dernière partie) convoque Hegel

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I. Thèse : ressemblance et conformité. Comment déchire-t-on la ressemblance ?

1. Le double régime de l’image.

2. Documents visuels du gai savoir.

3. L’anthropologie des formes.

4. Comment transgresse-t-on la forme ?

5. La thèse thomiste face à l’antithèse bataillienne.

6. Question de ressemblance : question de contact.

Partie générale consacrée à la question de la forme (/informe) et de la « ressemblance »

= relie la pensée bataille à l’histoire des idées (recontextualisation), notamment au thomisme (Bataille est passé par l’Ecole des Chartes, il est donc un bon connaisseur du Moyen Âge)

1. Le double régime de l’image

Sur l’expérience (« faire l’expérience » de la déchirure) = dimension concrète de l’entreprise bataillienne.

Distinction entre expérience subie (point de vue phénoménologique) et expérience œuvrée (« c’est-à-dire construite au moyen de procédés efficaces », point d vue formel, voire structural).

Iconographie au caractère « obstinément et systématiquement renversé, renversant – négateur, ignoble, paradoxal, sinistre, sexuel… ».

=> expérience suppliciante de ce type d’images.

= contre le caractère centrifuge des images, une mobilité.

Contre le « moment suppliciant » de l’image définitive, un « moment enjoué », le gai savoir de l’image car image labile, nouvelle (même si angoissante).

2. Documents visuels du gai savoir

Revue Documents financée par Georges Wildenstein (il finance aussi la Gazette des ba)

Figurent au 2ème numéro les noms d’Erwin Panofsky, Fritz Sawl, Pietro Toesca – qui ne donnèrent jamais de texte.

= Documents est le moment de la « besogne des images », c’est-à-dire de mettre à l’épreuve la notion de ressemblance.

« usage critique de la valeur d’usage »

3. L’anthropologie des formes

= remise en cause des « pouvoirs séculaires de l’idée » :

→Michel Leiris écrit : une « philosophie agressivement anti-idéaliste. »1

→Denis Hollier : une « revue agressivement réaliste ».

Revue pas seulement de « beaux-arts » (comme le voulait Wildenstein), mais « ethnologique »

=> réflexion « épistémo-critique » (mot de W.Benjamin).

Prend en compte Durkheim et Mauss.

Œuvres traditionnelles + œuvres contemporaines

=> cela en fait une « publication Janus » (Leiris)

4. Comment transgresse-t-on la forme ?

La transgression, chez Bataille, est d’abord transgression de la forme. => article « Informe »

Michel Foucault : « Préface à la transgression », Critique, XIX, 1963, n°195-6. (« La limite et la transgression se doivent l’une à l’autre la densité de leur être »)

Dans « informe », il y a des « ressemblances transgressives » plutôt que des dissemblances.

= B « déclasse » : il est plus transgressif que le monde ressemblât à quelque chose d’ignoble plutôt qu’il ne ressemblât à rien.

DH parle, en paraphrasant Artaud, de « cruauté dans les ressemblances ».

Cite Rosalind Krauss qui utilise Bataille dans son travail sur la photographie : l’informe n’est pas le contraire de la forme, mais un un bouleversement à partir d’une forme grâce à des « processus ».

=> pour produire des « ressemblances déchirantes ».

5. La thèse thomiste face à l’antithèse bataillienne

Généalogie de l’informe chez Bataille, à partir de l’article « Figure humaine ».

Il cite le thomisme. Pour lui, il ramasse la métaphysique occidentale, d’Aristote à Hegel.

Thomisme : « vulgaire voracité intellectuelle » (Bataille)

Saint-Thomas d’Aquin, dans la Somme théologique : « La ressemblance se comprend selon la convenance dans la forme, et c’est pourquoi la ressemblance est multiple. »

(Angélique (le pseudo utilisé pour Mme Edwarda) est « thomiste »)

StTh articule toujours sur l’évidence de ses définitions un degré immédiatement construit de complexité métaphysique.

= suit une analyse par DH de la ressemblance comme hiérarchie et interdit :

– la ressemblance a une structure de mythe ;

– la ressemblance a une structure de tabou.

=> d’où privilégier la dissemblance.

6. Question de ressemblance : question de contact.

En revendiquant la « ressemblance informe », Bataille aura commencé à défaire cette construction mythique de a ressemblance.

= renversement de la hiérarchie modèle/copie, haut/bas

= refus de toute mythologie de l’origine comme à toute espérance finale

= brise le tabou du toucher : et c’est par le toucher qu’il casse la ressemblance (vue).

Il faut toucher au plus profond.

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II. Antithèse : les « formes concrètes de la disproportion », ou la décomposition de l’anthropomorphisme

Aborde l’antithèse, et donc l’hégélianisme bataillien (en référence à Derrida).

Procédés utilisés contre l’idéalité de la « Figure humaine ». Les processus sont dialectiques (on maltraite un donné, qu’on reconstruit/aborde/voit/connaît autrement).

1. Déchirer, faire se toucher.

2. La question de la figure humaine.

3. La dérision de l’anthropomorphisme.

4. La disproportion de l’anthropomorphisme.

5. Le démenti de l’anthropomorphisme.

6. La découpe dans l’anthropomorphisme.

7. La phobie touchée au vif.

8. La spatialité atteinte et transformée.

9. La dévoration de l’anthropomorphisme.

10. La massification de l’anthropomorphisme.

11. L’excès et le défaut de chair.

12. L’écorchement de l’anthropomorphisme.

13. L’écrasement de l’anthropomorphisme.

14. Le désastre de l’anthropomorphisme.

1. Déchirer, faire se toucher.

Antithèses et paradoxismes (qui viennent de la rhétorique classique) chez Bataille.

Importance de l’antithèse chez Bataille, jusque dans la construction de ses récits.

Antithèse comme figure rhétorique : sublime et souillure, « immonde et éclatant » (« Le langage des fleurs »)

L’antithèse sans réserve : Derrida.

[Remarques de DH sur le mot « sacer » : « sacré » et « maudit »]

Par l’antithèse adjectivale, B nous met sur la voie d’une paradoxalité où se situent tous les objets qu’ils convoquent => c’est déchirer la forme. « Il faut faire se toucher des concepts, des mots que la convenance tient justement pour contradictoires ou inaccessibles. » = ainsi on ouvre des concepts.

2. La question de la figure humaine

= ce qui est vrai aussi des aspects, domaine de l’image.

Sur le texte « Figure humaine ».

Anthropomorphisme : anthropocentrisme de la forme. Idéalisation de la figure humaine, que nie Bataille. [Attention, la définition usuelle est : prêter forme humaine à ce qui ne l’est pas.]

La principale forme visuelle de cette substantialité (des concepts, des mots, des aspects) n’est autre que l’anthropomorphisme.

=> transgresser les formes, ce sera d’abord transgresser les formes séculaires de l’anthropomorphisme.

Contre cela, il faut privilégier les relations sur les termes.

Connaissance « pathique » : par le choc, la surprise produite par la relation).

=> c’est « l’insubordination des faits matériels » qui est capable de choquer, de transformer la pensée.

= la transgression est un gai savoir visuel et la déchirure une heuristique des rapports visuels.

3. La dérision de l’anthropomorphisme

L’article « Figure humaine » organise tout un contrepoint iconographique comme une vaste dérision des convenances anthropomorphes.

Analyse des images utilisées dans l’article.

= les « formes concrètes de la disproportion » ressortissent toujours à un problème de spatialité atteinte, de spatialité transformée ou inquiétée (par des dispositifs de montage, de cadrage, de juxtaposition, etc.)

4. La disproportion de l’anthropomorphisme

Développement de l’idée précédente. Analyse de l’image du « Gros orteil ».

= images disproportionnées

=> opposition entre l’harmonique loi d’une « proportion » entre le détail et le tout.

Référence à l’ombilic du fameux rêve freudien de « l’injection d’Irma » (Lacan, Le Séminaire II).

5. Le démenti de l’anthropomorphisme

Le document (qui est vision de réel et pas de rêve) cherche un symptôme capable de briser l’écran de la représentation.

La construction du document doit permettre cette valeur de symptôme.

B oppose la violence du désir à la convenance du goût (il défie « n’importe quel amateur de peinture d’aimer une toile autant qu’un fétichiste aime une chaussure », in « L’esprit moderne et le jeu des transpositions »).

Critique de Bataille de la « chiourme architecturale » (la « physionomie officielle » de l’architecture classique) Dans l’article « Architecture ».

Dialectique : l’anthropomorphisme est un moyen de critiquer l’anthropomorphisme…

6. La découpe dans l’anthropomorphisme

B a fait surgir la disproportion de l’organique et de l’architectural.

Analyse d’articles (« Musées », « Abattoir », « Kâli », etc.)

7. La phobie touchée au vif

Le film de Bunuel et Dali (séquence de l’oeil)

8. La spatialité atteinte et transformée

L’expression « semblable à… »

Reprend l’oeil immense de Grandville qui juge. (« l’oeil vorace »)

= leçon phénoménologique capable de donner à la loi morale, à la phobie ou au tabou une expression sensorielle (voire affective) et une spatialité propres.

=> forme spatiale de l’expérience (« spatialité atteinte », cad spatialité familière)

Article « Espace ». = critique de Kant.

Absence de construction totalisante des documents.

Les ressemblances se construisent dans la violence de 4 procédures concomitantes :

– l’écroulement des limites

– l’inversion des genres (homme-animal, Blanc-Africain, masculin-féminin)

le travestissement

– la prédation

=> approche pathétique du paradoxe : angoissant, jovial, identificatoire, ironique.

= procédures de ruptures

L’espace n’est pas une condition transcendantale de la sensibilité (Kant), mais un processus morphogénétique d’être dedans.

9. La dévoration de l’anthropomorphisme

Incorporation du semblable (image du poisson).

D’abord, l’humain : image de la bouche.

=> remise en cause de l’humanité se définissant selon la hiérarchie d’un modèle divin (la somme de StTh) et doit désormais s’expérimenter dans un jeu de confrontations violentes avec l’altérité en général.

10. La massification de l’anthropomorphisme

Intérêt de B pour les images où se lisent la décomposition de l’anthropomorphisme.

[D’où son intérêt pour Klee, Miro, etc.]

La figure humaine se trouve décomposée par massification.

=> cette décomposition refuse à la figure humaine son privilège ontologique.

11. L’excès et le défaut de chair

Sur les contrastes des images de Documents.

12. L’écorchement de l’anthropomorphisme

Prédilection pour les symbolismes peu orthodoxes.

Aussi par la juxtaposition des images.

Prédilection pour la « cruauté enjouée », voire « heureuse » (cf iconographie du rituel aztèque).

Michel Leiris aborde aussi ces thématiques.

« Entre savoir de la violence et violence du savoir, la rédaction de Documents poussait aussi loin que possible sa quête des limites où la « Figure humain » devait rencontrer tout à la fois sa vérité et sa décomposition : son démenti athéologique ».

13. L’écrasement de l’anthropomorphisme

A partir de l’iconographie aztèque, réflexions sur le mot « informe »

informe = le pouvoir qu’ont les formes de se déformer elles-mêmes.

= on touche aux paradoxes de la ressemblance de la figure humaine : le visage visible et le visage caché (ou l’autre du visage).

Ce visage caché est aussi le sexe de la femme (cf L’Alleluiah, OE complètes, V, p.395)

= nature dialectique du processus de l’informe : excès des formes, excès dans les formes.

L’informe, c’est l’altérité. C’est aussi l’écrasement (la mise en contact désagrégeante, ouverture, écartèlement, écartement).

Exemples contemporains avec Arp, Miro : « excès de ressemblance » fonctionne comme une « décomposition ». Disparitions, irruptions.

= le visage défiguré se métamorphose en lieu, comme si l’écrasement devait être défini comme le devenir-lieu de la « Figure humaine », du visage en particulier.

14. Le désastre de l’anthropomorphisme

Signification paradigmatique du mot « désastre » dans Documents : accident souverain (symptôme) qui atteinte et révèle, qui dément avec violence la « Figure humaine » dans sa position d’idéalité.

[les formes du désastre seront reprises par Blanchot, L’Ecriture du désastre.]

Sur les images bibliques (Saint-Sever), puis contemporaines (ou proches : 1870-1).

Puis le sacrilège (le crachat – article de Leiris).

Mise en mouvement des images.

Conclusion => l’informe procède surtout d’une mise en mouvement de notre propre désir de regarder face à face ce qui décompose la – notre – « Figure humaine ». Une mise en mouvement de notre désir de regarder en face, au moins accidentellement, et dans une proximité si forte qu’elle confine au toucher, notre propre deuil de la « Figure humaine ».

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III. Symptôme : le « développement dialectique de faits aussi concrets que les formes visibles… »

Cette troisième partie occupe la moitié de l’ouvrage.

1. La métamorphose des formes.

2. Le va-et-vient des formes.

3. La répercussion des formes.

4. Une dialectique « hérétique », ou comment émettre l’hypothèse.

5. Une dialectique « négative » ou comment ouvrir la philosophie.

6. Une dialectique « régressive », ou comment voir naître une image.

7. Une dialectique « altérante », ou comment débuter en art.

8. Une dialectique « enchevêtrée », ou comment mettre les écarts en contact.

9. Une dialectique « concrète », ou comment rendre les formes intenses.

10. Une dialectique « extatique », ou comment incarner désir et cruauté.

1. La métamorphose des formes

« Le deuil de la « Figure humaine » ne saurait être qu’un interminable, un incurable processus : nul ne sait résoudre le deuil de la « Figure humaine », se résoudre à sa perte, et Bataille, pas plus qu’un autre, n’a voulu ni cru en finir avec elle. »

= sa perte est donc un symptôme.

= il n’y a donc pas de dernier stade de l’informe.

Il y a un caractère limité de la décomposition pour Bataille (il faut que ça ressemble, que ça marque la dissemblance avec quelque chose).

Mais B s’arrête-t-il à cette antithèse ? Ne fournit-il pas un troisième moment dialectique, la synthèse ?

Pensée heuristique qui ne cherche jamais l’axiomatique.

DH analyse ici la notion de métamorphose : le devenir-quelque-chose (chose, dieu, etc).

2. Le va-et-vient des formes

métamorphose = « engendrement matériel de formes antithétiques »

un incessant « va-et-vient » (« de l’ordure à l’idéal et de l’idéal à l’ordure », « Le gros orteil »).

3. La répercussion des formes

Le mot répercussion : qui apparaît dans l’article sur Picasso.

= mot qui relève encore d’une « étrange dialectique » : le mouvement des formes entraîne une dislocation des formes.

Évocation de l’attaque de Breton contre B dans Manifeste du surréalisme de 1930 (qui réagit contre l’attaque voilée de Bataille dans « Figure humaine » qui parle de « soif sordide de toutes les intégrités » dans laquelle Breton s’est sûrement reconnu).

Bataille oppose une pensée transsubstantielle à la substance. Le terme est ironique, il renvoie à la position théorique de l’informe : il récuse que « chaque chose ait sa forme ».

Dans la « déformation » décisive, la relation hiérarchique entre modèle et copie s’inverse pour devenir celle d’une « dissemblance agie », le registre « agité » de l’informe, qui doit alors se comprendre comme une dépense de forme.

=> L’informe est une question de dépense.

4. Une dialectique « hérétique », ou comment émettre l’hypothèse

L’entrée de l’informe répond à 3 exigences théoriques fondamentales :

– les déterminations contradictoires ou les « divergences de formes »

– la reconnaissance d’une mise en mouvement de ces « déterminations contradictoires » (qui conditionne l’antistatisme et l’antisubstantialisme des formes pour B)

– la « conséquence décisive » : ce quelque chose qui s’ouvre dans la mise en mouvement des déterminations contradictoires, ce par quoi les formes prolifèrent et nous atteignent.

=> l’informe sert à « déclasser »

=> il s’agit d’une dialectique : contradiction, mise en mouvement, altération.

Breton reprochait à B son attitude « antidialectique » : sa violence conceptuelle ressemble à un refus caractérisé de toute méthode dialectique.

La Vulgate bataillienne a repris trop inconsidérément le motif du refus de toute dialectique (Arnaud et Excoffon-Lafargue, qu’on ne lit plus… « Il n’y a pas chez B de dialectique ou dualisme », Bataille, 1978).

Or, il y a une valeur d’usage de la dialectique chez Bataille, qui n’est pas seulement hégélien.

Bataille, en 1932, signe avec Queneau un article : « La critique des fondements de la dialectique hégélienne ».

Le cours de Kojève aura lieu à partir de 1933.

Mais, dès 1929, critique du caractère « logique » et « abstrait » de la dialectique hégélienne : « Il est trop facile de réduire l’antinomie abstraite du moi et du non-moi, la dialectique hégélienne ayant été imaginée tot exprès pour opérer ces escamotages. », in « Figure humaine »)

La valeur d’usage de la dialectique n’est pas axiomatique chez Bataille, elle est heuristique.

=> cette expérience donne lieu à un détournement du mot « dialectique »

Proche de la définition du Littré : « dans l’ancienne philosophie, une argumentation vivante et dialoguée » qui va jusqu’à la diatribe, usage qui passe pour avoir été inventée par Zélon d’Elée (dont B fait l’éloge dans « La mutilation sacrificielle et l’oreille coupée de Van G »)

=> mot de la révolte.

Sur les rapports de Leiris et Bataille. Amitié, accords et désaccords (sur le matérialisme manichéen de Bataille, sa « mystique de l’ascension », son dualisme).

Bataille récuse non seulement Dieu, la religion et les « philosophies mystiques », mais aussi le matérialisme ontologique (=la postulation d’une matière comme « substance ») qui lui paraît procéder d’un idéalisme non dialectisé, c’est-à-dire non hégélien.

=> il ne s’agit pas pour B d’être « matérialiste » en jouant la matière contre la forme, mais de tenir la position instable consistant à reconnaître l’intraitable dialectique de leur rapport, de leur inséparation contradictoire, contact et contrastes mêlés : remise en question devant chaque matière, forme, document.

= idéaliser la matière, c’est réduire sa puissance de démenti face aux idées que les hommes tentent de se faire d’eux-mêmes et du monde.

= B ne cherche ni à vaincre les obstacles ni à résoudre les contradictions : il cherche à les maintenir (en tant que « manichéen ») vivaces dans leur propre mise en mouvement : ce qui peut démentir la réalité en chaque document et la rendre démente, proliférante, protéiforme, active, créatrice.

=> c’est une dialectique

5. Une dialectique « négative » ou comment ouvrir la philosophie

Débat éternel : B hégélien ou non ?

Rapports qui relèvent de la tension, de la discussion.

Hegel n’était pas « académique » à l’époque de Bataille (il le devient aussi grâce à lui dans les 30s)

Il marque la modernité et a été adopté en bloc par les Surréalistes, avant d’être renié tout aussi brutalement.

Queneau parle de « l’anti-hégélianisme dialectique » esquissé plutôt que conceptuellement élaboré de Bataille dans « Le bas matérialisme » et « Les écarts de la nature » (« Premières confrontations avec Hegel », Critique, n°195-6, 1963).

Usage de Hegel plutôt qu’exégèse interne du système hégélien.

=> art de la négation et du dépassement à l’oeuvre dans Documents pendant 2 ans.

Dans « Figure humaine », B s’attaque à 2 idéalismes :

– l’idéalisme hiérarchique du thomisme (version théologique) et bourgeoise (version laïque) ;

– l’idéalisme de la dialectique hégélienne en tant qu’« expression abstraite » des « formes concrètes de la disproportion » (de la ressemblance cruelle / de la dissemblance). Opération typiquement idéaliste d’« escamotage ».

=> Mais il trahit la pensée de Hegel sur 2 points :

– Hegel critique les « déterminations abstraites » qui doivent justement être toujours destinées à subir l’épreuve dialectique de leur dépassement2 ;

– B feint de croire (ou croit) que la dialectique hégélienne n’est qu’une méthode « abstraite », alors que « la Dialectique est chez lui tout autre chose qu’une méthode de pensée ou d’exposé. Et on peut même dire qu’en un certain sens Hegel a été le premier à avoir abandonné la Dialectique en tant que méthode philosophique. » (Kojève, p.455).

Pour Hegel, système et mouvement vont de pair : la vérité relève d’une structure dynamique et réelle de passage (aufheben : « passage en tant que vérité » selon Nancy, traditionnellement traduit par « dépassement »). Ce n’est pas une « redingote mathématique ». => le savoir hégélien n’est pas figé, ne peut pas être « possédé », il apparaît comme un processus de « dissolution », une « dissolution patiente de la pensée habituelle et de ses significations défectueuses» (Gérard Lebrun, La Patience du concept ; il récuse, comme Althusser, la réduction de l’hégélianisme à un « mysticisme spéculatif »).

Ailleurs Hegel écrit : « Je nomme dialectique le principe moteur du Concept en tant que non seulement il résout les particularisations de l’universel, mais les produit. » (Principes de la philosophie du droit)

Mais évolution de Bataille par rapport à Hegel entre « Figure humaine » et « Le bas matérialisme », puis « Les écarts de la nature » où le « paradoxe sénile » et abstrait de l’identité des contraires laisse place à de passionnantes et « monstrueuses cosmogonies dualistes »…

+ nouvelle vertu théorique essentielle : non plus « escamotage » visant à réduire les écarts, mais la reconnaissance des écarts comme tels grâce à une « dialectique des formes » (« Les écarts de la nature »).

=> Forme dialectique que celle qui attribue à la nature la « responsabilité » structurale de ce qui surgit en elle comme contre nature. => la théorie bataillienne de l’écart est donc une théorie dialectique.

Bataille reconnaît une mise en mouvement du négatif : loin d’être une abstraction, la négativité est « acte immanent » à toute chose, toute représentation, action, notion, qui permet le « dépassement ».

C’est en partant du principe hégélien selon lequel « l’Action est Négativité et la Négativité, Action » que Bataille donne sa version de la souveraineté (« Hegel, l’homme et l’histoire », 1956, OC XII), développe la notion d’une « Action négative ou créatrice » jusqu’au sacrifice , action libre de déployer cette « plus grande force » que serait la capacité à « maintenir l’oeuvre de la mort ».

Cette « œuvre de la mort » reconnue par Bataille, après Hegel, comme « acte immanent » de toute chose, de toute représentation, de toute action, de toute notion.

Convergence de motifs entre Bataille et Hegel :

– la pensée dialectique n’est pas une « abstraction » mais un « dépassement » de l’antinomie entre connaissance abstraite et expérience sensible (l’antinomie du formalisme abstrait et de l’« hétérologie de l’expérience », selon l’expression de Jean Hyppolite dans Logique et existence) ;

– l’exigence hégélienne à propos du concept où il devient inutile de vouloir repérer une filiation classique, à partir de l’idée platonicienne ou de la forme aristotélicienne (Gérard Lebrun avance même l’hypothèse que la tension hégélienne vers « le savoir absolu » n’est autre qu’une patiente subversion de toutes les opérations habituelles du savoir) ;

– les relations sur les termes et les processus sur les stases ;

– l’engagement hégélien devant le multiple qui vient de la parole de Zénon citée dans le Parménide : « Si les êtres sont multiples, ils ne peuvent manquer d’être à la fois semblables et dissemblables, ce qui est impossible, vu que les dissemblables ne peuvent être semblables, ni les semblables dissemblables. » Contre la solution classique (à savoir que 2 choses peuvent être semblables sous un certain rapport, et dissemblables sous un autre), Hegel a tenté de penser comme processus dialectique cet « impossible » même, ce battement du semblable et du dissemblable, dont le moteur (gond, cheville) est le « travail prodigieux du négatif » ;

– le travail du négatif n’a pas de résultat, comme le suggère Hegel dans un passage de sa préface à la Phénoménologie sur le « délire bachique ». Ce qu’a vu Derrida : « une dépense si irréversible, une négativité si radicatle – il faut dire ici sans réserve – qu’on ne peut même plus les déterminer en négativité dans un procès ou un système. »

=> Bataille fait alors le choix du « non philosophique » (cf Le Coupable, p.239-40). Mais ce n’est pas pour autant un sacrifice infini, un excès à tout va : le sans réserve n’est pas le sans processus, ce n’est pas un « iconographisme » (comme on le dit souvent pour Bataille) : il y a une dialectique des formes qui fait naître des « images ».

6. Une dialectique « régressive », ou comment voir naître une image

La « dialectique des formes » apparaît dans « Les écarts de la nature » : incongruité, agression, malaise, effet comique, « séduction », écart. C’est ce qui est recherché dans Documents. DH en analyse chaque aspect.

=> en conclut que la « dialectique » bataillienne refuse toute « signification transfigurée » = il récuse la « transposition » (p.240).

Contrairement à Hegel, il ne veut pas laisser les choses « loin derrière soi », mais au contraire s’en rapprocher : il accepte, il recherche le danger. C’est en quoi il n’est pas philosophique.

Il veut trouver une image. => un contact de la pensée avec l’image.

La dialectique des formes aura succombé à la « séduction », aura introduit le malaise dans la représentation philosophique.

Elle accorde une dimension théorique et une valeur de connaissance à la mise en rapports d’images, alors qu’un hégélien situerait cette mise en rapport à un niveau de « pré-compréhension ».

=> d’où Queneau qui qualifie l’entreprise bataillienne comme un « anti-hégélianisme dialectique ».

p.242 : sur l’enfant, l’enfantin. => « régression » / « transgression »

régression

1. déclasser.

2. « volonté de retourner « voir naître l’image d’une façon concrète » » (p.246).

3. colère => « esthésique » contre « esthétique » : il faut maintenir présents tous les moments du processus

= analyse des rapports avec la « régression » freudienne dans L’Interprétation des rêves (1900).

a. La régression y est une mise en crise de la connaissance en même temps qu’un « mode de connaissance de l’enfance oubliée ».

b. Mais aussi mise en crise de la représentation en même temps que l’affirmation d’un pouvoir de visualité qui traduit l’aspect « attractif » de la structure.

c. mise en crise des élaborations symboliques (ce que Bataille appelle les « architectures » de l’idée) en même temps qu’une dynamique de la construction d’une situation spécifique (pour Bataille, le « montage figuratif ».

=> C’est dans ces montages figuratifs que s’impose l’étrangeté du « gai savoir » visuel : la violence du démenti et l’attractionvisuelle généralisée = ce qui est une construction…

7. Une dialectique « altérante », ou comment débuter en art

Il s’agit donc, aussi, de « construire ».

Bataille s’intéresse alors à l’art primitif (25 ans avant Lascaux).

Or, ce qu’il découvre, c’est que l’enfance de l’art est déjà dialectique (p.260) : dépasser le « réalisme intellectuel » (normes) par un « réalisme visuel » considéré comme finalité de toute figuration.

=> le mot « altération » : analyse (p.262).

La dialectique des formes commence par une altération du subjectile (c’est-à-dire du support) qui induit une dialectique de la trace : la « présence réelle » du sujet s’affirme dans l’objet comme une négation souveraine, une destruction ou un démenti que la trace a précisément pour fonction de « relever » (= la représentation affirme le sujet en affirmant aussi son absence) : maintient l’objet en l’altérant (et non pas en le néantisant). C’est l’altération du sujet qui prolonge l’altération du subjectile.

=> la dialectique développe un modèle structural et dynamique du jeu des formes.

= Tout cela est proche de l’image dialectique de Walter Benjamin.

8. Une dialectique « enchevêtrée », ou comment mettre les écarts en contact

Sur « l’écart des formes ».

Sur une position « radicalement matérialiste » qui ne cherche pas à se faire de la matière une idée (p.271). D’où l’absence de références à Engels (mais pas d’édition de la Dialectique de la nature) ou à Lénine (les Cahiers publiés en 1929-30). = Bataille cherche les formes concrètes.

Matière, pour Bataille = non pas morte, stable, mais en mouvement (mouvement « voyou »).

La dialectique de Bataille est convoquée comme matérialiste parce qu’elle vise heuristiquement plutôt qu’axiomatiquement une morphologie concrète et différentielle, à chaque fois remise en question (p.272).

= Ce n’est ni l’amour de la dialectique (côté méthode) ni la revendication de matérialisme (côté révolution) qui suscitent l’attention aux formes : c’est l’attention aux formes (le gai savoir visuel) qui exigent le reste.

9. Une dialectique « concrète », ou comment rendre les formes intenses

Pour ne pas seulement nier, mais construire, Bataille met en place des « montages figuratifs ».

Exemples. Puis les rapports avec Eisenstein. = le montage est un « régime dialectique » [à noter que DH reviendra sur ces « dyspositifs » dans son livre sur Brecht et son Journal de guerre.]

La dialectique s’énonce donc, non pas thèse-antithèse-synthèse, mais thèse-antithèse-symptôme (une décomposition plutôt qu’un dépassement : le zerfallen deNietzsche plutôt que l’aufheben de Hegel). => y revient dans la sous-partie « 11 »

10. Une dialectique « extatique », ou comment incarner désir et cruauté

Encore sur Eisenstein. La pratique du montage qui est une « hétérologie » de l’image.

=> cherchent l’irritation et la séduction.

[p.309 sur le projet d’Eisenstein d’adapter Le Capital en rendant hommage à l’Ulysse de Joyce (écriture faite d’associations intellectuelles et sensorielles mêlées)]

=> Cherchant l’impossible du figurable : intraduisible, irreprésentable au moyen d’une image qui lui serait « convenante » ou le résumerait. => présenter l’irreprésentable.

=> on touche à l’extase. Dans L’expérience intérieure, B décrit l’extase du sujet « face à l’impossible ». Sujet embrasé, fondu hors de soi, dans la « décomposition », la « supplication »..

4ème aspect dialectique. Cela vient, pour DH, du « désir » : le jeu des formes procède d’une dialectique du désir (p.318). [peu clair : rapport à Freud encore.]

5ème aspect dialectique La constitution de l’image, chez E et chez B, revêt un cinquième aspect : extase du crime et extase de la beauté, hors-de-soi de la séduction et hors-de-soi de l’horreur : une dialectique de la cruauté. (p.320)

Longue digression sur Eisenstein.

11. Une dialectique « symptomale », ou comment toucher au plus bas

Retour sur le processus thèse-antithèse-symptôme (qui décrit le processus de l’informe).

Note 2 : contre la dialectique orthodoxe : Foucault (L’ordre du discours), Deleuze (Pourparlers), Nancy (Le Sens du monde). [DH semble ignorer le livre d’Adorno, La Dialectique négative.]

Sur l’usage du mot « symptôme » dans la sphère esthétique.

Le symptôme renvoie à la maladie, à l’écart, à la crise, à l’excès. Le terme apparaît dans « Le cheval académique » (premier article de B dans Documents) : qualitfie presque ontologiquement cette configuration spécifique des rapports entre les formes (que nous nommons « style ») (p.335)

Définition du style : Le style, pour B, doit être tenu non pas pour une affaire d’élégance, mais pour « le symptôme d’un état de choses essentiel », une « chose de l’être » visuellement manifestée dans la mise en catastrophe d’une « succession d’images violentes » nommée dislocation ou altération de la « figure humaine ».

Dire symptôme, c’est dire d’abord l’impossibilité de la synthèse dans le processus dialectique. = B envisage le symptôme comme un passage obligé (l’insolite obligé, l’anormal obligé) de toute « communication », de toute relation, de toute forme donnée.

Or, le simple incident devient une nécessité ou une souveraineté : la souveraineté du symptomal.

Exemple de l’article « Bouche » où la dialectique est privée de synthèse. Thèse : éloge de la bouche sauvage ; antithèse : chez le civilisé, la bouche s’est réduite ; 3ème moment : aucune élévation ou réconciliation. La « vocifération » se fait par la bouche qui retrouve l’animalité. C’est le symptôme : la vérité de la « figure humaine » s’ouvre dans le symptôme (p.338).

Les formes du symptomal :

– au sens classique (Van Gogh, etc.)

– les formes naturelles (les racines ignobles, les salissures du pollen, etc : les fantasmes sur la nature, la tératologie) ;

– la forme spatiale : l’espace à éprouver ;

– les formes culturelles (malaises de la civilisation)

=> esthétique du démenti de toute consolation esthétique.

Il y a un travail du symptôme dans le jeu des formes : Documents le met en lumière.

La dimension ontologique vient de ce que le symptôme qu’exige B n’est pas réductible au symptôme d’une maladie, mais qui ruine et déchire en tant même que symptôme d’être, vie symptomale de l’être, « état de choses essentiel » (« Le cheval académique »).

=> La tâche essentielle d’une dialectique des formes serait de rendre malades les formes, car la tâche essentielle d’un art est de « communiquer » ou de « répercuter » la maladie, le malaise, le mal d’être.

Cette maladie, c’est être coupable. Cf Le Coupable (1944) : « ce qu’on aime vraiment, on l’aime surtout dans la honte. » (« L’esprit moderne et le jeu des transpositions »). Mais le mot coupable doit se lire aussi par rapport à son suffixe -able : « coupe -able », ce qui peut être coupé (sens physique et processuel). Psychique (la culpabilité) et organique (la coupure) sont indissociables.

=> c’est pourquoi la figure humaine, loin d’être détruite ou niée, se voit livrée au travail dialectique de l’inachèvement mis en figures.

Dans L’Expérience intérieure, cet état d’être est nommée « angoisse ».

=> c’est lié au travail de l’inachèvement.

Enfin, le symptôme est la souveraineté de l’accident (cf le livre de DH, Devant l’image).

Sur le Parménide et l’extravagance qui a tourmenté Socrate à propos de l’Idée de l’Homme qui devait comprendre ou non le poil, la crasse, etc.

à l’inverse de l’anamnèse platonicienne, c’est bien l’accidentel qui est l’essentiel pour B.(p.351)

=> ontologie accidentelle, connaissance accidentelle, dialectique accidentelle.

Sur « l’ascension vers la chute » (p.355) [qui est l’apophatisme propre à B dont ne parle pas DH]

p.358-9 : Revient sur la légitimité de l’emploi du mot « symptôme » : le « avec » (sym-) fait référence à l’intersubjectivité : c’est « avec » la supplication qu’on a le supplice, etc.

Il y a aussi la chute dans symptôme [peu convaincant malgré les nombreuses pages sur ce sujet…]

Finit sur la formule de « volonté de symptôme ».

12. Le double régime de l’image (=conclusion)

Lie la « volonté de symptôme » au Kunstwollen, mais dans un sens plus nietzschéen que selon Riegl. => volonté de susciter l’avènement symptomal des formes (et, pour cela, de déchirer l’anthropomorphisme)

Le double régime de l’image est celui de l’expérience comme épreuve (subie) et expérimentation (active, volontaire). D’où la reformulation de la dialectique :

Thèse : une forme sans épreuve (académique) ;

Antithèse : mise à l’épreuve de cette forme

« Synthèse » : introduire la possibilité non réconciliante d’une forme-épreuve, d’une esthétique du symptomal.

=> dialectique du symbole et du symptôme.

p.380 : Comparaison méthodologique entre Bataille et Warburg.

Conclusion : ressemblance informe comme dialectique symptomale : « être » et en même temps « connaître », c’est « l’instant de violent contact ». Ce contact comme ouverture.

*

1 Les citations de Leiris sont tirées de « De Bataille l’impossible à l’impossible Documents », Critique, XIX, 1963, n°195-6.

2 Cf Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé (1830), trad. M. de Gandillac, Gallimard, 1970 : « … il advient fréquemment que la négativité ne soit prise que dans le sens d’une abstraction de tous les prédicats déterminés. Cet acte négatif, l’abstraire, tombe alors hors de l’essence, et ainsi l’essence n’est qu’un résultat sans ces prémisses qui sont siennes, le caput mortuum de l’abstraction » (p.144 et 160).

*

Voltaire | Candide ou l’optimisme

Film : https://www.youtube.com/watch?time_continue=429&v=0xwOiV81Pmg&feature=emb_title

Résumé

distinction entre titres et chapitres, cf Gérard Genette, Seuils, Seuil, 1987.
= la fonction et la signification des titres sont différentes suivant qu’on les lit en tête de chapitre ou bien parmi les autres titres de la TM

Chap I : « Comment Candide fut élevé dans un beau château et comment il fut chassé d’icelui »
§1 : Candide vit au château du baron (titre déprécié et ridicule) de Thunder-ten-tronckh (allemand, ridicule, hostile : gutturales et dentales, allitérations) en Westphalie. « Jeune homme aux mœurs les plus douces ». Il serait le neveu du baron : sa mère est définie par son titre nobiliaire, imbue de sa noblesse (refuse de se marier). Son fils est déclassé, bâtard.
Le monde est défini tel que Candide le voit et s’y insère : c’est donc une illusion, un mirage.
§2 : Défini par ses attributs de sa puissance, vaniteux, tyrannique, violent.
§3 : Avec « Madame la baronne qui pesait environ trois cent cinquante livres »,
sa fille Cunégonde âgée de 17 ans, « haute en couleur, frâiche, grasse, appétissante »
et son fils « digne de son père ».
§4 : Et le précepteur Pangloss qui « enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigolie ». Philosophe au service du pouvoir, raisonne faux mais donne l’apparence du vrai :hypocrisie ou bêtise? Mauvaise foi.
permet à un état social de ne pas changer
soumis, obséquieux, servile, flatte pour pouvoir profiter des avantages du château (use de son ascendant sur la servante : il est comme son maître).
Garant de l’illusion collective
Comique involontaire.
§5 : propos de Pangloss sur la raison suffisante et « l’optimisme » (Pope et Leibniz)
discours direct comique dont les raisonnements sont absurdes :

  • pétitions de principe (tenir d’emblée pour vrai ce que l’on se propose de démontrer
  • syllogisme incorrect
  • sophismes : confusion entre le causal et l’accidentel (nez/lunettes…), entre l’universel et le particulier (pierres/château du baron)
    = source du fanatisme et des abus.
    Pangloss = toutes les langues : il n’est que verbe.
    Le portrait est est donc une création verbale (vocabulaire, mouvement, rythmes, rimes).
    §6 : retour sur Candide, à la suite des autres personnages de la famille : dépendance sociale.
    §7 : « un jour » = répond au « il y avait » (§7)
    = rupture dans la narration : on passe de l’existence heureuse à l’aventure
    d’un style construit et rhétorique (coordonnées et subordonnées) à un style vif, narratif, du fabuleux de l’Histoire à l’Aventure.
    Cunégonde surprend Pangloss donner « une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et très docile » (Paquette).
    « Comme mademoiselle Cunégonde avait beaucoup de dispositions pour les sciences, elle observa, sans souffler, les expériences réitérées dont elle fut témoin » =
    §8 : Rupture : passés simples, thèmes du roman sentimental (paravent, mouchoir)
    Cunégonde provoque Candide par désir de la sensualité : le baron chasse le jeune homme, un coup de pied aux fesses.
    Du locus amoenus à la vie réelle. Thème de l’expulsion par la faute, le péché originel. Paradis perdu (c’est un monde immuable, éternel, figé)
    Injustice = réalité
    = suivre son désir ne pouvait que rompre l’équilibre clos et fermé du château où tout le monde est limité à un titre, à une fonction.
    Candide est l’élément étranger : il est rejeté.

Illusion de la noblesse qui se paie de mots (les « quartiers »).
Illusion romanesque : l’amour tourne mal, et il n’est que pulsions. (notez l’obsession du « cul » : Cunégonde, chassé par des coups de pied au cul)
Illusion de la philosophie : le « tout est bien » est sentimental et doctrinaire : fait croire à des sentiments là où il n’y a que du désir, qu’il n’y a pas de danger et que rien ne va changer.
Philosophie qui se contredit : entre l’hypothèse (tout va bien) et le postulat (il n’y a point d’effet sans cause)

Intrusion de l’auteur : §1 « je crois » : mais il est omniprésent :

  • choix des présentations (persos schématisés, stéréotypés), variété des tons, équivoques sexuelles.
    narrateur : le docteur Ralph, mort à Minden, présenté sous le titre, derrière qui se cache Voltaire. Début de la distanciation et de l’ironie : le modalisateur vient tempérer une information évidente, le nom/caractère.

*
Chap II : « Ce que devint Candide parmi les Bulgares » Deux longs paragraphes
L’errance : Mise en scène biblique : devient l’humanité elle-même (Job)
paysage conforme aux sentiments : froid, neige, solitude, et le nom de ville hostile.
Entre dans une taverne : roman picaresque
Les recruteurs : sa naïveté le rend accueillant, et son éducation le rend docile
réifié : mécanisé (tournures impersonnelles où il est réduit à un pronom en COD), battu
discipline militaire : « tout stupéfait ». Déserte (innocemment?) : la liberté consiste alors entre 3 mots : bastonnade ou fusillade. Ne peut que parler (inutile).
La métaphysique « rend fort ignorant des choses de ce monde. » =critique de la philo abstraite

actualités : guerre de 7 ans (1756-1763) avec Louis XV (roi des Abares), Frédéric II.
Critiques : recrutement immoral et forcé (désertion de quasi 20%), entraînement aliénant et violent, mesures disciplinaires abusives.
= déshumanisation et non pas héroïsme

Apprentissage (parcours initiatique)

  • quitter le monde de l’enfance
  • se confronter aux mensonges, aux abus, à la tromperie
  • subir l’aliénation
  • découvrir la punition
  • construire sa liberté dans le champ des contraintes (débat sur la liberté)
  • se forger une expérience dans le conflit

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Chap III : « Comment Candide se sauva d’entre les Bulgares, et ce qu’il devint »
= rencontre Jacques l’Anabaptiste (qui rappelle le bon Samaritain de la Bible)
§1 : antiphrases ironiques sur les conditions de la guerre
puis sur les horreurs de la guerre et l’aveuglement des armées (le Te Deum chanté dans les 2 camps)
décide de déserter
dans les villages dévastés : vieillards et femmes. Pathétique rehaussé par le ton badin
§2 : après le village abare dévasté par les Bulgares, arrive dans un village bulgare dévasté
arrive en Hollande, toujours en pensant à Cunégonde
§3 : demande l’aumône mais on le menace de l’enfermer
§4 : rencontre avec un prédicateur protestant qui refuse à C du pain parce qu’il ne dit pas que le Pape et l’Antéchrist, et dont la femme lui « répandit sur le chef un plein… » = critique
§5 Jacques l’anabaptiste (adepte d’un mouvement religieux allemand qui ne baptise que les adultes et demande un retour à une vie plus en phase avec les saintes Écritures)
le nettoie, le nourrit, lui dit d’« apprendre à travailler » (cf chap XXX)
Jacques incarne la tolérance, la charité, le travail productif = le concret
s’oppose à Pangloss (abstrait)
= parabole sur la tolérance. Critique des fanatismes. (vise les Suisses, pays « riche » et « chrétien » et non pas les Hollandais)
= idéal éthique et moral (contre les dogmes)
§6 : rencontre un gueux couvert de pustules, « crachant une dent à chaque effort » = Pangloss
(ménage la liaison avec le chapitre suivant)

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Chap IV : « Comment C rencontra son ancien maître de philosophie, le docteur P, et ce qui en advint »
§1 : Pangloss raconte à C que Cunégonde est morte violée et éventrée par les soldats bulgares. Il s’évanouit
Il en est de même pour la baronne et le baron. Et le fils qui a subi le même sort que sa sœur. Le château est détruit : C s’évanouit de nouveau.
§2 : l’amour est cause de la maladie vénérienne (Paquette). Raconte la généalogie de la vérole. Illusion de l’amour.
§3 : C parle du Diable : il interroge (progression), Pangloss répond que c’est nécessaire : optimisme absurde
§4-5 : C le fait guérir par l’anabaptiste qui les emmène au Portugal pour ses affaires.
Débat sur les malheurs particuliers qui font le bien général : syllogisme à la conclusion ridicule « Plus il y a de malheurs particuliers, plus il y a de bien général. »
problèmes d’actualité : la vérole, le commerce avec les Amériques (via le Portugal), les affaires financières (la banqueroute), les problèmes de justice (qui coûtent aux créanciers), les domestiques abusées et malades, la médecine.
Comique : humour noires : description de l’horreur liée à des formules philosophiques (leitmotiv dans le conte : comique de répétition), d’expressions hyperboliques + mélange du niveau de langue. De situation : le héros s’évanouit deux fois.

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Chapitre V : « Tempête, naufrage, tremblement de terre, et ce qui advint du docteur Pangloss, de C et de l’anabaptiste Jacques »
§1 : tempête, réaction différente des passagers. Zizanie et chaos à bord. Un matelot furieux frappe Jacques qui aidait, se retrouve accroché par-dessus bord, Jacques l’aide à se sauver, bascule lui-même à l’eau et le matelot le laisse « périr, sans daigner seulement le regarder ».
Pangloss ne l’aide pas
Le bateau fait naufrage : le matelot, C et P parviennent à se sauver.
§2 : espèrent manger avec l’argent qu’il leur reste.
§3 : tremblement de terre. Le matelot pille, s’enivre et paie une prostituée. P tente de le raisonner, mais en vain. = le matelot est la face noire de l’humanité
§4 : C est blessé à la tête. P discute sur le rapport (cause/effet) avec le tremblement de terre de Lima, et comme il ne s’occupe pas de C, celui-ci s’évanouit.
§5 : se sauvent, mangent, aident les sinistrés que P veut consoler grâce à sa philosophie
§6-7 : Un inquisiteur l’écoute, lui pose des questions sur le péché originel et la liberté, et avant la fin de la réponse de P les fait arrêter.
= mélange entre réalisme et symbolisme
= C réagit selon les émotions, tandis que P reste fidèle à lui-même, et ce faisant, ne contribue pas à aider l’humanité (si ce n’est matériellement avec les victimes du tremblement de terre : les discours desservent…)
= champ lexical de la confusion
= image de la mort absurde par la noyade (qu’on retrouve dans Zadig)

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Chap VI : « Comment on fit un bel auto-da-fé pour empêcher les tremblements de terre, et comment C fut fessé »
§1 : auto-da-fé : actes de foi : les hérétiques sont alors condamnés à diverses punitions
« les sages » = « brûlées à petit feu », « secret infaillible »
§2 : le Biscayen convaincu d’avoir épousé sa commère (= L’Ingénu!) + les Portugais et le lard de poulet, P et C « l’un pour avoir parlé, et l’autre pour avoir écouté avec un air d’approbation » : crimes dérisoires
« C fut fessé en cadence pendant qu’on chantait » (burlesque), les 3 pendus, et P brûlé
= la terre tremble à nouveau : inutilité ! = satire : euphémismes, périphrases ironiques, hyperboles, antiphrases = discrédite les actions inutiles, dénonce le fanatisme et l’infâme (contre la superstition)
§3 : réflexion de C, sous forme de plainte = évolution
Apparition de la vieille

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Chap VII : « Comment une vieille prit soin de Candide, et comment il retrouva ce qu’il aimait »
§1 : C est dorloté. La vieille invoque les saints.
§2 : est soigné pendant plusieurs jours, puis est conduit à la campagne, dans une maison, dans une chambre…
§3 : retrouve Cu. Ils s’évanouissent tous les deux (comique). Échange mais « la vieille leur conseille de faire moins de bruit » (évocation d’un danger). Dialogue.
§4 : suite de concessives : C raconte, Cu réagit (théâtre muet). Puis elle va prendre la parole.

Vieille : personnage mystérieux.

  • ne parle pas parce que, dans Candide, la bonté ne va pas avec la parole
  • effet romanesque avant la rencontre amoureuse (les retrouvailles) : type de la duègne (mutisme inscrit dans sa fonction romanesque)
    = rupture avec les chapitres précédents : relance le suspens

= incohérence et invraisemblance = conte + parodie de roman (situation, personnages, attitudes)

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Chap VIII : « Histoire de Cunégonde »
histoire rétrospective (analepse), narrateur intradiégétique.
§1 : « J’étais dans mon lit et je dormais profondément »
le coup de couteau devient le prétexte à une évocation érotique
§2 : « sauvée » par un capitaine qui tue le brutal qui la viole et la prend à son service. « je ne nierai pas qu’il ne fût très bien fait » et « pas de philosophie » : beauté et bêtise = idéal masculin. Mais ruiné et « dégoûté de moi »
puis vendue à un Juif nommé don Issacar (don=banquier, donc protégé des répressions) = cherche à la séduire sans y parvenir : il la mène donc dans la maison où ils se trouvent
§3 : repérée par le Grand Inquisiteur ! = avec Issacar, se partagent Cu qui ne se donne à aucun : « je crois que c’est pour cette raison que j’ai toujours été aimée » = parodie de roman
§4 : invitée à un auto-da-fé (= dont on a le motif : impressionner le puissant banquier juif…!= critique de l’hyprocrisie des fanatiques), voit C et P = remet en question l’enseignement de P
évocation de sa sensualité (quand elle voit C nu : décalage : ce n’est pas le moment… = l’humanité est mue par ses intérêts particuliers et son égoïsme : Voltaire est ici moraliste)
§5 : accumulation des CA (= passivité de Cu) = prépare la chute, dans l’apodose : « louer Dieu » = aveuglement, bêtise : poids du fanatisme.
Envoie la vieille : romanesque.
Puis évocation de la faim : l’appétit comme symbole de l’absence de réflexion, de la courte-vue.
§6 : coup de théâtre (attendu) / rebondissement : arrivée de don Issacar

= prédominance de la violence
= récit à tiroirs + rapidité
= fausseté des comportements sociaux = satire sociale
= question de l’innocence de Cu : récurrente dans les romans du XVIIIe : forcée donc non coupable ? Le thème revient dans L’Ingénu. (et aussi dans Manon Lescaut?)
= évolution de Cu : agit, réfléchit, est pragmatique : tente de s’en sortir. Profite également… Elle peut paraître plus « dégradée », mais aussi plus « déniaisée ». = tourne en dérision la vertu = contre les héroïnes de Richardson

*
Chap IX : « Ce qui advint de Cunégonde, de C, du grand inquisiteur et d’un Juif »
= titre accumulateur. Article indéfini qui présuppose que le Juif n’est pas connu : sommaire.
§1 : insultes d’Issacar, attaque C qui le tue
§2 : effroi de Cu, pensée pr P, avis de la vieille = mais l’inquisiteur rentre qui voit « le fessé Candide l’épée à la main »
§3 : le narrateur détaille le raisonnement de C, qui tue l’inquisiteur
nouvel étonnement de Cu
§4 : la vieille conseille de s’enfuir à cheval à Cadix
§5 : route des fugitifs, tandis que la Ste-Hermandad « arrive dans la maison ; on enterre monseigneur dans une belle église, et on jette Issacar à la voirie. »
§6 : Avacéna, un cabaret

= changement du comportement de C
= le mouvement narratif est une contestation de la Providence : imprévu
= roman d’aventures caricaturé : danger, malheurs, rebondissements, péripéties… « ce qui advint »
l’histoire humaine est imprévisible ; l’homme est le jouet des événements
= la destinée est absurde => c’est l’idée de Zadig

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Chap X : « Dans quelle détresse C, Cu et la vieille arrivent à Cadix, et leur embarquement »
§1 : lamentations de Cu sur le vol de ses « pistoles » et « diamants ». = roman picaresque ; contraint C à se responsabiliser (entre dans le parcours initiatique) ; seul le travail, selon V, doit amener de l’argent ; relance l’action La vieille pense que c’est un cordelier dans l’auberge de la veille (ellipse temporelle rappelée grâce à ce larcin qui montre la noirceur de l’humanité). Prenne le parti de vendre un cheval.
§2 : le cheval est vendu à un bénédictin. Route vers Cadix. C obtient le commandement d’une infanterie au départ du Paraguay. Embarquement avec « deux valets et les deux chevaux andalous qui avaient appartenu à monsieur le grand inquisiteur du Portugal. »
§3 : « Pendant toute la traversée ils raisonnèrent beaucoup sur la philosophie du pauvre Pangloss »
= Cu a progressé : « j’ai été si horriblement malheureuse dans le mien que mon coeur est presque fermé à l’espérance » (en parlant du nouveau monde).
Puis rappel des malheurs de Cu devant les prétentions de la vieille à être plus malheureuse.
= humour noir…
Celle-ci appelle à suspendre votre jugement
= curiosité qui amène l’histoire.

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Chap XI : « Histoire de la vieille » = nouveau récit rétrospectif qui vient confirmer le récit principal, tout en ménageant un rythme.
§1 : fille du pape Urbain X (inconnu – d’où le « X »?) = beauté extraordinaire
§2 : fiancée à un prince. Amour réciproque.
Pique envers la poésie : « toute l’Italie fit pour moi des sonnets dont il n’y eut pas un seul de passable. » (= signifie qu’ils sont tous bons, ou qu’ils sont tous mauvais?)
mais le mari est empoisonné par une ancienne maîtresse
puis attaqué par des corsaires. Effet de chute comique sur les soldats du Pape
§3 : « nus comme des singes ». Doigt dans l’anus à tout le monde. « cette cérémonie me paraissait bien étrange : voilà comme on juge de tout quand on n’est pas sorti de son pays. » = critique de l’innocence, de la naïveté, du manque d’expérience.
Critique des chevaliers de Malte (référence à leur homosexualité sans doute)
§4 : faite esclave au Maroc. Toutes les femmes violées sur le bateau.
§5 : guerres civiles au Maroc
§6 : combat entre les corsaires et des Noirs d’Afrique. Ironie de Voltaire / Montesquieu (sur l’influence du climat sur les tempéraments).
Terme non fixé « Européan »
exotisme de pacotille, cliché
massacre atroce des femmes, « déchirées, coupées, massacrées » : surenchère comique
finit sous un tas de cadavres
critique de la religion : « sans qu’on manquât aux cinq prières par jour ordonnées par Mahomet. »
§7 : se dégage, se traîne jusqu’à un ruisseau et un « grand oranger », tombe évanouit. Quand se réveille, un Italien déplore, en italien (sa langue natale), qu’il n’a plus de quoi la violer (un eunuque qui se révélera castrat)

Chap XII : « Suite des malheurs de la vieille » = découpage pour tenir les chap d’égales longueurs
§1 : l’homme la recueille, la soigne, et continue de regretter son état.
Lui raconte son histoire : castrat de Naples, musicien pour la princesse de Palestrine (la mère)
Reconnaissance : il l’a élevée jusqu’à ses 6 ans
§2 : se racontent leur histoire. L’ancien castrat est venu faire un marché avec le roi du Maroc « contre les autres Chrétiens » au nom d’ « une puissance chrétienne ». Lui dit qu’il la ramènera : se plaint encore, en italien (même phrase).
§3 : remerciements de la vieille. Mais le castat, en fait, la revend à Alger au dey de la province.
La peste. = intervention de Cu. = rattache au temps du récit cadre
§4 : malade de la peste (après rappel litanique de ses malheurs)
§5 : rachetée, vendue à Tunis, puis à Tripolie, Alexandrie, Smyrne, Constantinople. À un janissaire (soldat d’élite recruté à l’origine parmi les Chrétiens). Part à la conquête d’Azof, en Russie.
§6 : massacres parmi les Russes. Puis représailles : siège. Mangent les eunuques. Veulent manger les femmes.
§7 : le changement de paragraphe facilite le rythme, appelle la lecture, crée le suspense.
Un imam conseille de ne couper qu’une fesse.
§8 : l’imam persuade les soldats. Référence à la circoncision (pour le baume appliqué sur les fesses).
§9 : mais les Russes tuent les janissaires. Un chirurgien français soigne les femmes. Lui fait des propositions. Console en déclarant « que c’était la loi de la guerre. »
§10 : marche jusqu’à Moscou. Donnée à un boyard. Devient jardinière. Fouettée. Le boyard est roué pour « qq tracasserie de cour ». Fuite. Liste de villes jusqu’en Hollande.
Question philosophique du suicide. (traité par Montesquieu, Lettres persanes, LXXVI ; Rousseau, La Nvlle Héloïse, lettres 21-2).
§11 : réflexion sur la vie malheureuse des gens.
Référence à Robeck (1672-1739) qui se noie volontairement après avoir écrit sur le suicide.
Finit servante chez Issacar.
« il est d’usage dans un vaisseau de conter des histoires pour se désennuyer »
éloge de l’expérience – se déclare la plus malheureuse : en fait une gageure.

La vieille = somme de tous les malheurs possibles de l’humanité.
Mal métaphysique (imperfection de la créature, le temps, le destin, le vide religieux)
mal physique / mal moral
= la surenchère doit entraîner la réflexion : la fiction se dénonce elle-même comme stratagème.
= la répétition donne une unité au récit
Conte = réapparition des personnages (Propp) + macabre
Vie féminine dans toutes ses difficultés

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Chap XIII : « Comment C fut obligé de se séparer de la belle Cu et de la vieille »
§1 : hommages de Cu à la princesse. Interrogent tous les passagers. C exprime son opposition à P.
§2 : arrivée à Buenos-Aires. Le gouverneur (cf nom) tombe sous le charme de Cu. C lui révèle qu’elle doit l’épouser.
§3 : rejette C, propose tout à Cu qui demande 15 min pour réfléchir
§4 : la vieille l’encourage à accepter (=cf L’Ingénu, l’amie de St-Yves / St-Pouange). Arrivent dans le port un alcade (magistrat) et des alguazils (policiers)
§5 : rebondissement : le cordelier voleur de diamants a cherché à les revendre : on a reconnu qu’ils étaient au grand inquisiteur : avant d’être pendu, il donne la route des fugitifs. Le magistrat est amoureux de Cu, dit la vieille, donc c’est C qui doit fuir.

= le Nv monde est aussi corrompu que l’Ancien.

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Chap XIV : « Comment C et Cacambo furent reçus chez les jésuites du Paraguay »
= le titre annonce l’apparition d’un nouveau personnage important : il porte un prénom (toujours en « C »)
= 3 parties égales : Cacambo / les Jésuites / le frère de Cu
§1 : présentation de Cacambo (ramené de Cadix) : ses origines composites (né au « Tucuman », où on retrouve le « cu »…), ses différents métiers, sa débrouillardise, sa vivacité d’esprit, pragmatique. = incite C à se dépêcher
« Quand on n’a pas son compte dans un monde, on le trouve dans un autre.= maxime pragmatique
C’est un très grand plaisir de voir et de faire des choses nouvelles. » = maxime morale
trait d’actualité : en 1755-6, la rumeur court qu’un Jésuite s’est fait élire roi du Paraguay
§2 : Ca a déjà été au Paraguay : personnage picaresque
« C’est une chose admirable que ce gouvernement » : formule consacrée de l’ironie (cf Lettres persanes)
discours direct : satire de la justice religieuse, d’un gouvernement religieux « Los Padres y ont tout, et les peuples rien. » = ironie de Cacambo ?
Critique des Jésuites
Nouvelles références à l’expérience bulgare de C qui, finalement, lui sert beaucoup.
§3 : récit. Rebondissements : d’abord arrêtés comme Espagnols, Cacambo le rusé apprend que C est Allemand et demande à manger.
§4 : ils sont alors reçus dans la « feuillée » : endroit paradisiaque, avec des oiseaux exotiques. Déjeunent. Arrive « le révérend père commandant ».
§5 : description laudative du perso, jeune et fier. Leurs armes sont rendues, les chevaux mangent.
« crainte de surprise. »
§6 : dialogue entre Candide et le père en allemand. Qui est le frère de Cu.
Nouvelles retrouvailles et nouvelle reconnaissance
§7 : parlent de la sœur : émotion…

Cacambo : avec C, reconstitue le duo habituel du conte = nécessaire à l’évolution du héros
après Pangloss/Jacques l’anabaptiste
= l’accompagne dans de grandes aventures
= il est bâtard comme C, semble avoir le même âge.

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Chap XV : « Comment C tua le frère de sa chère Cunégonde »
le titre annonce un rebondissement inattendu : joue sur le suspens. Insiste sur le drame : « sa chère Cu ».
4 caractéristiques : la sensibilité, le religieux, le guerrier, la noblesse
invraisemblance romanesque
§1 : nouvelle histoire rétrospective. Rappel des horreurs. Explication du mystère (on le croyait mort). Ironie : c’est l’eau bénite salée qui lui fait bouger une paupière.
Allusion à l’homosexualité du père Jésuite Croust (qui a vraiment vécu : Voltaire se venge!)
envoyé à Rome, puis envoyé au Paraguay : devient colonnel et prêtre : veut repousser les Espagnols
compte sur l’appui de C
§2 : marques de tendresse envers C. Mais lorsque C lui apprend qu’il veut l’épouser, le frère le traite d’« insolent ». = intolérance !!! Dispute : C tue le frère ! Par défense ?
Ironie : « Je suis le meilleur homme du monde, et voilà déjà trois hommes que je tue ; et dans ces trois il y a deux prêtres. »
§3 : Cacambo accourt, « ne perdit point la tête ». Prennent les habits du mort et fuient.

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Chap XVI : « Ce qui advint aux deux voyageurs avec deux filles, deux singes et les sauvages nommés Oreillons »
= relance de l’action du conte. Parodie des utopies, des récits de voyage.
= critique de Rousseau : les primitifs ne sont pas bons naturellement
§1 : « Le vigilant Cacambo » fait des provisions. Route et arrêt. Lamentations de C. « que dira le journal de Trévoux ? » journal dans l’Ain qui combat les philosophes !
§2 : mange tout de même. Fin de journée, cris ambigus de femmes. « douleur ou joie » ? « Jeunes filles nues (…) que deux singes suivaient en mordant les fesses. » C tue les singes. Se réjouit.
§3 : mais les femmes pleurent sur les singes. Cacambo : « Pourquoi trouvez-vous si étrange que ds qq pays il y ait des singes qui obtiennent les bonnes grâces des dames ? Ils sont des quarts d’hommes, comme je suis un quart d’Espagnol. » référence aux satyres (à l’Antiquité donc).
§4 : partent et s’endorment. Pendant leur sommeil, les Oreillons les font prisonniers (ce sont les femmes qui les ont dénoncés).
« tout nus, armés de flèches, de massues et de haches de caillou : les uns faisaient bouillir une grande chaudière ; les autres préparaient des broches. » = portrait stéréotypé du sauvage
§5 : critique de C : « si P voyait comme la pure nature est faite »
« Cacambo ne perdait jamais la tête » : il décide de parler aux Oreillons.
§6 : harangue de Cacambo. Critique du « droit naturel » syllogismes anti-moraux
Alors que C lui suggérait de faire valoir « l’inhumanité affreuse de faire cuire des hommes, et combien cela est peu chrétien » (§5), Cacambo est pragmatique : il se range du côté des Oreillons et déclare qu’ils ont tué un Jésuite (les J sont les ennemis des Oreillons)

  • intention oratoire
  • captatio benevolentiae (légitimation oratoire)
  • discussion sur la réalité des faits
  • retournement et démonstration de la méprise
  • appel au témoignage
    = style oratoire : interpellation, mise en valeur des arguments, approbations des opinions, restriction, présentatifs.
    §7 : « Les Oreillons trouvèrent ce discours très raisonnable » : on va vérifier les dires : les prisonniers sont libérés et fêtés.
    §8 : ironie de la causalité mauvaise pour un bien (immoralité, qui est finalement une « amoralité »). Réflexion erronée de Candide.

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Chap XVII : « Arrivée de C et de son valet au pays d’Eldorado, et ce qu’ils y virent »
§1 : « Cet hémisphère-ci ne vaut pas mieux que l’autre » = négation du mythe
où aller ?
§2 : Cacambo décide d’aller à Cayenne = c’est lui qui a l’initiative
§3 : la route : aventure : ellipse temporelle « un mois entier »
§4 : « Ca qui donnait toujours d’aussi bons conseils que la vieille »
C régresse : « recommandons-nous à la Providence » : sert à mettre en relief les oppostions d’idées
§5 : (més)aventure : arrive dans un pays magique, éloigné de tout
« partout l’utile était agréable » = idéal voltairien !
§6 : constatation de C : « Ce pays vaut mieux que la Westphalie »
les enfants qui jouent : les palets sont en or. Étonnement
§7 : le dédain du précepteur pour les palets d’or ramenés par Candide
§8 : avidité des voyageurs qui « ne manquèrent pas de ramasser l’or ».
description du village
On parle péruvien. « Tout le monde sait que Ca était né au Tucuman » (où l’on parle péruvien).
§9 : dans un cabaret : luxe. Rhum
§10 : politesse des marchands et des voituriers
mépris de l’or : valeurs différentes
« Toutes les hôtelleries établies pour la commodité du commerce sont payées par le gouvernement » = action du gouvernement pour le commerce = politique voltairienne
Changement radical de Candide : « Et, quoi qu’en dît maître Pangloss, je me suis sovent aperçu que tout allait assez mal en Westphalie. »

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Chap XVIII : « Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado »
= moitié du livre. = acmé
§1 : interrogent les habitants.
Inversion du statut social : « C ne jouait plus que le second personnage, et accompagnait son valet. »
description du lieu fastueux
§2 : réception fasteuse, encore, du vieillard
§3 : 172 ans ! = ancien territoire des Incas « qui sortirent très imprudemment pour aller subjuguer une partie du monde » = détruits par Espagnols
§4 : ceux qui sont restés sont plus sages : conservation.
« Les Espagnols (…) l’ont appelé El Dorado »
Référence à Sir Raleigh ! = estime de Voltaire pour les Anglais (Raleigh est un explorateur, libre penseur)
= critique de la cupidité meurtrière des Européens
§5 : liste des sujets de la conversation. Puis question de C sur la « métaphysique » et la religion
§6 : « nous avons la religion de tout le monde : nous adorons Dieu du soir jusqu’au matin » (sens ambigu du CCT). Monothéisme déiste. Sans clergé.
§7 : étonnement de Candide sur l’absence de prêtres.
« il est certain qu’il faut voyager » = morale voltairienne
§8 : un carosse « à six moutons » pour les accompagner (des lamas). Au revoir du vieillard.
§9 : passage fantastique = utopie : moutons volants, matière inconnue du palais immense
§10 : « vingt belles filles de garde » = pacifisme, douceur
matières exotiques (nouvelle mention du colibri, oiseau sud-américain par excellence, signe aussi de sensualité : « beija-flor » en portugais)
absence d’étiquette humiliante : simplement la « bise » au roi.
§11 : visite de la ville : idéal
pas de palais de justice, pas de prison
mais un palais des sciences !
§12 : ville immense (ils n’en peuvent visiter que le millième en une après-midi)
éloge de la conversation et du bon esprit
§13 : heureux, mais C regrette Cunégonde. Propose de repartir chargés d’or !
§14 : « Ce discours plut à Ca : on aime tant à courir, à se faire valoir chez les siens, à faire parade de ce qu’on a vu dans ses voyages » = plus constatation que critique : V est un moraliste
= c’est à la fois ce qui les perd, mais ce qui fait que l’aventure continue…
§15 : réprobation du sage roi : « Vous faites une sottise »
précisions sur l’inaccessibilité du lieu
C demande de « la boue jaune »…
§16 : les ingénieurs construisent une machine (= usage raisonné et raisonnable de la science)
= presque science-fiction
au revoir cordiaux
§17:le départ : optimisme sur l’avenir de C = déjà signe de sa chute future…

Chap XIX : « Ce qui leur arriva à Surinam et comment C fit connaissance avec Martin »
= nouveau personnage…
§1 : l’illusion de devenir puissants grâce à l’argent rend C et Ca optimistes
mais les premiers malheurs arrivent : les moutons périssent = réflexion (topique et récurrente dans le conte) sur l’inconstance de la fortune.
Arrivent à Surinam, aux Hollandais
§2 : critique de l’esclavage (Vanderdendur) et du rôle qu’y joue le clergé + cupidité des Hommes (parents du Nègre) + de la philosophie de P (l’optimisme) §3
« C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe »
§4 : cherchent un bateau pour Buenos-Aires. Patron espagnol.
§5 : C apprend que Cu est devenue la « maîtresse favorite de monseigneur »
plan élaboré par Candide : Ca ira chercher Cu = devient volontaire et actif
ira attendre à Venise, « pays libre ». Ca part « le jour même ».
§6 : C prépare son voyage, prend des domestiques. Rencontre Vanderdendur qui lui propose un bateau.
§7 : voyant qu’il est riche, Vanderdendur profite et double le prix du trajet.
§8 : surenchère, acceptée par C
§9 : C revend des diamants bien au-dessous de leur prix, fait embarquer ses richesses, paie V., veut rejoindre en barque le bateau qui part sans lui : il perd tout.
§10 : chez le juge hollandais, qui l’arnaque à son tour
§11 : « la méchanceté des hommes se présentait à son esprit dans toute sa laideur » = prend conscience
sans richesse superflue, sur un bateau français, « il loua une chambre du vaisseau à juste prix » = nouvelle critique de la richesse mal acquise (cf avec Cu et la vieille près de Cadix)
cherche un serviteur : « le plus dégoûté de son état et le plus malheureux de la province »
§12 : « Il se présenta une foule de prétendants » = humanité cupide, intéressée, mais aussi triste et pauvre
= rappelle Zadig et la recherche d’un ministre juste (mais autre procédé ici)
rassemble les 20 plus misérables dans un cabaret et se fait conter leurs malheurs
§13 : rappelle de la vieille qui se disait la plus malheureuse + évocation critique de P
choisit un « savant », ancien « libraire » (et donc éditeur) d’Amsterdam = clin d’oeil ambigu…
§14 : Martin (qui n’est pas nommé) « avait été volé par sa femme, battu par son fils, et abandonnée de sa fille qui s’était fait enlever par un Portugais » privé de son emploi. Socinien = rappelle Pierre Bayle (1647-1706) à qui s’opposait Leibniz.
Le choisit parce qu’il est « savant » : les autres sont aussi malheureux que lui. Leur donne 10 piastres.

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Chap XX : « Ce qui arriva sur mer à Candide et à Martin » = nouvelles (més)aventures annoncées
§1 : Martin est nommé. Pensent parler « du mal moral et du mal physique ». L’emploi du conditionnel laisse prévoir de nvlles péripéties. « aurait dû ». Carte : Japon/cap de Bonne-Espérance (ironie…)
§2 : C pense à Cu = qui le fait « pencher alors pour le système de P » = l’amour est un leurre !
§3-4 : discussion avec Martin, qui se présente comme « manichéen » = profond pessimisme
= anti-Pangloss. Martin est son opposé.
§5 : tableau d’une attaque entre 2 bateaux et de la noyade d’une « centaine d’hommes » = illustration des propos de M
§6 : c’était le vaisseau avec les richesses de C. Il retrouve une brebis (parabole de la brebis égarée). Invraisemblance romanesque. Comique. Jeu = dès qu’on pense avoir raison, on est détrompé. Il n’y a pas de vérité immuable : le bateau coulé rend justice à C. Ou, du moins, lui permet de ne pas être noyé.
§7 : C est content que le « coquin » ait été puni. Martin demande s’il fallait que tous les autres meurent aussi pour cela.
§8 : inutilité de la parole : « Ils disputèrent quinze jours de suite, et au bout de quinze jours ils étaient aussi avancés que le premier. » La discussion est une consolation.
C caresse le mouton en pensant à Cu = signe d’espoir… et de bêtise.

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Chap XXI : « Candide et Martin approchent des côtes de France et raisonnent »
§1 : sur la France. 3 occupations : l’amour, médire, dire des bêtises
sur Paris : comme un chaos et presque un Enfer (déjà du Balzac…)
§2 : pr C, après l’Eldorado, il n’y a plus que l’amour qui compte => Venise (ville de l’amour…)
question scientifique à la volée : la Terre n’était qu’une mer = scepticisme de Martin (Voltaire)
rappel des filles et des singes : pas plus que Cacambo, Marin ne s’étonne : tout est possible.
Négation de la possibilité d’un bien naturel et d’une corruption de l’Homme
à peine l’argument du « libre arbitre » est-il avancé : coupé dans sa phrase : ils arrivent. = mépris de Voltaire pour cet argument

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Chap XXII : « Ce qui arriva en France à Candide et à Martin » (chap svt jugé le plus faible, peut-être parce qu’il critique la France et Paris, et qui est le plus long ! »
§1 : Bordeaux. L’Académie des sciences : sujet du prix : pourquoi le mouton a la laine rouge ?
§2 : curiosité / voyageurs qu’ils croisent : Paris
§3 : entrée : critique
§4 : malade, mais riche, il est entouré de profiteurs : critique de Martin
§5 : à cause des saignées, la maladie devient sérieuse. On lui demande de l’argent pour ses funérailles. C refuse ! Martin s’énerve et chasse les importuns. Procès-verbal.
§6 : C guérit : on joue aux cartes. Les gens trichent (naïveté de C).
§7 : « le petit abbé périgourdin » = les emmène au théâtre : C pleure, tout est mauvais
§8 : Adrienne Lecouvreur, comédienne jetée à la voirie (V en avait fait une pièce)
§9 : folliculaire. Sur Fréron. = les diseurs de mal
§10 : C veut dîner avec l’actrice. Mlle Clairon
§11 : mais l’abbé, qui est interlope, ne peut approcher la comédienne vertueuse : il propose autre chose
§12 : cartes chez la marquise de Parolignac (du nom du jeu de carte, le « paroli ») : personne ne les salue : « la baronne Thunder-ten-Tronckh était plus civile » = Paris est pire que la Westphalie !
§13 : C joue, perd bcp d’argent : les domestiques le croient anglais (flegme)
§14 : ennui de la conversation. Citation de plusieurs ouvrages critiqués.
§15 : discours sur le théâtre : satire des héritiers de Racine, Corneille, Crébillon fils
§16 : critique de celui qui a parlé « un autre Pangloss » = tout le monde est critiqué
§17-8 : conversation sur le bien et le mal. Pour l’homme, tout va de travers
§19 : l’hôtesse l’emmène, le séduit, lui extorque ses bagues
§20 : C a des remords de son infidélité
§21-2-3 : le périgourdin se fait de plus en plus coulant, et écrit une fausse lettre signée de Cu
§24 : C croit retrouver Cu malade et, dans le noir, laisse de l’argent
§25-6-7 : au même moment, le périgourdin le fait arrêter avec Martin. Candide donne des diamants à l’exempt, qui lui propose de l’emmener à Dieppe
§28 : référence aux attentats contre les rois (condamnation de la violence par V)
§29 : C et Martin vont en Normandie et embarquent pour l’Angleterre

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Chap XXIII : «  C et M vont sur les côtes d’Angleterre ; ce qu’ils y voient » (chap le + court?)
§1 : exclamations comiques de C. Discussion sur la folie des nations. Actualité : guerre pour le Canada
§2 : Portsmouth : exécution de l’amiral Byng
§3 : choqué, C refuse de « mettre pied à terre » et demande à partir à Venise
§4 : voyage France, Lisbonne (où C frémit) et Méditerranée. Venise. Sursaut d’optimisme : « Tout est bien, tout va bien, tout va le mieux qu’il soit possible. »

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Chap XXIV : « De Paquette et de frère Giroflée »
§1 : cherche Cacambo et Cu en vain. Désespoir
§2 : pessimisme de Martin sur la probité de Cacambo, et en général
§3 : un théatin et une fille : sont-ils heureux ? Nouvelle expérience et nv pari : dîner
§4 : liste des mets. Puis reconnaissance de Paquette ! Lui reproche la vérole de Pangloss
§5 : mésaventures de Paquette : un cordelier (puis chassée de Tdt), un médecin (femme jalouse tuée), un juge qui finit par la chasser, devient prostituée = critique de la prostitution : « obligée de continuer ce métier abominable qui vous paraît si plaisant à vous autres hommes, et qui n’est pour nous qu’un abîme de misères. » part à Venise : raconte ses tracas.
§6 : M annonce qu’il a gagné à moitié
§7 : semble contente pour plaire à un moine parce qu’a été volée
§8 : à table, C demande si Giroflée est content
§9 : récit du frère Giroflée : mécontent de son sort. Comme tous ses compagnons, précise-t-il.
§10 : Martin remporte son pari. C donne de l’argent à Paquette et Giroflée. Se réconforte en pensant qu’il est possible qu’il retrouve aussi Cu. Martin lui dit qu’elle ne fera pas son bonheur.
§11 : sur le gondolier, mieux qu’un doge, mais finalement tout se vaut…
§12 : et le sénateur Procuranté ? « on prétend que c’est un homme qui n’a jamais eu de chagrin. »

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Chap XXV : « Visite chez le seigneur Procuranté, noble vénitien »
= fonctionne à tiroir, à sujets.
§1 : belle demeure. Homme de 60 ans, fort riche, peu empressé : bonne impression à Martin.
§2 : sur les servantes que P met dans son lit, plutôt que des dames, mais dont il commence aussi à se lasser.
§3 : peinture. Raphaël : critique. « Je n’aimerai un tableau que quand je croirai voir la nature elle-même. » = doctrine classique de l’imitation de la nature
§4 : musique : critique. L’art du difficile, ce qui est lassant.
§5 : opéra. Critique du surfait, de l’artificiel, du manque de naturel
§6 : littérature. Critique d’Homère
§7 : Virgile. Sauve les chants 2,4,6 + le Tasse et l’Arioste
§8 : Horace. Loue sa poésie morale, mais pas ses satires. Critique son amitié avec Mécène. « Je ne lis que pour moi ; je n’aime que ce qui est à mon usage. » = influence C
§9 : Cicéron. Contre les écrits juridiques. Pour la philosophie, comme il doute, il en sait autant que lui…
§10 : sciences : contre l’inutilité des systèmes
§11 : théâtre, sermons (éloge de Sénèque), théologie (mépris féroce). Rien de bon, ou quasiment.
§12 : livres anglais : « il est beau d’écrire ce qu’on pense, c’est le privlège de l’homme. » éloge de la liberté d’expression
§13 : Milton : longue critique
§14 : critique du jardin
§15 : C et M : P est dégouté de tout. « les meilleurs estomacs ne sont pas ceux qui rebutent tous les aliments » (maxime prêtée à Platon). Il n’y a donc personne d’heureux. Et C ne le sera pas avec Cu.
§16 : désespoir de C de revoir Ca et Cu. Absence de gratitude de Paquette et Giroflée.

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Chap XXVI : « D’un souper que C et M firent avec six étrangers, et qui ils étaient »
= mystère… comparer avec Zadig sur le repas des religieux
§1 : retrouve Ca qui est esclave… Cu à Constantinople
§2 : ému, C se met à table. Martin reste froid
§3-4 : tour à tour un valet annonce parle à son maître « sire… », tous sont étonnés
§5 : C interroge
§6 : Achmet III, maître de Ca
§7 : Ivan VI
§8 : Charles-Edouard d’Angleterre
§9 : Auguste II, électeur de Saxe (« roi des Polaques »)
§10 : aussi roi des Polaques (Sarmates), Stanislas Leszczynski, beau-père de LXV, chassé 2 fois
§11 : Théodore de Neuhoff, aventurier, roi de Corse, prisonnier 7 ans en Angleterre
= tous sont là « pour le carnaval »
§12 : tous lui donnent de l’argent. C des diamants. On s’étonne.
§13 : 4 autres altesses arrivent, mais C part en pensant à Cu

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Chap XXVII : « Voyage de Candide à Constantinople »
§1 : partent avec Achmet III. Discours métatextuel : « voilà une aventure bien peu vraisemblable », « cela n’est pas plus extraordinaire que la plupart des choses qui nous sont arrivées »
§2 : s’intéresse d’abord à la beauté de Cu ! s’enquiert des nouvelles…
§3 : Cu est servante, et elle est devenue laide. Victimes de la piraterie. Litanie de noms.
§4 : réflexion sur le malheur général
§5 : retrouvent Pangloss et le frère de Cu parmi les rameurs !
§6-7 : reconnaissance, rachat (à prix d’or, encore…) des forçats
§8 : se fait escroquer par un Juif, rachète les forçats, partent délivrer Cu

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Chap XXVIII : « Ce qui arriva à C, à Cu, à P, à Martin, etc »
§1 : le baron raconte son histoire : fait prisonnier à Buenos Aires, sert d’aumônier à Constantinople, se baigne avec un jeune page turc, est arrêté, puni et mis en galère
§2-3 : Pangloss, mal pendu, avait survécu. On le dissèque et on le recoud. Devient laquais d’un chevalier de Malte à Venise. Se met au service d’un marchand vénitien qui alla à Venise. Entre dans une mosquée, y voit une femme la poitrine nue, se fait remarquer de l’imam, battre et mettre en galère. Y retrouve le baron avec qui il se dispute la primauté des malheurs (récurrent dans le conte)
§4 : interrogé par C, P croit toujours dans le système de Leibniz (qui est cité)

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Chap XXIX : « Comment C retrouva Cu et la vieille »
§1 : tous discutent de tout et de rien pendant le voyage (récurrent aussi), et débarquent en Turquie où ils voient Cu et la vieille étendre du linge
§2 : Cu est laide à faire peur. On la rachète avec la vieille
§3 : la vieille propose de racheter une métairie. Cu veut que C la marie. Mais le frère refuse « maître fou ».

*
Chap XXX : « Conclusion »
§1 : C n’a pas envie d’épouser Cu, « mais l’impertinence » du baron l’y encourage. Après avis de P, M, Ca et la vieille, on expulse le baron
§2 : tout le monde est mécontent. « C, M et P disputaient qqfois de métaphysique et de morale. » Et la question que pose la vieille : mieux vaut-il l’ennui ou les malheurs ?
§3 : La vie balance entre l’ennui et la douleur/ P ne peut se dédire : mais il ne croit pas en ce qu’il dit.
§4 : Paquette et Giroflée débarquent, dans la plus extrême misère. À cause de l’argent, comme l’avait prévenu Martin. Même P devient pessimiste « Et qu’est-ce que le monde ! ».
§5 : mais continuent à s’interroger : vont consulter un derviche ! « Que faut-il faire ? – Te taire ! » Le derviche refuse de leur parler.
§6-7 : au retour s’arrêtent chez un musulman qui ne s’occupe pas des affaires publiques. A 2 filles et 2 fils. Éloge du travail : « le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice, et le besoin. »
§8 : litanie de noms de rois déchus par Pangloss. Martin : « travaillons sans raisonner ; c’est le seul moyen de rendre la vie supportable. »
§9 : « chacun se mit à exercer ses talents. » Pangloss remonte encore la chaîne des causalités pour aboutir à « des cédrats confits et des pistaches ». Candide répond : « Cela est bien dit, mais il faut cultiver notre jardin. » = fin éminemment ambiguë.

Norbert Trenkle | Critique de l’Aufklärung en 8 thèses

Thèse 1 : Le côté sombre des lumières : le refoulement de la nature

A partir de La Dialectique de la Raison d’Adorno et Horkheimer :

volonté de séparation d’avec la nature = refus de reconnaître que l’individu est sous son emprise = ce qui produit de la violence et de l’irrationnel qui remontent périodiquement, dans l’individu lui-même mais aussi dans la société.

Thèse 2

La dichotomie nature/culture, au profit de la seconde, nécessite la domination des cultures non occidentales, jugées sauvages, afin de les civiliser (point de vue raciste et culturocentriste).

Thèse 3

Ce qui menace la culture, ce n’est pas la nature, mais le refoulement brutal et la répression de la nature (qu’opère la culture occidentale). = la violence et la domination sont donc dans la raison moderne elle-même.

Limite d’A et H : ils font remonter la rationalité moderne à la Grèce, au lieu de la situer dans le processus de la modernité capitaliste. = la raison moderne serait, dans cette conception, la cause des ténèbres, et la seule raison qui aurait jamais existé. Ce qui montre qu’ils sont sous l’emprise de la prétention universaliste de l’Aufklarung.

Thèse 4 sexisme et racisme constitutifs du sujet de l’Aufklarung.

La raison des Lumière est propre à la modernité capitaliste.

La démarcation brutale avec ce qui est considéré comme la nature intervient avec la société bourgeoise, au moment de l’édification de la raison qui réduit la pensée à une activité pure, désincarnée, détachée des sens (Descartes, Kant).

La nature est menaçante : la nature extérieure (dominée par la technique), et la nature intérieure : la présumée vulnérabilité de l’être humain face à sa propre sensualité.

Dissociée du sujet et projetée en un « autre » construit de toutes pièces (« femme », « primitif »). D’où le sexisme et le racisme constitutifs du sujet de l’A.

Thèse 5

Même si c’est un temps de libération sociale, l’Aufklarung est aussi constitutif de la forme capitaliste de domination abstraite.

Bons côtés :

– libération / étroitesse de normes et conditions de vie traditionnelles contraignantes

– l’universalisme pointe vers une société mondiale sans frontières

– la raison critique cherche à renverser toutes les vérités indiscutées (et religieuses).

Mais :

– l’universalisme abstrait entraîne la domination universelle par le marché mondial et les formes capitalistes d’action et de pensée ;

– la raison critique légitime la soumission à des principes a priori, ne parvient pas à s’affranchir de la métaphysique, représente une forme de religion sécularisée ;

+ antithèse dissociée : désir de voluptueuse soumission au collectif, rejet du sensible, diverses formes de religionisme et d’irrationalisme…

Remarque : thèse peu claire sur le lien entre « l’individu capitaliste de la concurrence » et la libération / normes, et sur « l’antithèse dissociée ».

Ces deux points ne sont compréhensibles qu’au prix d’une projection déductive du lectorat qui pourrait déformer la pensée de Trenkle.

Thèse 6

L’émancipation ne peut se référer obstinément à l’Aufklarung.

L’achèvement de l’Aufklarung n’a pas été empêché par le capitalisme (comme le croit la gauche traditionnelle).

La critique du capitalisme passe par la critique de l’Aufklarung.

Thèse 7

Ont été actualisés les principes de l’Aufklarung qui pouvaient s’allier à la logique capitaliste.

Les libertés individuelles ne sont pas la preuve des « acquis des Lumières » : elles sont l’expression d’un ensemble de conditions historiques déterminées.

Ces libertés, dans la précarité galopante actuelle (crise de l’État-providence, concurrence exacerbée), tournent à l’isolement : d’où la volonté de se réfugier au sein de collectifs religieux, nationalistes, ethnicistes…

C’est la mise en lumière de la nuit des Lumières.

Thèse 8

Volonté d’émancipation forte. Mais les mouvements de la démocratie et des droits de l’H échouent, car ils aspirent à un capitalisme démocratique et social impossible par nature.

L’Aufklarung ne peut fournir cette aide : c’est pourquoi il faut en faire une critique constructive, plutôt que de l’encenser aveuglément (« L’Aufklarung n’est pas taillée pour ce rôle de rempart ; son cadre de validité se désintègre en même temps que le capitalisme. »)

Michel Foucault | Les mots et les choses

Michel Foucault | 1926 (Poitiers) – 1984 (Paris)

doctorat sous Georges Canguilhem

Les Mots et les Choses (1966)

Repérer à quelle occasion, dans l’histoire de la culture occidentale, l’homme acquiert le statut d’objet du savoir.

=> « archéologie des sciences humaines » (= analyse des conditions de l’histoire des idées).

Chaque période est déterminée par une configuration de la pensée, qui rend possible sa culture, son savoir, ses progrès.

Tous les savoirs reposent sur une épistémè commune. (= ensemble des connaissances scientifiques, du savoir d’une époque et ses présupposés.)

F. met en relation l’économie, l’étude du langage, l’étude du vivant.

=> l’analyse des ruptures dans l’ordre du savoir constitue le centre de son œuvre.

= œuvre polémique qui attaque pêle-mêle :

– les historiens classiques de la pensée ;

– l’existentialisme ;

– les engagements politique au profit d’une réflexion audacieuse.

=> Foucault montre que la figure de l’homme comme objet de connaissance apparaît avec l’élaboration de la biologie, de l’économie politique et de la linguistique.

Mais cette épistémè est peut-être en train de disparaître.

Mais cette vision structuraliste de l’histoire de la pensée ne réussit pas à dissiper l’obscurité qui enveloppe les conditions de possibilité des épistémès elles-mêmes.

Néanmoins, l’histoire de la philosophie et de la pensée est bouleversée.

2 parties, 10 chapitres.

*

Partie I

Chapitre I – Les suivantes

= sur les Ménines

L’analyse du tableau de Vélasquez dévoile une transgression de la représentation.

Le tableau représente le peintre au travail. Il nous fait face mais nous ne voyons que l’arrière de la toile.

À côté de lui, l’infante Marguerite, et ses suivantes, nous font face et contemple, comme le peintre, ce qui est à l’extérieur de la toile : le roi et la reine (qui ne sont visibles que par le reflet du miroir à l’arrière-plan).

Le miroir traverse donc tout le champ de la représentation, sans rien refléter, mais restitue ce qui demeure hors du regard.

= le sujet du tableau se dissout entre le peintre et sa toile invisible, le reflet du miroir, la ligne du regard de l’infante. Contrairement aux tableaux de la Renaissance, qui sont des représentations complètes et sans ambiguïté.

=> il y a, avec les Ménines, rupture de l’ordre de la représentation picturale.

= le rapport de la représentation à son modèle et le rapport de la représentation à son auteur sont interrompus.

Chapitre II – La prose du monde

(5 sous-parties : les 4 similitudes ; Les signatures ; Les limites du monde ; L’écriture des choses ; L’être du langage)

I. Les 4 similitudes

à la Renaissance, la représentation peut être assimilée à une similitude. 4 formes peuvent y être distinguées.

1. la convenienta correspond à la proximité dans l’espace (les choses sont liées par le voisinage qu’elles partagent). Cette proximité entraîne une similitude des propriétés nécessaires pour être ensemble dans cet espace. = cette « convenienta » unit le monde comme totalité.

2. l’emulatio = la distance : c’est le lien qui unit une image à son reflet.

3. l’analogie = concerne les similitudes de rapports et de proportions

4. la sympathie = mouvement de fusion par échange de qualités, mouvement équilibré par l’antipathie, son contraire.

II. Les signatures

à quoi reconnaît-on les similitudes ? = il faut savoir déchiffrer les marques visibles des similitudes cachées.

= le signe ne se révèle comme tel que par la grâce d’une ressemblance.

La conséquence de cette épistémè est le caractère illimité de ce savoir, puisqu’il s’agit de reconnaître des signes qui dévoilent les ressemblances (mais il reste de ce fait parcellaire).

= l’utilisation de cette catégorie qui assimile connaître et interpréter fait que l’érudition comme la magie appartiennent au savoir.

(La divination consiste à mettre au jour les signes cachés : la lecture des textes sacrés consiste à relever les signes de la sagesse divine.)

Le monde est signe à déchiffrer = c’est pourquoi le langage est lui aussi dans le monde.

Le langage a été donné aux hommes par Dieu. Or, même s’il a perdu sa transparence originaire, le langage garde avec le monde un rapport d’analogie, non de signification.

= cette perspective noue la nature comme tissu de mots et de discours avec le langage.

Le naturaliste Ulisse Aldrovandi (1522-1605) établit une description en mêlant les observations et les valeurs mythologiques de l’animal. = il contemple des choses à lire : qu’elles soient imprimées ou sensibles, elles ont valeur de savoir parce qu’elles sont des signes à interpréter.

Le système des signes à la Renaissance est ternaire : il associe le signifiant, le signifié et le domaine des similitudes.

Cela disparaît au XVIIe siècle pour laisser la place à une nouvelle question concernant la possible justification de l’arbitraire du signe.

Comment le signe peut-il être lié à ce qu’il signifie ?

= XVIIe = l’analyse de la représentation

= époque moderne = analyse de la signification.

Mais si nous y gagnons la possibilité de penser la signification, nous y perdons « l’être vif du langage ».

= C’est la littérature qui accueille cet être du langage quand elle n’est pas pensée par une théorie de la signification.

Chapitre III – Représenter

(6 sous-parties : Don Quichotte ; L’ordre ; La représentation du signe ; La représentation dédoublée ; L’imagination de la ressemblance ; « Mathesis » et « taxinomia »)

I. Don Quichotte

= figure emblématique du changement qui a lieu dans l’épistémè à l’aube de l’âge classique.

Toute l’aventure du chevalier est une quête des similitudes, quête toujours déçue.

= Il y a décalage entre les signes et la ressemblance des êtres.

Mais de ce décalage naît un nouveau langage qui crée l’univers du texte. (Dans la seconde partie, don Quichotte rencontre des personnages qui en connaissent la première partie.)

La ressemblance laisse la place à la comparaison.

=> à la Renaissance, la similitude est considérée comme une source d’erreur.

Descartes l’analyse comme une expérience première qui doit être mis en ordre grâce aux catégories de l’identité et de la différence.

La comparaison peut être ramenée aux rapports mathématiques de l’égalité et de l’inégalité.

L’ordre des choses est établi par une mise en série qui part du simple (simple à connaître) et va jusqu’au complexe. [c’est le 3ème précepte de la méthode cartésienne]

Du point de vue archéologique, on constate un ensemble de modifications dans l’épistémè au XVIIe siècle.

On substitue à l’analogie l’analyse ordonnée.

Là où le jeu des similitudes était infini, une énumération exhaustive devient possible.

= l’activité de connaissance n’a plus pour moyen et pour but de rapprocher les choses entre elles, mais de les discerner.

Le langage devient alors l’outil de la représentation.

Les historiens ont l’habitude de définir l’âge classique par un rationalisme tentant de rendre la nature calculable, toutefois ce rapport à la mathésis comme savoir de l’ordre ne signifie pas que tout savoir est mathématisable. Des savoirs empiriques et qui ne peuvent pas être réduits à la mathématique apparaissent : grammaire générale, histoire naturelle et analyse des richesses.

Le signe à l’âge classique se modifie. Son horizon est infini : il se déploie parce que l’analyse ne cesse de se poursuivre.

Les signes artificiels ne doivent plus leur valeur à leur fidélité à la nature, ils peuvent être établis selon d’autres critères, comme la simplicité, l’utilité, car la grille d’analyse de la nature est aussi arbitraire.

Le signe n’est plus assuré de sa vérité par l’ordre des choses elles-mêmes.

= la dualité signifiant-signifié est instaurée.

Le signifiant doit alors représenter et cette représentation doit être son unique contenu.

Les signes apparaissent donc comme coextensifs à la représentation, ce qui exclut toute possibilité d’une théorie de la signification : entre le signe et son contenu, il n’y a aucune opacité.

VI. « Mathesis » et « taxinomia »

= sont les 2 figures de l’ordre de l’âge classique.

Pour ordonner les natures simples, on se réfère à une mathésis,

pour les natures complexes, il faut constituer une taxinomie avec un système de signes.

= naissent alors la possibilité de l’histoire naturelle, la grammaire générale et l’analyse de la monnaie.

La taxinomie traite des identités et des différences en dévoilant les articulations entre les êtres sous la forme de tableaux.

La mathésis traite des égalités et des jugements qui s’y rapportent.

Chapitre IV – Parler

(7 sous-parties : Critique et commentaire ; La Grammaire générale ; Théorie du verbe ; L’articulation ; La désignation ; La dérivation ; Le quadrilatère du langage)

[I. Critique et commentaire]

II. La grammaire générale

= conséquence de la transparence du langage.

= développe l’étude de la syntaxe et entraîne une critique des textes anciens.

Cette analyse du langage est rendue nécessaire par son origine spontanée et irréfléchie, qui s’oppose à l’ordre universel et évident que les sciences et l’algèbre établissent dans la représentation.

= La grammaire traite donc de l’ordre naturel de l’esprit, c’est-à-dire de la manière dont la représentation se dispose selon une série successive.

La tentation d’une langue universelle surgit de cette analyse.

Il ne s’agit plus d’un retour à Babel, mais de la recherche d’un langage de signes univoques capable de nommer la totalité du monde.

Et le monde, entendu comme entièrement représentable, entièrement dicible, doit pouvoir être une encyclopédie.

De ce fait, les langues particulières sont le réceptacle des progrès de l’esprit d’un peuple.

La grammaire générale n’a pas pour fonction de rechercher les lois communes à toutes les langues, mais de dévoiler la représentativité du discours.

Comment le discours peut-il énoncer la totalité de la représentation ?

= parce qu’il est constitué par des propositions dont la validité repose sur le verbe.

Le verbe affirme un lien d’attribution entre 2 éléments.

En ce sens, tous les verbes se ramènent au verbe « être », qui pose le rapport du langage représentatif avec la représentation qu’il désigne.

Les noms, eux, sont innombrables et articulés par un ensemble de mots accessoires.

Cependant, même ces éléments possèdent une fonction nominale : ils auraient pris la place de gestes qui constituent la forme originelle du langage.

Les mots peuvent cependant s’écarter de leur sens et de leur forme originaire grâce aux figures de la rhétorique.

Ainsi la grammaire générale se construit autour de 4 théories :

1. proposition

2. articulation (partie IV)

3. désignation (partie V)

4. dérivation (partie VI)

=> la littérature classique se constitue comme recherche du mot le plus juste en ignorant l’obscurité du langage.

Chapitre V – Classer

(7 parties : Ce que disent les historiens ; L’histoire naturelle ; La structure ; Le caractère ; Le continu et la catastrophe ; Monstres et fossiles ; Le discours de la nature)

L’erreur des historiens qui étudient le XVIIe siècle est de postuler la naissance d’une science de la vie : or la vie n’existe pas, il n’existe que des êtres vivants.

Leur histoire naît de la distance entre les choses et les mots, parce qu’elle autorise la distinction entre les « legendae » et l’observation.

Les inventaires, les catalogues permettent de mettre de l’ordre dans l’observation des êtres.

Et il convient de parler d’observation, car les botanistes ne considèrent comme valable que ce qui leur est donné sous la forme de l’étendue et selon 4 variables :

– nombre

– figure

– proportion

– situation.

=> cet ensemble de variables est appelé la structure.

Ainsi ce qui est donné confusément dans la représentation se trouve filtré, limité, analysé.

= l’objet de l’histoire naturelle est saisi par sa configuration spatiale et non par son fonctionnement.

C’est dans ce sens que le tableau se révèle déterminant.

= il permet de saisir les êtres dans leur ensemble et dans leur continuité grâce à l’établissement du caractère.

Il faut établir un tableau ordonné, universel et continu de toutes les différences possibles.

Le caractère tel que l’établit l’histoire naturelle, permet de marquer l’individu, mais la séparation entre le vivant et le non-vivant n’est à aucun moment une question décisive, car ils sont tous des éléments de la nature susceptibles de classification.

Chapitre VI – Echanger

(8 parties : L’analyse des richesses ; Monnaie et prix ; Le mercantilisme ; Le gage et le prix ; La formation de la valeur ; L’utilité ; Tableau général ; Le désir et la représentation)

Au XVIe siècle, la pensée économique se constitue autour du problème des prix et de la monnaie.

Les deux problèmes sont liés car le métal est signe de richesse et richesse lui-même.

L’or est précieux parce qu’il a un prix et cela a pour conséquence qu’il mesure les prix et qu’on peut l’échanger.

Au XVIIe siècle, l’or est d’abord l’étalon des échanges.

La monnaie est l’instrument de représentation des richesses.

La théorie de la valeur (V-VI) constitue le pendant de la théorie de la monnaie.

Valoir signifie avoir une valeur dans l’échange.

= tout ce qui est inutile devient utile dans l’échange troc.

La question de savoir à quelle condition les prix peuvent être établis entraîne un conflit entre les physiocrates et les utilitaristes, mais ils partagent les mêmes éléments théoriques :

– la valeur est liée à l’argent ;

– la monnaie est représentation des richesses.

La quantité de travail n’est qu’un instrument de mesure du prix des choses,

le besoin est la mesure absolue du prix.

La pensée du XVIIe siècle ordonne la richesse, la nature ou la langue à partir du mode d’être de la représentation (VIII).

=> L’épistémè classique se construit autour de la représentabilité absolue des êtres.

La métaphysique du XVIIe siècle est une métaphysique du continu et de la complétude :

– toute richesse est monnayable,

– tout être naturel est caractérisable,

– tout individu est nommable.

= ils entrent dans un système complet et fermé.

L’ontologie du XVIIe peut se définir comme une absence du néant car l’être est confié sans rupture à la représentation.

*

Partie II

Chapitre VII – Les limites de la représentation

(6 sous-parties : L’âge de l’histoire ; La mesure du travail ; L’organisation des êtres ; La flexion des mots ; Idéologie et critique ; Les synthèses objectives)

à la fin du XVIIIe siècle un bouleversement de la pensée a lieu (comme au début du XVIIe)

= l’archéologie montre comment ce bouleversement se produit dans tous les domaines.

=> l’épistémè fondée sur la bipolarité identité-différence, cède la place à une épistémè fondée sur la catégorie de l’organisation.

Celle-ci est la condition de possibilité de la construction de nouvelles sciences,

du « repli de la philosophie sur son propre devenir » (VII, 1),

de l’apparition de l’histoire comme « mode d’être de l’empiricité ».

La notion de travail acquiert tout son sens : elle est liée à celle de richesse.

= les richesses ne représentent plus le désir mais le travail.

Le travail comme labeur et peine peut servir de mesure car il ne varie pas ; ce qui varie ce sont les capacités de production ou le marché du travail.

= la réflexion sur les richesses conduite par Smith introduit 2 directions de pensée :

– l’une interroge la finitude humaine, son rapport au temps ;

– l’autre indique la possibilité d’une économie politique ayant pour objet les rapports de production.

Chapitre VIII – Travail, vie, langage

(5 sous-parties : Les nouvelles empiricités ; Ricardo ; Cuvier ; Bopp ; Le langage devenu muet)

La réflexion de Ricardo sur l’économie détermine la prééminence de la théorie de la production sur celle de la circulation.

= l’homme qui travaille n’est pas celui qui désire, mais celui qui use sa vie à tenter d’échapper à la mort.

=> cela produit une situation historique qui, à travers l’évolution de l’économie, permet de penser la fin de l’histoire.

Mais la position de Ricardo (celle du ralentissement indéfini de l’histoire) ou la position de Marx (celle de la rupture radicale) ont les mêmes conditions de possibilité et déterminent la même configuration du savoir.

=> l’historicité de l’économie, la finitude de l’existence humaine, la fin annoncée de l’histoire y figurent.

La rupture dans la conception des êtres vivants a lieu en 2 temps.

= à partir de Lamarck et Jussieu, la recherche du caractère se modifie car elle se fonde sur un nouveau principe : l’organisation.

Les éléments sont associés selon leur fonction.

Il en découle que la notion de vie devient un concept opératoire : moyen de saisir dans les corps les rapports entre les différents organes et moyen de déterminer la finalité des organes.

= cependant, cela implique toujours une gradation progressive et continue entre les vivants.

La vie échappe à l’étendue et ne peut de ce fait constituer un ensemble continu.

Cuvier (3) soumet la constitution de l’organe à la souveraineté de la fonction, ce qui entraîne le surgissement d’analogies sans ressemblance (exemple : poumons/branchies).

= Les êtres vivants peuvent alors être classés selon des communautés de fonctions, distinctes les unes des autres.

Cette discontinuité permet de faire apparaître la notion d’incompatibilité biologique, l’importance du milieu extérieur, l’opposition entre la vie comme racine de toute existence et l’être comme immobile.

Chapitre IX – L’homme et ses doubles

(8 sous-parties : Le retour du langage ; La place du roi ; L’analytique de la finitude ; L’empirique et le transcendantal ; Le Cogito et l’impensé ; Le recul et le retour de l’origine ; Le discours et l’être de l’homme ; Le sommeil anthropologique)

Le langage se libère de la représentation.

Ce processus commence par une analyse de la flexion, dont on montre qu’elle reste constante alors que la racine subit des modifications.

Cette analyse est contemporaine de la naissance de la phonétique.

=> les langues se modifient donc par des mécanismes internes : leur histoire est celle de leur évolution parlée.

Elles peuvent être regroupées en ensembles discontinus selon les caractéristiques internes des éléments qui les composent.

=> alors le langage ne prend plus sa source du côté de ce qui est représenté, mais du côté du sujet qui représente.

Ce déplacement du langage le conduit à perdre son statut d’instrument neutre de la représentation.

=> Il est alors compris comme activité du peuple qui parle et du sujet individuel qui s’approprie sa langue.

Le langage devient alors un sujet d’étude pour la philologie et la linguistique.

Du point de vue archéologique, cette situation permet :

– d’une part l’émergence de la formalisation et de la recherche d’une logique non verbale,

– d’autre part l’émergence des théories de l’interprétation et de la découverte de l’inconscient.

Cette rupture dans la représentation entre les choses et la subjectivité où elles sont pensées se manifeste philosophiquement dans la critique kantienne qui interroge les limites et la légitimité de la représentation.

=> l’intrication du savoir et de la philosophie se défait au profit d’une réflexion dont le projet est de fonder ou de dévoiler.

La littérature se constitue comme telle quand le langage retrouve cette opacité énigmatique qu’il avaitperdu à l’âge classique.

On en retrouve un écho dans l’expression de Mallarmé et dans la question de Nietzsche : « Qui parle ? »

=> quel est ce langage, mais aussi quel est l’homme qui parle ?

L’expérience de la finitude se loge au sein même des savoirs sur l’homme.

= cette émergence de l’homme dans le champ du savoir correspond à la fin de la métaphysique, considérée comme une illusion, une pensée aliénée ou un épisode culturel.

Mais parce que l’homme est source de connaissance, qu’en lui résident les conditions de possiblités de toute connaissance, il prend la figure d’un « doublet empirico-transcendantal » (4-5)

L’épistémè moderne occidentale se détermine selon 4 éléments :

– le lien des sciences humaines avec la finitude ;

– le doublet empirico-transcendantal ;

– le rapport de l’être pensant avec l’impensé sous les formes de l’inconscient, de l’aliéné,

– la question de l’inaccessibilité de son origine.

=> C’est l’anthropologie (8) qui conduit alors la pensée moderne et qui provoque un sommeil de la philosophie mais « à tous ceux qui ne veulent pas penser sans penser aussitôt que c’est l’homme qui pense, on ne peut qu’opposer un rire philosophique ».

=> C’est l’entreprise de Nietzsche qui apporte le meilleur point final à la multitude des questions sur l’homme.

Chapitre X – Les sciences humaines

(6 sous-parties : Le trièdre des savoirs ; La forme des sciences humaines ;

Les 3 modèles ; L’histoire ; Psychanalyse, éthnologie ;

[sans-titre, conclusion])

Les sciences humaines apparaissent dans cette nouvelle épistémè.

Elles se situent dans une configuration épistémologique complexe au centre d’un triangle dont les côtés sont constitués par les mathématiques, les sciences et la philosophie.

=> leur objet n’est pas l’homme, mais ses représentations.

Ou plus exactement l’analyse des ensembles signifiants qui révèlent à la conscience les conditions de ses contenus.

Les sciences humaines ont un discours sur les sciences qui ont pour objet les réalités humaines.

Mais certaines, comme la psychologie ou l’ethnologie, prennent les autres à contre-courant en dissolvant leur objet.

*

Editions Gallimard | à partir des fiches de la collection Bréal

Schopenhauer | Le Monde comme Volonté et comme Représentation

Arthur Schopenhauer

1788 (Dantzig) – Francfort (1860)

Fils d’un négociant.

Voltairien.

Commence tard ses études universitaires.

Élève de Fichte.

1813 : Devient docteur de l’université d’Iéna dans une lignée kantienne.

1814 : découvre le bouddhisme.

1819 : publie Le Monde comme volonté et comme représentation

n’obtient pas le succès escompté.

Renonce à une carrière universitaire.

Obtient la notoriété quelques années avant sa mort.

1813 – De la quadruple racine du principe de raison suffisante

1819 – Le Monde comme volonté et comme représentation

1841Les Dieux problèmes fondamentaux de l’éthique

édition conjointe de deux mémoire :

– Sur la liberté de la volonté

– Sur le fondement de la morale

1853Parerga et Paralipomena

*

Le Monde comme volonté et comme représentation

(1819)

= pose la question de la vraie nature de la réalité.

Ce que nous appelons « le monde » (ce que nous prenons pour la réalité) n’est qu’une représentation subjective, et finalement une illusion.

La perception et la connaissance ne permettent pas de pénétrer la subjectivité qui recouvre la réalité d’un voile d’illusions, le voile de Maya (figure qu’il emprunte à la philosophie hindoue).

La véritable réalité est celle de la Volonté, aveugle et sans but, une pulsion insatiable qui pousse l’homme à survivre, à objectiver et à réaliser quelque chose.

Kant et Platon sont des références centrales.

Mais S est novateur en ce qu’il a cru trouver une confirmation de sa pensée dans les doctrines religieuses indiennes, ainsi que dans le bouddhisme.

Remèdes :

Les Upanishad (accessibles en latin, traduction d’Antuetil Duperron) (p.234) ; les Veda ; l’ascétisme chrétien.

L’art et la morale de la compassion sont aussi des moyens de s’affranchir du monde fallacieux de la représentation et des domaines où l’homme se distancie de lui-même et de sa volonté.

= pessimisme métaphysique et moral.

Mais ne préconise pas l’impersonnalité : mais pose le problème de la nature propre de l’individu spirituel et reconduit le souci du salut.

« On pourrait qualifier ma doctrine de véritable philosophie chrétienne… Elle est au spinozisme ce que le Nouveau Testament est à l’Ancien. »

A influence Nietzsche et Wittgenstein.

*

Introduction de Richard Roos

VIII – On ne saurait parler de système, car il ne s’agit pas d’un édifice logique, patiemment construit par déductions successives, mais bien d’une vision unique, d’un éclair génial, d’une intuition d’artiste qui satisfait l’esprit d’un coup ou le repousse définitivement.

= on ne réfute pas S, on l’accepte ou on le rejette. Ressemble à l’enseignement d’Epicure.

IX – S continue le criticisme kantien et s’approprie la théorie platonicienne des Idées qui ne sont en définitive que des approximations.

« Le monde que nous percevons, y compris notre corps, n’est que notre représentation et, à ce titre, il est soumis aux formes de l’espace, du temps et de la causalité qui n’existent que dans notre esprit.

Mais en soi le monde est volonté, comme nous le révèle l’expérience immédiate de notre corps, et l’objectivation de cette volonté dans le monde de la représentation n’entraîne que souffrance.

Quand l’homme parvient à percer le voile de Maya, comme dans la contemplation esthétique et surtout la véritable philosophie, il comprend la vanité de son existence et finit par renoncer au vouloir-vivre. Mais comment l’intellect, qui n’est qu’un instrument au service de notre volonté aveugle, peut-il s’affranchir de cette tutelle ? C’est, nous dit S., dans les moments privilégiés où la volonté semble dormir et où l’intuition purement objective et le monde objectif lui-même se traduisent immédiatement en concepts.

(…)

X – Il a été le premier sans doute à analyser avec autant de pénétration le refoulement inconscient des souvenirs désagréables, l’influence déterminante des impressions reçues dans la première enfance et oubliées par la conscience, enfin la puissance prépondérante de l’instinct sexuel.

(…)

Il se donne aussi beaucoup de mal pour démontrer l’identité d’esprit entre son interprétation de l’existence et la doctrine du christianisme primitif. Si les chrétiens consentaient à admettre que leur mythologie n’est qu’une simple allégorie à l’usage du peuple, ils pourraient donner leur adhésion à l’enseignement schopenhaurien et rejoindraient ainsi, en même temps que le véritable pessimisme du Christ, les centaines de millions d’Hindous dont les mythes annoncent eux aussi la métaphysique schopenhaurienne et aboutissent au reniement de la volonté.

(…)

Le pessimisme de S ne concerne pas seulement l’état présent du monde. Il nie toute évolution et tout espoir d’amélioration, car, si le monde visible est variable et soumis au devenir, il n’est que l’objectivité de la chose en soi, éternelle et immuable.

(…)

La seule liberté laissée à l’individu consistait dans sa capacité de vaincre le vouloir-vivre et d’aboutir ainsi au non-être, et pourtant cette doctrine désespérante a toujours fait l’effet d’une consolation sur les lecteurs.

(…)

Il reste pourtant un calmant provisoire (Quietiv) de la souffrance : c’est la contemplation esthétique qui conduit, elle aussi, à percer le voile de Maya, et les belles pages que S a consacrées à l’esthétique n’ont pas été les moins aptes à lui attirer l’adhésion de tant d’écrivains et de musiciens qui trouvaient ici la justification et les lettres de noblesse de leur art.

*

(…) la véritable philosophie, pour Schopenhauer, n’est pas une partie de la totalité humaine, mais concerne l’homme dans son entier.

(…) Selon le mot de Thomas Mann, Schopenhauer est un « humaniste pessimiste ».

(…) En lui s’exprime déjà le nihilisme du siècle, le vide d’un monde sans dieux, ce vide que l’on cherche alors à remplir en substituant aux anciennes certitudes de la foi dans le progrès et les sciences, le culte de l’histoire et du succès, ou, plus banalement, la sécurité matérielle et le confort moral auquel doit contribuer un christianisme modernisé et affadi.

*

Philosophie qui prêche la résignation et l’anéantissement de la volonté.

(…) La philosophie de S s’offrit comme un refuge, une consolation, satisfaisant « le besoin métaphysique » qu’il avait si lumineusement décrit, enseignant le pessimisme héroïque qui permettait d’affronter le bide enfin reconny.

(…)

Il avait d’une certaine mesure provoqué ces malentendus par l’emploi du terme « volonté » qui, pour lui, désignait le seul étant, la chose en soi dont notre volonté n’est qu’une objectivation.

(…) Finalement on tirera du pessimisme volontariste la conclusion opposée, et Nietzsche aboutira à la volonté de puissance (la 3ème Considération intempestive).

*

Après le rejet de tous les grands systèmes qui prétendaient expliquer le monde en lui donnant une signification, cette doctrine offrait une possibilité de vivre dans un monde dépourvu de sens, comme avait pu le faire jadis l’épicurisme.

*

Préface de la 1ère édition

p.7 « dans cette existence dont on ne sait si l’on doit rire ou pleurer, il faut bien faire à la plaisanterie sa part. »

Livre Premier :

Le monde comme représentation

(§1-16)

Premier point de vue : la représentation soumise au principe de raison suffisance. L’objet de l’expérience et de la science.

Citation de Rousseau : « Sors de l’enfance, ami, réveille-toi ! »

= un idéalisme transcendantal

La seule donnée immédiate est celle de ma conscience, le monde n’est rien sans elle.

Le monde n’est donc rien d’autre que ma représentation : il n’a de sens qu’en tant que je le perçois.

« Pour chacun de nous, notre mort est la fin du monde. »

Toutefois, la chose en soi kantienne doit être exclue de la métaphysique car l’intuition peut nous donner la connaissance du fond des choses.

Le phénomène n’est qu’apparence. Je suis et, hors de moi, il n’y a rien.

L’objet ne se distingue pas du sujet.

Il faut donc parler de l’ensemble qu’ils composent.

Seule la connaissance intuitive nous permet d’aller au-delà de l’apparence, et de connaître l’essence intime du monde.

La représentation et la connaissance discursive sont soumises à la causalité.

Mes représentations me semblent en effet liées les unes aux autres avec une certaine rigueur.

Les modes de ma représentation sont 4 :

1. les impressions sensibles

2. les concepts

3. les intuitions pures de l’espace et du temps

4. les actes volontaires

Le principe de raison suffisante correspond aux 4 principes gouvernant ces 4 modes de la représentation :

1. aux impressions sensibles correspondle principe du devenir (à savoir la causalité)

2. aux concepts, les lois de l’entendement (la logique)

3. les intuitions pures de l’espace et du temps = principes de l’être (détermination réciproque des parties de l’espace et du temps)

4. les actes volontaires sont sous la dépendance de la loi de motivation : la « causalité vue de l’intérieur ».

=> ainsi le monde est l’ensemble de mes représentations liées par le principe de raison suffisante à quadruple racine :

1 – la nécessité physique ;

2 – la nécessité logique ;

3 – la nécessité mathématique ;

4 – la nécessité morale.

La mise en perspective du monde de mon point de vue, organisée par la pensée conceptuelle qui objective le monde, nous empêche de le saisir en lui-même, dans sa dimension d’absolu.

La connaissance scientifique issue de l’entendement, purement phénoménale, ne peut être qu’au service des besoins tyranniques de la volonté. = C’est une connaissance impure.

*

Livre Deuxième :

Le monde considéré comme volonté

Premier point de vue : L’objectivation de la volonté

(§17-29)

I. La Volonté

= une cosmologie de la volonté

L’expérience interne (intime) du corps nous révèle la réalité même du monde.

L’expérience du désir nous permet de saisir l’être même de l’intérieur, par une réflexivité dont le caractère existentiel rompt avec tout intellectualisme.

Le désir qui est en nous est la manifestation du dynamisme cosmique. Le monde est donc, au-delà de la réprésentation que nous avons, une volonté entièrement libre, irrationnelle.

La Volonté est la réalité absolue, source de toutes les autres réalités et transcendant la causalité.

La Volonté est toujours tendue vers l’acquisition d’une forme qu’elle conquiert (végétal, animal, etc) au détriment de celles qu’elle a déjà posées. Elle est donc en lutte permanent contre elle-même. (les hommes s’entre-tuent…)

II. Le Vouloir-vivre

Le vouloir-vivre est la forme que la Volonté prend chez l’homme.

L’homme est l’animal le plus démuni pour se défendre, tout en ayant les désirs et les besoins les plus nombreux.

Le cerveau humain pallie les insuffisances : c’est une arme « plus redoutable que la griffe du lion. »

Mais le vouloir-vivre est aveugle, tragique, douloureux.

Il est un mouvement permanent, éternel. Sans fin, ni cause, ni raison, ni terme.

Il tend à la reproduction sans fin des individus et des espèces.

Il est absolu dans le sens qu’il ne se rapporte à rien sinon à lui-même,

il est absurde car sans origine et sans signification.

Il est totalité de la nature et l’intériorité de la nature, réalisant l’unité de tous les êtres individuels.

Cette unité profonde est occultée par le principe d’individuation. = vérité tragique

Consolation possible dans l’art, la morale, la mystique : pour contempler la vérité tragique avec sérénité.

*

Remarque : avec le troisième livre, on attaque le « second point de vue »

dans le même ordre que le « premier point de vue » : d’abord représentation, puis volonté

Livre Troisième :

Le monde comme représentation

Second point de vue :

la représentation considérée indépendamment du principe de raison.

L’idée platonicienne.

L’objet de l’art.

(§30-52)

= la libération par l’art

L’esprit se trouve en présence de l’Idée à l’état pur dès lors que la volonté, chez un individu, s’efface pour ne laisser que l’intuition, la connaissance désintéressée, non ordonnée aux fins de la volonté.

Cet individu est doué d’une force spirituelle vive, le « génie ».

L’objet de l’art est ce niveau d’objectivation de la volonté que Platon appelait l’Idée, et non pas le phénomène.

« L’objet que l’artiste s’efforce de représenter, dont la connaissance doit précéder et engendrer l’oeuvre… est une idée, au sens platonicien du terme. »

C’est la chose en soi, étrangère à la pluralité, mais qui se laisse représenter par elle : « Ces degrés apparaissent dans les objets particuliers comme leurs formes éternelles, comme leurs prototypes. »

= l’art atteint la connaissance de l’éternité, par l’intermédiaire des Formes éternelles qu’il contemple.

Comme l’esprit, l’art est le Consolateur : il restitue aux hommes, l’espace d’un instant, l’éternité de la Forme pure qui lui est inaccessible.

Le regard de l’artiste est l’oeil du monde : il est affranchi des contingences et il est capable de ne faire qu’un avec l’univers.

= rappelle le niveau de la deuxième hypostase plotinienne : « contemplation pure, ravissement de l’intuition, confusion du sujet et de l’objet, oubli de toute individualité. »

La musique est l’art suprême.

Elle exprime vraiment l’être et l’essence du monde grâce à l’universalité de sa langue.

« La musique est un exercice de métaphysique inconscient dans lequel l’esprit ne sait pas qu’il fait de la philosophie. »

La musique est le seul art qui soit en prise sur le noumène, non représentatif, non figuratif.

L’art constitue le premier degré de la libération : celui qui débouche sur la contemplation.

Mais ne constitue pas encore une éthique et ne remet en cause la Volonté.

*

Livre quatrième :

Le monde comme volonté

Second point de vue :

Arrivant à se connaître elle-même, la volonté de vivre s’affirme, puis se nie

(§53-71)

La souffrance est le fond de toute vie. La vie humaine est la plus douloureuse forme de vie.

Du désir qui est manque à l’ennui de la satiété (cf Folantin dans A Vau-l’eau qui cite cette phrase).

Le bonheur est la suspension de la douleur (et non pas plénitude).

Le renoncement permet de dépasser la souffrance constitutive de notre condition. = il faut nier le vouloir-vivre. Il nous faut mourir au désir, extinction qui correspond au nirvana.

Le nirvana n’est pas le néant, mais la négation de la représentation et l’extinction de la volonté.

Le suicide n’est pas non plus une solution, car il est une forme du vouloir-vivre, et ne débouche que sur l’abolition de l’apparence phénoménale de la vie. « Celui qui se donne la mort voudrait vivre ; il n’est mécontent que des conditions dans lesquelles la vie lui est échue. »

= seuls l’ascétisme, l’abstinence, le refus de la procréation peuvent venir à bout du vouloir-vivre en l’homme.

C’est la résignation, que préfigure la compassion, qui s’approche au plus près de l’essence.

La forme suprême de libération est la morale, la morale de compassion.

La morale préceptive est sans valeur, de même que le formalisme kantien.

= les fondements rationnels de la morale sont victimes des mêmes illusions que les sciences : on en reste au niveau du logique sans atteindre l’ontologique.

L’action morale (se soucier d’autrui) requiert une expérience d’identification (« le phénomène quotidien de la pitié. »

Seule la pitié peut rétablir la solidarité entre les individus par la compassion. La vie étant douleur, la participation à la vie d’autrui est participation à sa douleur (c’est la définition de « pitié »).

Justice : l’individu décide de ne pas vivre aux dépens de la vie d’autrui.

Sainteté : négation de la volonté de vivre totale : l’abolition en soi de toute volonté particulière, fusion avec l’universel.

La grâce et la rédemption, catégories chrétiennes fondamentales, sont donc valables

Le suicide n’est pas libérateur.

Ce n’est pas l’âme qui est immortelle, mais la volonté.

Ce que le christianisme appelle « régénération » correspond à une purification, à une suppression du déterminisme en nous.

= Cette catharsis ouvre les portes d’une libération.

Il ne s’agit pas d’en finir avec la vie, ou d’en espérer une autre, mais, par un renversement du rapport entre l’entendement et la volonté, de faire brèche dans l’absurde pour accéder au sens : accéder à une vie autre.

= la grâce correspond à ce changement brusque du rapport intime en l’homme de la connaissance et de la volonté : « subitement et comme par un choc venu du dehors » (p.507) « désormais il dédaigne ce qu’il désirait si ardemment jusque-là ; c’est vraiment un homme nouveau qui se substitue à l’ancien. »

Seule la foi sauve, c’est-à-dire la connaissance intuitive et non pas ce qui a son origine dans une volonté préméditée (les œuvres).

= aussi Saint Augustin et Luther ont eu raison de lutter contre la croyance pélagienne au salut par la seule volonté.

Ce que les mystiques chrétiens appellent grâce efficace et régénération correspond à la seule expérience possible de liberté.

La vie ainsi renouvelée renonce à la théâtralité sociale et à ses jeux de rôles.

*

Citations

1

« Le monde est est ma représentation » : « Le grand tort de Kant a été de méconnaître ce principe fondamental »

2

Notre propre corps lui-même est déjà un objet et, par suite, mérite le nom de représentation (…) c’est un objet immédiat. Comme tous les objets d’intuition, il est soumis aux conditions formelles de la pensée, le temps et l’espace, d’où naît la pluralité.

Le monde considéré comme représentation comprend 2 moitiés essentielles, nécessaires et inséparables :

– objet, qui a pour forme espace et temps = pluralité

– sujet, un et indivisible dans chaque être percevant.

Chacune de ces 2 moitiés n’est réelle et intelligible que pour l’autre et par l’autre ; elles existent et cessent d’exister ensemble. Elles se limitent réciproquement : où commence l’objet, le sujet finit. Cette mutuelle limitation apparaît dans le fait que les formes générales essentielles à tout objet (temps, espace et causalité) peuvent se tirer et se déduire entièrement du sujet lui-même, abstraction faite de l’objet ; ce qu’on peut traduire dans la langue de Kant, en disant qu’elles se trouvent a priori dans notre essence.

Le principe de raison = expression générale de toutes ces conditions formelles de l’objet, connues a priori ; que toute connaissance purement a priori se ramène au contenu de ce principe, avec tout ce qu’il implique ; en un mot, qu’en lui est concentrée toute la certitude de notre science a priori.

3

raison = faculté de l’homme à former des notions abstraites (à la différence des animaux).

Ces notions abstraites sont des « représentations abstraites ».

Elles sont différentes des « représentations intuitives » qui comprennent tout le monde visible, ou l’expérience en général, avec les conditions qui la rendent possible.

« Kant, comme nous l’avons dit, a montré (et c’est là une découverte considérable) que le temps et l’espace (…) peuvent être non seulement pensés in abstracto, mais encore saisies immédiatement en elles-mêmes et en l’absence de tout contenu. (…) Cette intuition est indépendante de l’expérience (répétée) et lui fournit ses conditions, plutôt qu’elle n’en reçoit d’elle. Temps et espace représentent les lois de toute expérience possible. »

expérience = loi de justification des jugements.

4

« Si l’on a compris le mode spécial du principe de raison, qui est la loi de causalité et qui régit le contenu des formes précédentes, temps et espace, on aura pénétré l’essence même de la matière considérée comme telle, celle-ci se réduisant toute entière à la causalité. »

p.32 « C’est parce que la matière est active qu’elle remplit l’espace et le temps, et c’est son action sur l’objet immédiat, matériel lui-même, qui engendre la perception, sans laquelle il n’y a pas de matière. »

« Si le temps et l’espace peuvent être connus par intuition chacun en soi et indépendamment de la matière, celle-ci ne saurait en revanche être aperçue sans eux. »

p.33 « C’est la causalité qui forme le lien entre le temps et l’espace. Or nous avons vu que toute l’essence de la matière consiste dans l’activité, aturement dit dans la causalité ; il en résulte que l’espace et le temps se trouvent ainsi coexister dans la matière. »

p.34 « L’action supprimée, la matière l’est du même coup. »

p.62 « L’antique erreur fondamentale de la métaphysique : la supposition d’un rapport de cause à effet entre l’objet et le sujet, et le principe de raison comme autorité absolue. »

Lucrèce | De rerum natura

Lucrèce | 98 (Pompéi) – 55 (Rome)

Presque aucuns éléments sur sa vie.

Tempérament angoissé (contrairement à Epicure).

« On entend dans son vers les spectres qui s’appellent » (Victor Hugo)

Peut-être suicidé (conjecture).

Apprécié d’Ovide. Évoqué par Cicéron et Tite-Live.

Passé sous silence sous l’Empire (très religieux).

Le manuscrit presque achevé aurait été laissé à Cicéro à sa mort, selon saint Jérôme (IV-V s.), ce qui est peu probable.

Connu par citations jusqu’à la redécouverte du manuscrit.

Manuscrit retrouvé en 1417 par le Pogge. Diffusé à partir de 1430.

Lu par Montaigne, Gassendi. Traduit par Molière.

Influence sur La Fontaine qui se réclame d’Epicure et de Lucrèce.

Apprécié de Diderot.

=> Lucrèce a permis de maintenir un matérialisme radical.

Dans la même lignée, Karl Marx a consacré sa thèse à « La différence entre la philosophie de Démocrite et celle d’Epicure » et Paul Nizan a écrit Les Matérialistes de l’Antiquité (publié posthume en 1965).

Pensée examinée dans sa modernité par Michel Serres.

*

De rerum natura

Traduit le grec « Peri Phuseos », titre courant (surtout chez les pré-socratiques), utilisé par Epicure.

= ces philosophes étaient des physiciens, c’est-à-dire qu’ils réfléchissaient sur la nature de l’univers afin d’en donner une explication hors de toute intervention divine.

Phuein = « donner naissance ». « Natura » vient de « nascor » : « naissance » et « ordre naturel ».

– éloge de la pensée d’Epicure : philosophie atomiste

– lutte contre les superstitions

– célébration de l’univers infini et la puissance de la vie

– réfute Aristote en affirmant l’existence du vide, en refusant l’éternité du monde

=> combat théorique mais aussi moral.

Adressé à Memmius. Sans doute l’homme politique proche de Pompée, protecteur des poetae novi (Catulle était dans la suite de Memmius).

6 livres = 7400 hexamètres

*

Livre I (1117 vers) : la nature

= les atomes et le vide

v.1-53 Invocation à Vénus et dédicace à Memmius (interlocuteur de tout le poème).

v.54-61 Exposition du sujet

v.62-79 Eloge d’Epicure.

v.80-102 Le sacrifice d’Iphigénie (critique de la religion)

v.102-144 Il faut vaincre la peur par la connaissance de la nature (luttre contre les faux prophètes)

v.145-173 Premier principe : Rien ne naît de rien

v.174-214 Autres preuves

v.215-264 Rien ne retourne au néant

= Premier principe : l’être ne peut sortir du néant ni y entrer (en accord avec Démocrite, Epicure et Aristote).

v.265-297 Les corps invisibles : on ne peut mettre en doute l’existence des atomes

établit à partir de là l’existence de corpuscules primitifs invisibles : atomes.

Le vent, les odeurs sont invisibles.

Tous les corps sont formés d’atomes.

La mort est la décomposition d’un organisme constitué en ces particules primitives.

v.298-328 Preuves de l’existence des atomes

v.329-418 Existence du vide : le vide leur permet d’agir, de se mouvoir, d’exister.

v.419-448 Tout se ramène aux corps premiers ou au vide : rien n’existe en dehors de la matière

L’univers est le résultat de la matière et du vide.

Ce qui n’est ni matière ni vide est propriété ou accident.

v.449-482 Statut du temps (tout ce qui a un nom n’existe pas pour autant)

– sans existence propre (v.459) : le sentiment de l’achèvement vient des choses (v.460)

v.483-519 Les corps premiers ou atomes dans la nature : les atomes sont éternels

v.520-564 La théorie de l’immortalité des corps premiers est nécessairement juste

v.565-598 Seule la théorie de Lucrèce rend compte du monde tel qu’il est

v.599-634 Constitution de l’atome : l’atome est composé de parties inséparables

v.635-704 Réfutation d’Héraclite, pour qui le principe premier est le feu

v.705-829 Réfutation des autres cosmologie : réfutation d’Empédocle

v.830-920 Réfutation d’Anaxagore et de son « homéométrie » (assemblage)

v.921-950 Apologie du poème (I) = le second ouvre le livre IV

v.951-1051 L’univers est infini

il est indestructible dans ses principes, et infini dans sa masse

ne comporte pas de centre

v.1052-1117 Création et destruction des mondes : contre la conception stoïcienne de l’univers

*

Livre II (1174 vers) : sur les atomes

=mouvement et propriétés des atomes : la formation des corps

v.1-66 La sagesse = éloge de la philosophie

v.67-141 Le mouvement des atomes

= les changements continuels des corps excluent l’hypothèse d’une matière immobile

Il n’y a pas de centre où les atomes puissent s’arrêter.

v.142-166 Vitesse des atomes

Ce mouvement est rapide, car dans le vide rien ne lui fait obstacle

v.167-183 Négation de la providence

v.184-250 Poids et déviation (clinamen : l’infime déclinaison qui explique la rencontre des atomes)

La direction est de haut en bas. Mais leur chute n’est pas rigoureusement parallèle, sinon ils n’auraient pas pu s’unir en masse ni dévier d’une direction nécessaire pour former des âmes libres.

Il faut donc admettre qu’ils s’écartent légèrement de la direction perpendiculaire.

v.251-293 La liberté

v.294-332 La création continue

Les atomes ont toujours joui et jouiront toujours parce que la quantité de mouvement est toujours la même dans la nature.

Nous le savons par raison car les sens ne peuvent apercevoir l’atome.

v.333-441 Variété des formes atomiques

Si les atomes étaient tous identiques, les corps ne pourraient agir sur nos sens de manière si différente

v.442-476 Conséquences diverses

v.477-521 La variété des atomes n’est pas infinie, leur nombre et leur classe est bornée

v.522-580 Mais le nombre d’atomes dans chaque classe de figure est infini

v.581-588 Combinaisons variées des atomes à partir d’un nombre peu considérable de figures

v.589-599 Exemple de la terre

v.600-660 Cybèle

v.661-729 Autres exemples de combinaisons

v.730-841 Les atomes sont incolores

La solidité, l’indivisibilité, l’éternité, le mouvement et la figure sont les qualités de ces corps simples.

Les qualités saisies par les sens sont le résultat d’associations.

v.842-885 Absence d’autres qualités dans les atomes : ils ne sont pas sensibles

v.886-1022 Polémique sur l’origine de la sensibilité : ce n’est que leur situation et leurs mouvements respectifs qui produisent la sensibilité de certains assemblages.

v.1023-1043 Annonce d’une vérité nouvelle

v.1044-1089 L’univers et les mondes

Ces atomes ont produit notre monde, mais aussi une infinité d’autres.

La puissance de la nature est sans borne.

Notre monde n’est qu’un individu particulier dans une classe nombreuse, et comme individu il est comme tout autre soumis à la naissance, à la croissance, au déclin et à la mort. Le monde, après une phase de croissance, est dans une phase de dépérissement.

v.1090-1104 Les dieux ne gouvernent pas le monde

v.1105-1174 Le destin naturel du monde

*

Livre III (1094 vers) : l’âme

L’ignorance de la nature inspire la crainte de la mort.

L’ignorance est l’unique source des maux et des crimes.

L’âme est une partie réelle de nous-même, et non une « harmonie » (une affection générale de notre organisme). L’âme et l’esprit forme une même substance.

Âme et esprit sont corporels, formés des atomes les plus subtils.

Âme et esprit résultent de l’association de 4 principes : souffle, air, chaleur et principe de sensibilité.

Mélangés et combinés, sans jamais agir séparément, ces principes dominent plus ou moins : d’où la différence de caractères.

L’âme et le corps sont unis.

Contrairement à ce que dit Démocrite, on ne peut faire correspondre un élément de l’âme à chaque élément du corps.

=> l’âme naît et meurt en même temps que le corps.

La mort n’est donc pas à craindre, elle fait de l’homme ce qu’il était avant de naître.

v.1-93 L’oeuvre d’Epicure

v.94-177 L’âme et l’esprit

v.178-230 Nature atomique de l’esprit

v.231-287 Composition de l’âme et de l’esprit

v.288-322 Les caractères innés

v.323-349 Unité du corps et de l’âme

v.350-416 Les mouvements sensitifs

v.417-444 L’esprit et l’âme naissent et meurent : ils se dissipent dans l’air après la mort

v.445-525 Ils se développent et souffrent avec le corps

v.526-547 L’âme agonise avec le corps

v.548-633 L’âme ne peut subsister avec le corps

v.634-669 L’âme est divisible et donc mortelle

v.670-712 L’âme inhérente au corps est mortelle

v.713-740 L’âme et les vers du cadavre

v.741-805 La migration des âmes est impossible

v.805-829 L’âme n’a aucun des caractères de l’immortalité

v.830-930 Ce qu’est la mort

v.931-977 Prosopopée de la nature

v.978-1023 L’enfer n’est qu’une allégorie

v.1024-1052 La mort est la loi commune

v.1053-1075 Le remède au mal de vivre

v.1075-1094 Epilogue

*

Livre IV (1287 vers) : sens et sensations, théorie des simulacres

= expliquer l’action des objets extérieurs sur l’âme, par les sens.

= Des simulacres s’introduisent dans les divers conduits de nos corps et affectent nos âmes.

Plusieurs classes :

émanations : envoyés par les corps mêmes de la surface ou de l’intérieur des objets ;

– d’autres se forment dans l’air ;

– d’autres sont un mélange que le hasard réunit dans l’atmosphère.

=> tous sont d’une très grande vitesse, et d’une subtilité inconcevable.

v.1-45 Apologie du poème (II)

v.46-109 Les images des choses

v.110-142 Leur subtilité

v.143-175 Rapidité de leur formation

v.176-217 Leur vitesse

v.218-229 Tous les corps ont des émanations

v.230-268 Phénomènes de la vision = produite par des simulacres qui émanent de la surface des corps.

v.269-323 Les miroirs

v.324-378 Phénomènes divers de la vision

v.379-468 Illusions visuelles = nos erreurs ne viennent pas de la sensation qui est éprouvée, mais de la précipitation de l’esprit.

v.469-521 Polémique sur les sens : les sens, eux, sont des guides infaillibles.

v.522-556 Les autres sens : l’ouïe. L’audition est provoquée par des corpuscules détachés des corps, qui viennent frapper l’organe de l’ouïe. Façonnés par la langue et le palais, ce sont des paroles.

v.557-614 Effet de la distance ; l’écho. Les corpuscules répercutés par des corps solides produisent des échos.

v.615-672 Le goût. La saveur vient des sucs exprimés par les aliments lorsqu’ils sont mâchés. La sensation peut différer selon l’organisation des différentes espèces animales, ainsi que selon les molécules qui produisent des sucs.

v.673-705 L’odorat. Les odeurs sont des groupuscules émanés de l’intérieur des corps, eux aussi ressentis différemment par des organes différents.

v.706-721 Répulsions de la vue

v.722-824 La vision de l’esprit. Les idées proviennent des simulacres dont l’atmosphère est sans cesse remplie. Mais leur texture est déliée : c’est ainsi que ces simulacres s’insinuent par les pores du corps. Leur succession et leur combinaison sont si rapides qu’une foule d’idées assiègent nos esprits à chaque instant : images chimériques de centaures et mille autres illusions qui nous égarent.

v.825-857 Refus des causes finales : l’organe crée la fonction = il faut rejeter les causes finales. Nos organes n’ont pas été faits en vue de nos besoins. C’est parce qu’ils sont donnés que les hommes les utilisent.

v.858-876 La faim et la soif relèvent d’un besoin naturel pour tous les animaux.

v.877-906 La marche et le mouvement : l’âme, substance déliée, peut mouvoir une masse aussi pesante que celle de notre corps.

v.907-962 Le sommeil : engourdit toutes les facultés de l’âme et du corps.

v.963-1029 Les rêves se produisent naturellement.

v.1030-1057 La puberté et l’amour : se méfier de l’amour…

v.1058-1191 Malheurs et illusions de la passion : …à cause du malheur des amants.

v.1192-1208 Réciprocité du plaisir

v.1209-1232 Hérédité

v.1233-1277 Stérilité et fécondité

v.1278-1287 Epilogue

*

Livre V (1457 vers) : la formation de l’univers

= géologie

= anthropologie (langage, feu, musique, artisanat, tissage)

v.1-90 Eloge d’Epicure

v.91-145 Mortalité du monde : le monde a eu un commencement et aura une fin.

v.146-235 Les dieux sont étrangers au monde

v.236-350 Les parties du monde sont mortelles

v.351-379 Le monde ne remplit aucune des conditions de l’immortalité

v.380-395 La lutte du feu et de l’eau : les éléments sont soumis à des vicissitudes et à des altérations perpétuelles. Des causes travaillent constamment à la destruction du monde.

v.396-415 Phaéton

v.416-508 Naissance du monde : l’univers s’est formé par le concours fortuit des atomes. D’abord confondus en une seule masse, les molécules homogènes et hétérogènes se différencièrent peu à peu du choas, selon leur pesanteur. La terre prit forme et place, puis les mers, les montagnes et les fleuves se développèrent.

v.509-533 Mouvement des astres

v.534-563 Equilibre de la terre : la terre est suspendue au milieu des airs.

v.564-591 Grandeur du soleil et de la lune

v.592-613 Chaleur du soleil

v.614-649 Cours relatifs du soleil, de la lune et des astres

v.650-679 La nuit et le jour

v.680-704 Inégalité des jours et des nuits

v.705-750 Les phases de la lune

v.751-770 Les éclipses

v.771-836 Premières productions de la terre

v.837-877 Monstres et espèces disparus

v.878-924 Animaux légendaires

v.925-1027 Les premiers hommes

v.1027-1090 Origine du langage

v.1091-1107 La découverte du feu fait disparaître la barbarie.

v.1108-1135 Origine des cités et de la richesse. Les citadelles ont été fondées pour se protéger. Puis on inventa les richesses (v.1115), et on abandonna la frugalité : la violence arriva.

v.1136-1160 Renversement des rois ; le droit et la justice. Lassés de la violence, les Hommes créèrent les lois.

v.1161-1240 La notion de dieux ; la superstition. Critique de la religion : elle s’explique à partir de simulacres illusoires qui se présentent la nuit, la peur des dangers naturels.

v.1241-1296 Métaux, armes et outils

v.1297-1349 Evolution des techniques de la guerre : art et destruction se développent ensemble.

v.1350-1359 Le tissage

v.1360-1378 Progrès dans la culture du sol

v.1379-1435 Origine de la musique et des arts

v.1436-1457 Progrès des connaissances et des arts

*

Livre VI (1286 vers) : les météores (phénomènes atmosphériques)

Les météores sont les principales sources de superstition parmi les hommes.

Tonnerre, éclairs et foudre ne viennent pas de Jupiter, mais de vapeurs qui s’enflamment naturellement.

v.1-95 Eloge d’Athènes

v.96-159 Le tonnerre

v.160-213 L’éclair

v.214-322 La foudre

v.323-378 Vitesse et force de la foudre

v.379-422 La foudre n’est pas divine

v.423-450 La trombe marine

v.451-494 Les nuages

v.495-534 La pluie et l’arc-en-ciel

v.535-607 Les séismes

v.608-638 Le niveau de la mer

v.639-708 L’Etna

v.709-737 Les crues du Nil

v.738-839 Les Avernes

v.840-847 Température de l’eau des puits

v.848-878 La fontaine d’Hammon

v.879-905 Sources incendiaires

v.906-1090 L’aimant

v.1091-1137 Maladies et épidémies

v.1138-1286 Peste d’Athènes

*

Descartes – Discours de la méthode

Discours de la méthode pou bien considérer sa raison et trouver la vérité de la science (1637)

(édition de Laurence Renault)

= publié à Leyde. Premier texte publié de D.

= c’est une préface aux traités scientifiques Dioptriques, Météores, Géométrie.

= Se présente comme une autobiographie intellectuelle aussi bien qu’existentielle qui vaut comme un exemple à méditer.

= résume les Règles pour la direction de l’esprit en la recherche de la vérité, texte latin non publié

= très diversifié : méthode, métaphysique, physique, médecine, morale.

= pose l’unité du corps des sciences.

= D. veut trouver un principe ferme et assuré qui puisse permettre de parvenir à un savoir enfin solide tant dans le domaine de la morale que dans celui des sciences.

L’optimisme intellectuel renoue avec la suprématie de la raison (comme dans philo antique).

Tous les hommes peuvent penser à condition de le faire avec méthode,

tous peuvent atteindre en cette vie le contentement que permet la morale provisoire.

= le but de la recherche de la connaissance est l’exercice du bon sens (de la raison) ;

le bon usage de la raison suppose (de) la méthode.

La raison est de discerner le vrai du faux.

=> la méthode veut donc faire de la philosophie un savoir certain, c’est-à-dire une science.

Introduction

annonce le plan.

1. sur les sciences

2. les règles de la méthode

3. la morale

4. preuves de Dieu et l’âme comme fondements de la métaphysique

5. le corps, la médecine, la différence entre « notre âme et celle des bêtes »

6. « quelles choses il (l’auteur) croit être requises pour aller plus avant en la recherche de la nature qu’il n’a été, et quelles raisons l’ont fait écrire. »

*

Première partieSur les sciences

Recherche d’un principe ferme et assuré

Disposition naturelle : tous les hommes possèdent le « bon sens », pour « distinguer le vrai avec le faux ». Mais ce n’est pas suffisant : il faut une méthode rigoureuse fondée sur un principe « ferme et assuré ».

« Présenter ma vie comme un tableau ». Mon esprit « n’est pas plus parfait que ceux du commun ».

« J’ai été nourri aux lettres dès mon enfance » : bons souvenirs mais insuffisance du contenu.

Pas de « connaissance claire et assurée ». Il y découvre surtout l’étendue de son ignorance.

Mais les exercices scolaires sont une propédeutique indispensable. [=ensemble de savoirs servant de base à de futurs enseignements.]

« Je me plaisais surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons. » Elles peuvent « faciliter tous les arts et diminuer le travail des hommes. »

Mais trop de géométrie (Anciens), et « l’algèbre des modernes » est confus.

« Il est bon de savoir quelque chose des mœurs de divers peuples. » La pratique vérifie les savoirs.

Mais voyager présente le danger de se rendre étranger en son propre pays.

Notes :

voie = chemin (« méthode » en grec)

p.30 « ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. »

*

Seconde partie – Les règles de la méthode

Ce qui est fait par un seul vaut plus que ce qui est fait par plusieurs. D. reprend tout l’héritage intellectuel à son propre compte.

Mais il faut tout remettre en question.

Les 4 règles de la méthode (« préceptes »)

1. règle d’évidence : énonce l’exigence cartésienne de certitude, et la disqualification de tout savoir simplement vraisemblable ou probable.

découvrir des idées claires et distinctes dans les questions qu’on examine, en évitant les 2 causes de l’erreur : les préjugés et la précipitation.

2. Diviser les problèmes en autant d’éléments simples qu’on pourra y découvrir.

3. Reconstruire le problème en passant du simple au complexe de façon ordonnée.

4. Procéder à une énumération récapitulatrice.

=> les « longues chaînes de raisons » devrait servir de modèle pour la construction méthodique de toutes les connaissances et permet d’user de sa raison le mieux possible.

Précepte 1 : la règle dite d’évidence

« Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute. »

La précipitation = consiste à porter un jugement sur une chose avant que l’entendement n’ait atteint la connaissance évidente de cette chose.

La prévention : c’est l’influence, fondée sur l’habitude, de nos croyances erronées, issues de l’enfance, sur notre jugement, autrement dit, le poids des préjugés.

Précepte 2 : « réduire la difficulté à une très simple ».

Diviser les problèmes en autant d’éléments simples qu’on pourra y découvrir.

REMARQUE : cette règle peut-elle rapprochée de l’intersectionnalité ?

Précepte 3 : aller du plus simple au plus compliqué

Précepte 4 : vérification intellectuelle de la chaîne déductive.

=> Idée de l’unité du savoir humain, fondée sur l’unité du bon sens.

p.51 Retour, encore, sur les mathématiques : elles sont vaines en soi, mais il faut s’habituer à la méthode qu’elles requièrent, puis utiliser cette méthode (chaîne démonstrative qui chemine du simple au compliqué) aux autres domaines de la connaissance, notamment la philosophie.

p.52 D. réforme les mathématiques (abandon des signes cossiques au profit des nombres en exposant).

p.53-4 réformer la philosophie est ce qu’il y a de plus difficile, car rien, jusqu’alors, n’y est certain.

*

Partie 3 – La morale

La pratique n’attend pas : comment faire avant de découvrir la vérité ? = une « morale par provision » (c’est-à-dire « en attendant » selon le dico de Furetière)

= les incertitudes de la métaphysique n’empêchent pas d’établir qq principes simples qu’il suffira de suivre pour parvenir au contentement.

3 règles :

1. obéir aux lois et coutumes de son pays, respecter la religion de sa naissance. Être modéré. Suivre les opinions des « mieux sensés » en actes (plutôt qu’en discours).

2. être ferme et résolu dans ses actions quand on a pris une décision (exemple du chemin arbitraire quand on est perdu dans la forêt).

3. (régulation du désir) il faut se vaincre plutôt que de vouloir l’emporter sur la fortune : il vaut mieux changer ses désirs que l’ordre du monde.

= référence aux stoïciens.

D. ressent un tel contentement à « cultiver la raison » en suivant cette méthode, qu’il n’y en a pas de plus grand pour lui (« plus doux et plus innocent », p.60).

p.62 référence critique à Francis Bacon.

Explique son choix de partir en Hollande, pays dont il fait l’éloge.

*

Partie 4 – Premières certitudes métaphysiques

« métaphysique », c’est-à-dire de « Dieu » et de « l’âme », objets traditionnels de la métaphysique entendue comme philosophie première et qui nécessite qu’on se détache de la sensibilité (abducere mentem a sensibus).

« Des méditations qui ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. » Prend des précautions.

Version simplifiée des Méditations métaphysiques.

– je me suis souvent trompé ;

– je décide de douter de toutes mes anciennes idées (remise en cause de la faculté de sentir (percevoir) mais aussi de la faculté de raisonner) ;

– pour douter, il faut penser ;

– je pense, donc je suis.

= la question du doute y est très brève, défaut que D. reconnaît (mais dans les Méditations, le doute n’aura plus la même importance).

Le doute fait ressortir l’exception du cogito, première certitude indubitable

et établit la nature de notre âme comme existence pensante, n’ayant besoin d’aucune chose matérielle pour exister (ce que les Méditations et les Réponses dénieront).

= le doute instaure une différence entre les choses matérielles (dont je peux douter) et notre propre être dont nous ne pouvons pas douter, et qui est donc immatériel.

Mais il y a la certitude de l’existence de Dieu : l’idée d’un être tout parfait s’accompagne nécessairement de son existence (sinon il ne serait pas parfait). Puisque cet être parfait existe, la connaissance de la vérité redevient possible : l’existence de Dieu garantit la possibilité de la connaissance.

*

Partie 5 – Les recherches scientifiques

D. passe à l’application des principes de la méthode à la connaissance scientifique (promesse du ss-titre).

Résume les découvertes exposées dans le Monde ou Traité de la Lumière (1629) qu’il n’a pas publié à causes des controverses graves, notamment autour de Galilée.

Énumère qq principes, à partir des vérités éternelles que sont les lois établies par Dieu dans la nature comme dans nos âmes.

La circulation du sang. Longue description (erronée) à partir d’une dissection (que D. pratique souvent). Accords et désaccords avec Harvey.

2 différences entre l’homme et une machine qui lui ressemblerait :

le langage ;

– la raison

Les animaux n’ont pas de raison (s’oppose à Montaigne, cf. note 1 p.93).

Sur l’âme, qui ne peut être tirée de la puissance de la matière, mais créée. Elle est indépendante du corps. Chez les animaux, l’âme dépend du corps.

*

Partie 6 – L’utilité de la méthode

Abandon de la publication du Monde à cause de la condamnation de Galilée.

« Mon inclination qui m’a toujours fait haïr le métier de faire des livres. »

L’homme peut devenir « maître et possesseur de la nature » par les usages des différents métiers des artisans.

La santé comme premier bien, qui permet les autres. Importance de la médecine (repousser la mort…).

Les expériences sont « d’autant plus nécessaires qu’on est plus avancé en connaissance. »

Résumé de la méthode :

– trouver les principes ou « premières causes » (Dieu) ;

– premiers effets de ces causes (la nature) ;

– les causes particulières ;

– vérification systématique, par rapport aux causes, des objets qui se présentent au sens ; s’inspire de l’expérience cruciale de Bacon ;

Appel aux autres scientifiques et aux mécènes (il a été dit plusieurs fois, en outre, qu’il fallait être plusieurs).

– écrire les vérités trouvées avec soin. Les publier après la mort, pour ne pas perdre de temps dans les controverses.

La bataille de la vérité.

Critique de la disputatio scholastique.

Les pensées sont toujours mal rapportées.

Il reste des choses à découvrir, et D. pense avoir le temps d’y parvenir (il a 41 ans).

Introduit la Dioptrique et les Météores.

Ne promet rien au public, mais se consacrera à la recherche.

*

Remarques supplémentaires

D. ne veut pas vulgariser sa philosophie (et pense que la langue vulgaire ne le peut pas),

alors que 7 ans plus tard, il voudra écrire un manuel scolaire de sa philosophie pour qu’elle remplace l’ancienne.

S’il écrit le « discours » (qui n’est, par définition, pas un traité), c’est pour attirer les mécènes (pour poursuivre ses expériences, notamment en médecine, pour le bien de tous). Mais « masque » une partie de sa philosophie (se protège des condamnations et des dénaturations).

= ne veut pas de disciples, ne veut pas qu’on apprenne sa philosophie à partir du Discours

=> bien qu’écrite en français, ce n’est pas une « vulgarisation ».

Il manque le traité précédent de métaphysique, ce qui ne permet pas de savoir ce qui est caché et ce que D. n’a pas encore trouvé (absence du Dieu trompeur, portée du Doute).

La science universelle

D. fait le projet d’une science universelle, dont sa philosophie doit être la réalisation.

La science, c’est tout ce qu’on peut savoir => c’est la modalité épistémique qui est en jeu.

« Toute science est une connaissance certaine et évidente. »

=> le Discours est le manifeste d’une philosophie fondée sur l’exigence de la certitude

(que tout savoir humain soit aussi sûr que l’arithmétique ou la géométrie).

=> cela est possible parce que tout le savoir humain est de même nature.

=> on doit unifier les sciences en les référant à l’unité de la raison qui les constitue.

C’est la même rationalité pour tous les savoirs, on peut donc attendre la même exigence.

=> D. veut que sa philosophie s’adresse à la raison, non pas à la mémoire : donc, ce n’est pas grave si tout n’y est pas exposé, la raison palliera les manques.

De même, en français plutôt qu’en latin, pour que tous, même ceux sans éducation (ou presque…), puissent lire et juger ce qu’il a écrit, selon le « bon sens » et non pas les « livres anciens ».

=> Le Discours est un manifeste à utiliser la raison contre la tradition et l’autorité.

George Sand | François le Champi

Bibliographie sélective

Ouvrages généraux

BARRY, Joseph, George Sand ou le scandale de la liberté, Points, 2004 ;

CHAMPETIER dE RIBES, Béatrice, Les paysans dans l’oeuvre de georges Sand, s.n., 1973 ;

HAMON, Bernard, Georges Sand et la politique, ANRT, 1998 ;

PERROT, Michelle, Georges Sand à Nohant : une maison d’artiste, Seuil, 2020 ;

REID, Martine, Georges Sand, Folio biographies, 2013.

*

Articles sur le livre

DE VRIES, Vicki, François le Champi, an new Emile, French Culture studies 2015, vol 26(1) 3-16 ;

GIACHETTI, Claudine, Le Syndrome d’abandon dans cinq romans de George Sand, Orbis Lietterarum 51 : 195-204, 1996 ;

RASER, Timoty, The intertextual Uncouscious in François le Champi, French Forum, 2009 ; 34, 2 ;

WORWILL, Structure in George Sand’ François le Champi, Dalhousie French Studies, 2008, vol.84.

*

Emissions radiophoniques

On trouvera toute une série d’émissions sur George Sand en suivant ce lien vers France Culture :

https://www.franceculture.fr/recherche/articles-et-diffusions?q=george+sand

dont :

« Grande traversée : George Sand, vie singulière d’une auteure majuscule » :

https://www.franceculture.fr/emissions/grande-traversee-george-sand-vie-singuliere-dune-auteure-majuscule

Concordance des temps (Jean-Noël Jeanneney) :

https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/letrange-modernite-de-la-comtesse-de-segur

La compagnie des auteurs (devenu “la compagnie des oeuvres”) :

https://franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/george-sand

Conférence d’André Maurois :

https://franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/les-grandes-conferences-george-sand-ou-le-probleme-de-la-femme-george-sand-et-chopin

La correspondance Sand/Flaubert :

https://franceculture.fr/emissions/fictions-le-feuilleton/gustave-flaubert-george-sand-correspondance

George Sand et Chopin :

https://www.franceculture.fr/emissions/grands-ecrivains-grandes-conferences/george-sand-24-les-grandes-conferences-george-sand-et